« La taxe carbone est pseudo-écolo... La transition écologique ne sera pas punitive... Les mesures de Macron sont injustes et écologiquement inefficaces car les gros pollueurs sont épargnés... » Au micro sous le kiosque du parc Micaud de Besançon, revêtue du T-shirt vert d'Alternatiba, Estelle Colin fait le lien entre la Marche pour le climat et le mouvement des Gilets jaunes.
D'ailleurs, quelques uns sont là en cette fin de matinée de samedi 8 décembre, parmi la foule de tous les âges où l'on repère des calicots aussi variés qu'inventifs, témoignant des nombreuses portes d'entrée dans le sujet. Eau, air, sol, alimentation, santé, agriculture, médias, éducation, social... On en passe... Il y a là des collégiens et des retraités, des citoyens, des militants associatifs, des familles, des syndicalistes, des engagés en politique...
Marche, danse et percussions...
De loin, on repère en arrivant deux drapeaux du NPA. Les avisant, l'ancien délégué régional de l'Adème, Gérard Magnin, président de la coopérative Jurascic, me fait part de sa désapprobation : « s'il y a des drapeaux, je m'en vais... » Marcel Ferréol, militant de Génération.s, est du même avis mais le dit moins vivement : « ils sont drôles au NPA, si j'avais su, j'aurais amené ma banderole ». Une chanson de révolte des Saltimbanks - Nos vies n'ont plus aucun sens depuis que nos rêves sont indexés sur les prix de l'essence... - sort d'une sono qu'on n'entend pas de très loin. Globalement, les signes partisans sont discrets. On croise des élus locaux socialistes, écolos, communistes, des libertaires...
On voit pas mal de militants insoumis, mais la plupart n'affichent pas leur affiliation, à l'image de Claire Arnoux. La candidate aux législatives de 2017 est aussi une animatrice d'Alternatiba dont elle a endossé le T-shirt. En tête du cortège, elle chantera infatigablement les slogans repris par la jeunesse des premiers rangs : « Chaud, chaud, chaud, on est plus chaud que le climat ! » Un quatuor de percussionnistes transmettra le rythme un peu plus loin, des pas de danse sont esquissés...
Le lien avec l'actualité sociale est diversement apprécié. Timéo, un collégien de 12 ans lit un texte critiquant le gouvernement, il est applaudi quand il dit ne rien en attendre car « il nous humilie », référence à la vidéo des 150 jeunes à genoux les mains sur la tête surveillés par des policiers. Quand l'insoumise Séverine Vézies dénoncera à propos de ce même événement, une « criminalisation des manifestations », et invitera la foule à se mettre à genoux en signe de solidarité, peu la suivront, et certains protesteront. « On mélange tout, je ne suis pas d'accord », dit un homme.
Les différentes gauches rassemblées sur le terrain...
De même, quand un lycéen d'Audincourt expliquera son combat contre Parcours-Sup, on entendra dans la foule « On n'est pas là pour ça » ou encore « on n'est pas là pour faire de la politique... » Quand Noëlle Ledeur, militante de Solidaires, lancera au micro « qu'on soit rouge, jaune ou vert, on est tous en colère », personne ne reprendra le slogan. Claire Arnoux proposera une consensuelle et habile synthèse donnant le signal du départ du défilé : « on va marcher pour la justice sociale et la justice climatique ».
Les tensions entre les différentes orientations se traduiront peu après par un incident sur le pont de la République. Quelques manifestants, pour certains militants du NPA, tenteront d'expulser du cortège le député LREM Eric Alauzet. Bousculé, il sera physiquement protégé par des manifestants faisant écran entre lui et ses contempteurs. « Je suis bien plus légitime que bien des gens qui sont là. Il y a 25 ans, on était quinze », me dit-il en référence à ses années de militantisme écologiste où son combat n'était alors pas aussi bien partagé qu'aujourd'hui. « On lui rappelle son incohérence, il soutient un gouvernement qui fait le contraire de ce qu'il faudrait », me déclare un militant anti-capitaliste en minimisant l'empoignade : « ailleurs, il se serait fait casser la gueule... »
Cet accrochage ne doit pas faire oublier le caractère foncièrement joyeux et pacifiste d'une marche à travers le centre-ville laquelle ont participé entre 1500 et 2000 personnes. On n'y aura pas seulement vu les candidats déclarés (Eric Alauzet) ou possibles (Claire Arnoux, Barbara Romagnan, Anne Vignot) aux municipales de 2020, mais aussi ceux qui animent le débat interne à la gauche, de Nicolas Bodin (PS) à Thibaut Bize (PCF)... On croise l'ancien vice-président du conseil régional Pierre Magnin-Feysot, toujours adhérent du PS, « inquiet du décalage entre citoyens et élus ».
Si l'on se projette dans le champ politique municipal au-delà de cette journée, on constate que les diverses chapelles de toutes les gauches et de tous les écologismes étaient bien représentées. Les questions environnementales sont bel et bien des priorités politiques pour toutes. La ligne de démarcation étant l'articulation avec le social. Pour l'heure, c'est ce terrain écologique et social qui rassemble, mais l'union est encore loin.