Henri Mathey, son spitfire, ses camarades…

Cette première chronique d'Albert Ziri est consacrée à un aviateur bisontin de la France libre. Il raconte l'émotion d'Henri Mathey lors d'un reportage qui figure parmi ceux qui ont beaucoup marqué notre confrère qui a longtemps travaillé à France 3.

De la vie professionnelle qui a été la mienne, je garde l'immense satisfaction d'avoir eu la possibilité de rencontrer des dizaines de personnes, toutes différentes, de tous les secteurs de la société. Au gré de ces rencontres, de ces reportages j'ai donc croisé de multiples caractères, parmi eux, bien sûr, certains m'ont marqué encore plus fort. L'un d'entre eux, particulièrement. Il s'agit d'Henri Mathey. Nous avions choisi de le rencontrer, mes collègues Richard Négri et Abou Sow et moi-même pour réaliser un reportage pour commémorer le soixantième anniversaire du débarquement en Normandie le 6 Juin 44.

Ce jour historique, aux commandes de son Spitfire aux couleurs de la France Libre, il couvrait du ciel les troupes alliées qui entamaient la libération de l'Europe.

Sa narration était simple, d'une voix posée, à la diction distinguée et parfois légèrement teintée d'une douce ironie, so british. Il nous a raconté son départ de Besançon, un petit matin de juin 1940, seul. Il avait rendez-vous alors avec d'autres jeunes gens. Mais voilà, ce matin là, il se retrouva seul, et entama seul son périple pour rejoindre Londres. La traversée de la France, de l'Espagne et du Portugal ne fut pas aisée. A plusieurs reprises il fut arrêté, emprisonné, mais toujours, il réussit à s'en sortir.

Dés son arrivée en Angleterre, il est envoyé en formation. Il sera pilote et affecté à l'«Alsace 341 Squadron» de la RAF. Il y mènera plusieurs missions lors desquelles plusieurs de ses amis seront abattus en combat aérien.

A ce moment de la narration, il nous a fallu couper la caméra, baisser le micro. Henri Mathey avait beaucoup de difficultés à retenir son émotion. En parlant de ses camarades disparus, il disait d'eux «c'étaient des hommes formidables, formidables».

Il s'excusait presque de son émotion, pour un peu il l'aurait qualifiée de sensiblerie. A tel point qu'il est passé très vite sur son avion abattu, sa blessure, sa captivité, ses tentatives d'évasion, son échappée et son retour au combat.

Sur son retour dans sa ville, aussi, il a été discret. «Parfois il m'arrive d'en croiser certains....je ne traverse pas pour les saluer...le temps a passé...» avec un petit geste de la main, comme pour dire que tout ceci n'avait plus ou peu d'importance.

De loin en loin nous nous croisions, échangions quelques mots au coin d'une rue. Il m'avait fait promettre de passer le revoir. Je ne l'ai pas fait. La faute à pas de temps, à la timidité.

Il ne faisait pas de grands discours. Il avait agi comme il était normal d'agir ainsi, disait-il, dans un tel contexte. Il ne pouvait concevoir une vie sous le joug.

Dans notre société d'aujourd'hui, même imparfaite, nos choix sont ceux d'hommes libres, parce qu'hier, il y a eu des Henri Mathey.

Lors du dernier conseil municipal,la ville de Besançon a décidé d'honorer sa mémoire. Une rue portera bientôt son nom.

En savoir plus sur Henri Mathey sur le site Français Libres et Wikipedia. Il fut aussi l'un des dirigeants du groupe de distribution Cedis à l'origine des hypermarchés Mammouth. 

 

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