Florian Gulli : « dans une société dépassant le capitalisme, il y aura des marchés »

Auteur de livres récents sur Marx, Engels et Lénine, le secrétaire de la section de Besançon du PCF participe samedi 27 janvier à un débat sur le centenaire de la Révolution d'octobre 1917. Sans les « célébrer », il estime que « ce sont des personnages utiles et pertinents pour penser le présent ».

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Professeur de philo, secrétaire de la section de Besançon du PCF, Florian Gulli écrit aussi des livres. Il est ainsi le co-auteur d'un Découvrir Marx et d'un Découvrir Engels, petits ouvrages d'introduction à la connaissance des auteurs du Manifeste du parti communiste en 1848, qui allait devenir un best-seller mondial. Florian Gulli est aussi l'auteur, avec Aurélien Aramini, d'une Introduction à la pensée de Lénine. Tous deux participent à une conférence-débat consacrée au centenaire de la Révolution russe, samedi 27 janvier à Besançon (14 h, salle Proudhon).

Marx, Engels, Lénine ont-il encore quelque chose à nous dire aujourd'hui ?

Ce sont des personnages utiles et pertinents pour penser le présent, même s'ils ne sont pas tout. Après 2008, il y a eu beaucoup de rééditions de Marx parce qu'il permet d'analyser la crise. Ce n'est pas de la célébration.

Que faudrait-il ne pas garder d'eux ?

Il y a des choses dont on se rend compte. Lénine a été au pouvoir de fin 1917 à 1923. Il avait tendance avant à vouloir supprimer l'ensemble du marché, mais il a créé la NEP, la nouvelle politique économique... Une société dépassant le capitalisme n'ayant ni religion ni Etat, c'est excessif. Il faut plutôt penser comment on contrôle le marché. Lénine a aussi eu une expérience du pouvoir, ce n'est pas seulement un théoricien.

Qu'est-ce qui est pertinent chez lui selon vous ?

Ce qui est très utilisé, c'est ce qu'il a écrit sur l'impérialisme, les relations Nord-Sud, les relations asymétriques.

Aujourd'hui, il n'y a plus seulement l'impérialisme américain...

Oui. C'est pour ça qu'il y a des guerres. Lénine analyse celle de 1914-1918 comme la conséquence d'un monde partagé, la confrontation de grandes puissances. Mais il ne s'agit pas de faire des copier-coller avec aujourd'hui.

Il y a peu de commémorations de la révolution de 1917. Comment l'expliquez-vous ?

Ce n'est pas étonnant. Quand j'ai commencé à m'y intéresser, en 1997, c'était le dégommage de la Révolution russe. Aujourd'hui, les analyses sont plus tempérées...

Il y a quand même eu, entre-temps, l'envers de l'aspect globalement positif, pour reprendre l'expression de Georges Marchais, c'est à dire le goulag...

On peut faire l'histoire de la répression, mais il ne faut pas réduire l'histoire à cela. Si on faisait lire l'histoire de France uniquement à travers l'histoire de la répression, elle serait fausse. Il faut prendre en charge le goulag, essayer de comprendre. Mais on sort de Lénine qui est dans la guerre civile, en vit la fin puis disparaît. Après lui, c'est une autre histoire. Il ne faut pas faire comme Michel Onfray qui parle des premiers camps de concentration en 1918 en Russie. Après Auschwitz, le mot ne veut plus dire la même chose. C'est pourtant le terme utilisé alors dans tous les états majors européens pour désigner les camps de prisonniers. Et ceux qui n'avaient pas de camp de concentration, comme les Russes blancs, ne faisaient pas de prisonniers... Notre objectif n'est pas de peindre en rose une histoire que les dominants peignent en noir. Il faut essayer de comprendre, voir par exemple que le refus du marché a compté dans ce qui s'est passé.

Ce n'est pas la même chose que la critique de la propriété privée des moyens de production ?

Le programme du parti communiste porte seulement sur les grands moyens de production. Ça ne s'applique pas aux boulangers ! Dans une société dépassant le capitalisme, il y aura des marchés. Microsoft est aujourd'hui un capitaliste sans marché car il écrase tout le monde...

Depuis la rentrée, il y a de nombreuses réunions de réflexion à gauche à Besançon. Peut-on parler de foisonnement intellectuel dans l'opposition ?

Oui, mais ça ne va peut être pas assez loin. Cela existe pour différentes raisons. Il n'y a pas de grand projet alternatif, de vision du monde, d'idéal partagés. Mais il y a une recomposition politique, ça raisonne beaucoup. Regardez les macronistes à l'Assemblée nationale qui ne peuvent pas signer une proposition de loi émanant d'un autre groupe : ils n'ont plus besoin de réfléchir !

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