Ehpad de Montain : la sommation de la Direccte

Le 11 février dernier, après plus de deux ans d'alertes et de contrôles sans effet, l'administration avait mis en demeure la directrice de Clair-Jura d'évaluer les risques psychosociaux et de mettre en oeuvre un plan de prévention. Mercredi 2 mars, le personnel a observé un second débrayage d'une heure.

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Le professeur Jean-Jacques Eledjam, président national de la Croix rouge est « bien informé de la situation » de l'Ehpad Clair-Jura de Montain où un second débrayage d'une heure a eu lieu ce mercredi 2 mars. C'est ce qu'il écrivait le 15 février à la CGT de l'établissement qui venait de lui adresser un premier préavis de grève pour le 24 février, réclamant le départ de la directrice. Le professeur précisait également être « en contact avec l'inspection du travail et la médecine du travail et un entretien est d'ores et déjà programmé le 29 février ».

« Bien informé », le président l'était en effet puisque la copie d'une mise en demeure du directeur de la DIRECCTEdirection régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi à la directrice de Clair-Jura venait d'être adressée en recommandée à la Croix rouge par l'inspectrice du travail qui joignait également ses observations après un contrôle effectué le 22 décembre dans l'établissement de Montain. Un précédent contrôle du 8 septembre où « des remarques orales sur la mauvaise tenue du registre avaient déjà été faites » était manifestement resté sans effet puisque l'inspectrice du travail « envisage » dans son courrier du 11 février de saisir le procureur de la République.

Six pages de manquements divers

Cette lettre de six pages liste plusieurs infractions et manquements divers. Ainsi le registre du personnel n'était « pas à jour », comprenait des « mentions notées au crayon de papier », voire « absentes : pas de date de sortie alors que les salariés ne sont plus dans l'établissement ». En outre, le comité d'établissement « n'a pas été consulté sur le plan de formation dans les délais impartis », et « à la lecture des procès-verbaux de réunions, certaines questions ne donnent pas lieu à des réponses claires et précises, et même si parfois cette instance est consultée, les échanges semblent limités et les membres n'émettent pas d'avis favorable ou défavorable ».

Le courrier aborde longuement la question des risques psychosociaux en des termes alarmants : « notre service a reçu à plusieurs reprises et depuis plusieurs années des informations diverses et concordantes révélant une situation préoccupante concernant la santé mentale de vos salariés », notamment une lettre du médecin du travail du 4 mars 2014 et « une alerte des délégués du personnel à plusieurs reprises sur le mal être du personnel ».

L'inspection du travail relève que la réorganisation engagée par la directrice arrivée en juillet 2013 « semblait s'être traduite par une augmentation sensible des risques psychosociaux qui s'est illustrée en partie par une augmentation des arrêts de travail ». Elle précise qu'une précédente lettre d'observations du 3 juin 2014 avait déjà rappelé à la directrice de l'Ehpad ses « obligations de sécurité de résultat concernant la santé physique et mentale de [ses] salariés ».

« Persistance de l'épuisement physique et psychologique du personnel »

Cela avait conduit la directrice à répondre, le 30 juin 2014, que « malgré [son] étonnement en ce qui concerne le malaise du personnel », une démarche de prévention des risques psychosociaux allait être engagée. Elle avait été réalisé par le département Qualité de vie au travail de la direction des ressources humaines de la Croix rouge qui avait « constaté un absentéisme croissant depuis fin 2013 en maladie et en accident du travail, l'inexistence de document unique d'évaluation des risques professionnels  ».

Des pistes d'actions étaient proposées, mais « en avril et juin 2015, les délégués du personnel alertent une nouvelle fois sur la persistance de l'épuisement physique et psychologique du personnel ». Une seconde alerte du médecin du travail est adressée le 25 juin 2015 à la directrice concernant « des pathologies médicales préoccupantes en lien avec les risques psychosociaux, constatés chez plusieurs salariés ».

Actions suspendues, abandonnées, échéances non tenues...

Et quand l'inspectrice fait son contrôle du 22 décembre, c'est pour « constater » que « des actions du plan risques psychosociaux ont été suspendues ou abandonnées », que « des échéances mentionnées n'ont pas été tenues », que « le personnel ne semble pas avoir été informé des avancées concrètes de cette démarche et les délégués du personnel ont demandé à plusieurs reprises que le plan d'action soit affiché dans la salle de pause ».

Conclusion de ces constats : « compte tenu de la gravité des risques et de la situation dangereuse avérée à laquelle sont exposés vos salariés depuis longtemps », la mise en demeure du directeur régional de la Direccte donne trois mois à la direction de l'Ehpad pour « évaluer les risques professionnels et notamment psychosociaux, concevoir un plan d'action, mettre en oeuvre des actions de prévention efficaces ». Le tout en « concertation avec le personnel et ses représentants ». La situation étant « extrêmement préoccupante », la directrice était sommée de « tenir informée rapidement » l'inspection du travail de ses démarches.

On le voit, l'entretien évoqué par le président de la Croix rouge n'a rien d'un aimable rendez-vous, mais consiste plutôt en  une convocation se terminant par une conclusion comminatoire : « vous informerez les délégués du personnel de ce courrier, de la mise en demeure du directeur régional et des suites que vous allez lui donner. En ce qui concerne les infractions pénales susceptibles d'être relevées, vous voudrez bien me fournir vos explications... »

Factuel.info a tenté de joindre la direction de l'Ehpad par téléphone et mail, mais sans retour pour l'instant.

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