« Ecotaxe poids lourds : démêler le vrai du faux »

Michel Dubromel, en charge des transports et de la mobilité à France Nature Environnement Franche-Comté, démêle ce qui est pour lui le vrai du faux à propos de l'écotaxe. Plusieurs radars d'Ecoumouv ont été détruits dans la région.

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Plusieurs radars d'Ecoumouv destinés à la perception de l'écotaxe ont été détruits ou endommagés dans le Jura et le Doubs. La contestation de la mesure instaurée sous la présidence Sarkozy par un vote réunissant droite et gauche à l'Assemblée nationale, progresse dans le pays et arrive en Franche-Comté. Dans ce contexte, Michel Dubromel, en charge des transports et de la mobilité à France Nature Environnement Franche-Comté, a tenté de démêler ce qui est pour lui le vrai du faux à propos de l'écotaxe. Si son propos s'arrête à la critique du système de perception assuré par une entreprise privée italienne dans le cadre d'un partenariat public privé, il prend une certaine hauteur en évoquant les enjeux environnementaux. Il n'aborde pas non plus le processus de libéralisation du transport européen qui s'accompagne d'un véritable dumping social, ce pourquoi nous lui avons posé la question en encadré.


L’usage du réseau routier est gratuit…mais son entretien nous coûte cher : vrai  

Alors que la circulation sur le réseau routier hors autoroutes, est actuellement gratuite pour les  poids  lourds, l’utilisation des réseaux ferroviaires et fluviaux fait l’objet d’un péage. Il serait  normal  que  les  acteurs  économiques  français  et  étrangers,  utilisateurs  principaux  du réseau  routier,  paient  leur  part,  sur  le  principe  de  l’utilisateur/payeur  mais  aussi  du pollueur/payeur. L’écotaxe est donc bel et bien une redevance versée en échange du droit d’usage d’un service.
 

Si l’écotaxe est supprimée, les impôts n’augmenteront pas : faux
 

Le coût du réseau routier (entretien) est actuellement supporté par la collectivité, c’est-à-dire par le contribuable français et les impôts dont il s’acquitte. La suspension de l’écotaxe représente  un  manque  à  gagner  qu’il  faudra  obligatoirement  compenser  par  une augmentation des impôts.


Les exonérations pour les transporteurs sont nombreuses : vrai

Le  transport  routier  de  marchandises  a  bénéficié  depuis  2009  de  mesures  favorisant  son développement en anticipation de la mise en place de l’écotaxe. Ces mesures (réduction de la taxe à l’essieu, augmentation du dégrèvement des taxes  sur  le  gasoil,  généralisation  du 44 tonnes…) représentent un coût important pour les finances publiques :  800  millions  de
cadeaux  fiscaux  concédés auxquels  il faut  ajouter 1,2 milliard  de  manque  à  gagner  annuel en cas de suppression de l’écotaxe et 800 millions à payer au prestataire en cas de dédit. La facture grimpera vite pour approcher les 3 milliards d’euros en 2014 !  De  plus,  rappelons que l’écotaxe fait déjà l’objet d’allégements et d’aménagements pour certaines  régions comme par exemple la Bretagne (réduction de 50%).


 L’écotaxe  permet  de  rééquilibrer  la  concurrence  avec  les  membres  de  l’Union européenne : vrai


Ce type de redevance est déjà entré en vigueur dans plusieurs pays européens : Allemagne (depuis 2005), Suisse (depuis 2001), Autriche (depuis  2004) etc. Le secteur des transports routiers souffre en effet de la concurrence déloyale de certains pays, notamment européens, en raison d’un vrai dumping social. En taxant le réseau des grandes routes nationales qui subissent  un  report  des  camions souhaitant éviter le réseau autoroutier payant, l’écotaxe fera donc payer les 800 000 camions, dont 200 000 de compagnies étrangères, qui circulent pour l’instant gratuitement en France chaque année.  

 

L’écotaxe protège nos territoires et l’économie de proximité : vrai

Dans le contexte de notre économie mondialisée, les sites de production sont souvent très éloignés  des  lieux  de  distribution,  situation  rendue  possible  par  un  système  de  transport routier  sous  tarifé  et  très  loin  de  son  coût  sociétal. Le  montant de l’écotaxe dépend du nombre de kilomètres parcourus et du poids du véhicule. En faisant payer plus le transport longue  distance,  il s’agit d’un dispositif qui rend plus compétitifs les produits de proximité ayant de surcroit peu contribué au réchauffement climatique et à la dégradation de la qualité de l’air. Son objectif est donc d’inciter au changement de comportement.

L’écotaxe est responsable de la situation économique de la Bretagne : faux

La situation que connait aujourd’hui la Bretagne est avant  tout  le  résultat d’un modèle productiviste à la dérive qui génère une baisse de revenus et désespoir chez bon nombre de petits paysans. Modèle productiviste qui profite d’un transport routier sous-tarifé,  justifie des parcours  parfois  invraisemblables pour nos produits et ce afin d’ « optimiser »  la  rentabilité au détriment des emplois, de l’environnement et d’une production de proximité. Au sein de l'industrie agroalimentaire, certains ont déjà pris le chemin d'une meilleure valorisation et de plus de valeur ajoutée.
 

« Dissuasif pour une société de transport d'Europe centrale qui veut faire du cabotage »


Votre position sur le partenariat public privé n'est-elle pas insuffisante ? D'abord, c'est une première de voir lever l'impôt par un acteur privé, d'autre part, les membres du consortium Ecoumouv sont étrangers avec même la possibilité théorique de voir débarquer un jour Goldman Sachs !

Le choix du PPP n'est pas notre tasse de thé. Mais l'Etat n'a plus les moyens d'investir. On n'apprécie pas cet état de fait, mais devant la nécessité de mettre en oeuvre le dispositif, c'était le PPP ou rien. Quant à la rétribution, comparons avec l'Allemagne où les frais de gestion sont de 15% pour l'ensemble du réseau autoroutier... Le PPP allemand s'est aussi fait avec Cofiroute ! Pourquoi sommes-nous allés voir une société italienne ?

Vous dîtes que l'écotaxe protège nos territoires, mais la libéralisation du transport au niveau européen ne va-t-elle pas aggraver le problème quand on voit le dumping social et fiscal auquel se livrent des gros transporteurs, y compris français en créant des filiales bidon en Europe centrale ?
Au contraire, l'écotaxe contribue un peu à remetrre tout le monde à niveau. La distortion de concurrence sera en petite partie compensée par l'écotaxe. Aujourd'hui, un chauffeur étranger fait le plein au Luxembourg 30% moins cher qu'en France, ne paie rien quand il roule sur une route nationale, le conducteur est payé au tarif d'Europe de l'Est... Cette écotaxe ne résoud pas le problème, mais fait payer quelque chose. C'est dissuasif pour une société de transport d'Europe centrale qui veut faire du cabotage et à qui le coût de transfert à vide ne coûte rien actuellement.

L’écotaxe impactera le pouvoir d’achat des français : faux

Le transport pèse très peu dans le prix d’un produit. L’impact de l’écotaxe sur le bien de consommation final sera de l’ordre de 0,1 à 0,4 %. A titre d’exemple, pour un primeur, sur une  liaison  Ile  de  France-Bretagne, la hausse sera de 0,05 euros au kilo. L’écotaxe n’aura pas d’effet perceptible sur les prix à la consommation.
 

L’écotaxe permettra de réduire certains transports et de polluer moins : vrai

L’application de l’écotaxe provoquera une meilleure organisation du transport routier et une compensation  de  son  coût  par  une meilleure  optimisation  des changements  et  la  réduction des  transports  à  vide. De  plus  en  faisant  payer  plus  les  camions  les  plus  polluants,  elle incitera au renouvellement du parc et à une réduction des pollutions de l’air.
 

Sans écotaxe, on pourra financer les transports de demain : faux

L’écotaxe permettra de financer la modernisation des infrastructures routières, mais aussi ferroviaires,  fluviales et  portuaires. Sans le produit de l’écotaxe, comment la France pourra t’elle se donner les moyens de sa politique de report vers les modes de transports plus vertueux et comment pourra t’elle financer les transports de demain ?  

Le contrat Ecomouv est un écran de fumée : vrai

Quoi qu'on pense du  système de partenariat  public privé (PPP), le contrat avec Ecomouv' ne  doit  pas  être  pris  comme  prétexte  pour  enterrer  définitivement  l'écotaxe.  Les  frais  de gestion, qui comprennent également le remboursement de l’investissement,  à  hauteur  de 20% (au cœur de la polémique) sont-ils  excessifs  étant  donnée  l'importante  logistique nécessaire à la collecte ? Pour un système similaire, l’Allemagne, est à environ 15% de frais de  gestion.  De  plus,  ce  taux  de  20%  n'a  jamais  été  caché  et  personne  jusqu'à  présent  ne semble  s'en  être  ému.  Quand  on  veut  se  débarrasser  de  son  chien,  on  l'accuse  d'avoir  la
rage !

 

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