Conférence « Loue et rivières comtoises » : la pollution est désormais l’affaire de tous

77% des agriculteurs sondés n'analysent pas leurs sols, 142 entreprises potentiellement polluantes sur 1200 ont accepté d'entendre parler des effluents, 52 plans d'assainissement restent à faire, les mesures de la pollution en continu ont commencé... Le conseil général de l'environnement et du développement rural émet 22 recommandations dans un rapport présenté lors de la quatrième conférence.

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Attendue de pied ferme par les défenseurs des cours d’eau franc-comtois, la quatrième conférence départementale “Loue et rivières comtoises” s’est déroulée ce mardi 28 juin à Besançon. Condensée et riche en informations, elle a mis en avant une séries de mesures destinées à faire progresser la qualité, préoccupante, de nos cours d’eau. En un an et demi, les choses ont semble-t-il évolué dans le bon sens.

Devant une centaine de paires d’oreilles attentives, Jean-Philippe Setbon, secrétaire général de la préfecture du Doubs, Philippe Alpy, vice-président du Département du Doubs en charge de l’aménagement du territoire, du logement et de l’environnement, Béatrix Loison, conseillère départementale en charge de l’agriculture et de la forêt mais aussi la Direction départementale du Doubs, la CCI, le Pôle Karst ainsi que des représentants de la filière bois ont exposé les différentes avancées des études et travaux menés à bien dans l’espoir de rendre leur santé à nos rivières.

Le projet de rapport d’Eric Vindimian, du Conseil général de l’environnement et du développement durable intitulé « Propositions de mesures », a été rapidement abordé dans l’attente de la publication du rapport, prévue dans quelques jours. Ce dernier a mis l’accent sur la création d’un « label d’excellence environnementale qui permettrait de distinguer les bons élèves et de les valoriser ». Cela suppose évidemment la création de cahiers des charges par secteur et d’une police de l’environnement efficace.

Les capteurs installés
donnent leurs premiers résultats

C’était l’annonce phare de la dernière conférence : l’installation de stations de mesure continue (ndlr, pour un coût de 400.000 euros), afin de créer une base de données durable et d’analyser les évolutions de la qualité de l’eau. C’est sur le Doubs, à Arçon ; dans la source de la Loue ; à Vuillafans, en aval des sources issues du plateau de Levier ; à la source du Lison et à Chenecey Buillon qu’ont été installés progressivement les capteurs dès octobre 2015. « Depuis six mois, ils livrent leurs premiers résultats. L’analyse des données a débuté. Un rapport global devrait intervenir au premier semestre 2017. Nous avons également l’intention de mettre en place des bulletins d’information semestriels diffusés sur internet », ont expliqué les instigateurs du projet QUARSTIC. De plus, une sonde haute fréquence est actuellement en phase de tests et devrait livrer ses premiers résultats l’an prochain.

De nouveaux niveaux de rejets en “zone karst”

Le karst n’a pas été oublié cette année. Les choses ont bougé depuis que les collectif SOS Loue et rivières comtoises et SOS Doubs-Dessoubre ont remis samedi 13 décembre 2014 une pétition signée par 72.256 personnes réclamant « l'adaptation des normes à la fragilité des rivières karstiques de Franche-Comté ». Dans ces zones sensibles, c’est désormais chose faite. De plus, les aménagements des rejets sont maintenant obligatoires. Dans les autres zones, ils le sont dès lors que s’y trouve une fromagerie. À Étalans, Avoudrey et Arc et Senans, ces mesures sont d’ores et déjà actives.

Une plateforme collaborative est en phase de réflexion afin de rassembler et mettre à disposition des intéressées (scientifiques, services de l’État, gestionnaires...) la masse de données collectées sur les rivières et milieux karstiques du Doubs.

Création d’un groupe de travail sur l’assainissement

 

Les consciences autrefois endormies, régulièrement poussées dans leurs retranchements par les associations de protection de l’environnement, semblent désormais réveillées. Philippe Alpy l’assure en présentant le compte-rendu du groupe de travail assainissement, réuni pour la première fois le 8 mars 2016 dans le but d’élargir les travaux du groupe agriculture : « Oui il y a des points noirs sur notre territoire, mais beaucoup de choses ont été faites, dans un soucis de transparence ». L’accent est mis sur la connaissance globale des réseaux d’assainissement dans le but de mieux les contrôler et les exploiter. Pour ce faire, 243 plans schématiques ont été réalisés par le Département (dont 143 validés, 52 restant à faire). Ils seront rapidement mis à disposition des communes.

Le groupe assainissement travaille également en collaboration avec le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté suite à l’élaboration d’un nouveau cahier des charges de l’AOP Comté. L’intensification de la production, régulièrement pointée du doigts par les associations de protection de l’environnement, provoque une pollution croissante des cours d’eau. De plus, les micropolluants préoccupent désormais les autorités.

Les agriculteurs sondés pour mieux repérer les besoins

La filière agricole, longtemps coiffée du bonnet d’âne en matière d’environnement, progresse également et met désormais du coeur à l’ouvrage. Le groupe agriculture a présenté douze mesures dont l’aide à la construction, à la rénovation et à l’aménagement des bâtiments d’élevage, la limitation de l’utilisation des produits phytosanitaires et leur collecte mais aussi la maîtrise de la fertilisation et l’amélioration des pratiques d’épandages. En 2015, 7 dossiers ont été soutenus dans le Doubs pour un budget de 261 000 euros.

Une enquête menée auprès des exploitations agricoles du Doubs a également permis d’en savoir plus sur les habitudes de travail de nos agriculteurs. Si sur les 2000 requêtes envoyées seuls 25% des exploitants ont joué le jeu, le questionnaire permet tout de même de soulever deux points noirs : 77% des agriculteurs sondés n’effectuent aucune analyse des sols et 82% n’analysent jamais leurs effluents d’élevage.

Les entreprises doivent mieux coopérer

Tous les acteurs économiques du secteur sont passés au crible. L’environnement, c’est l’affaire de tous. 1200 entreprises francs-comtoises ont été recensées comme impactant potentiellement, et de manière néfaste, le milieu naturel avoisinant. 142 seulement ont accepté d’ouvrir leurs portes à la CCI du Doubs pour faire progresser la connaissance des problématiques de rejets des effluents non domestiques par les entreprises. Évidemment, les participants ne sont potentiellement pas les plus mauvais élèves. L’enjeu sera donc de continuer à sensibiliser les acteurs industriels et de fédérer autour d’une démarche plus verte et plus transparente.

Du côté des associations de protection de l’environnement, tout le monde s’accorde à souligner les progrès réalisés par les différents acteurs institutionnels et professionnels tout en effectuant quelques piqures de rappel. « Quelles sont les obligations de résultats dans la filière bois ? Qu’en est-il de l’autonomie alimentaire dans l’agriculture ? », s’inquiète Marc Goux, militant du collectif Loue et rivières comtoises. « D’ici 2020, nous serons le seul territoire à posséder des stockages d’effluents couverts dans nos exploitations. Comment vont évoluer les financements ? », interroge Philippe Monnet, président de la FDSEA 25.

Autant de questions pour lesquelles les recherches et réflexions sont à approfondir. La route sera longue. La prochaine conférence doit avoir lieu au printemps 2017.



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