Centre de tri de Besançon : la bonne affaire de la gestion publique

La construction en 2012 d'un centre de tri public a fait baisser de 15% le coût du traitement des déchets recyclables réalisé auparavant par le groupe Nicollin. L'économie permet de construire une annexe de « tri massification » afin de trier les encombrants des déchetteries.

La cabine de tri. Jusqu'à treize personnes travaillent sur trois tapis roulants.

«Je laisse passer les cartons, je mets les sacs dans la poubelle... Si je travaille bien, je reste », dit Freddy, un oeil sur l'unique tapis roulant d'une petite pièce vitrée, un autre sur le visiteur. A quelques mètres, treize personnes s'activent dans la cabine de tri, une autre pièce vitrée, plus vaste, où défilent trois tapis roulants. « Il faut le coup de main et le coup d'oeil », dit Guy en attrapant un film de plastique, « et à la fin de la journée, on a le coup de barre... Mais on s'y fait, c'est un travail comme un autre, payé au Smic. Ça fait huit mois que je suis là. L'ambiance est bonne, tout le monde est à la même enseigne ».

Comme Guy et Freddy, 28 personnes travaillent sous contrat d'insertion, de deux ans maximum, au centre de tri des déchets recyclables du Sybert, à Besançon. Parfois, le tapis roulant charrie de drôles de rebuts : « hier, on a eu un serpent, mort. Lundi c'était un chat, l'autre jour une carpe de 10 kg », raconte Guy. Les valoristes, c'est le nom de leur métier, voient aussi parfois passer des pièces de voiture, volant ou phares, pattes de cheval, têtes de mouton, des balles d'arme à feu... 15.000 tonnes de déchets arrivant chaque année sont récupérés. La plupart recyclé, le reste va en décharge ou plus rarement rejoint les autres filières.

« On trie davantage en milieu rural qu'en ville »

En 2013, Eco-Emballages a versé 2.125.000 euros au Sybert dont le budget de fonctionnement est de 19 millions. Ces 2,1 millions ne représentent pas la participation maximale de 80% d'Eco-Emballages au coût de traitement des recyclables en raison de « performances de tri » perfectibles, notamment pour le verre : « on en trie quasiment deux fois plus en milieu rural, 54 kg/an/habitant contre 30 kg en ville », indique le directeur Christophe Neumann. La moyenne sur la CAGB (Grand Besançon) est de 33 kg quand elle frôle 49 kg sur la communauté de communes de Quingey, indique le rapport d'activités du Sybert où l'on apprend que 8.224 t de verre ont été collectées dans les 198 communes, en baisse de 2,5% par rapport à 2012. Ce verre est ensuite envoyé pour recyclage en Saône-et-Loire.

Le Sybert a également collecté 7047 t de papier (-7,3%), 3279 t d'emballages carton (+6,1%), 1079 t de flacons en plastique (+14,4%), 595 t d'emballages métalliques (+30,3%). Le centre de tri a trié 6 à 7% de déchets supplémentaires en provenance de Pontarlier.

Le tri, donc le recyclage, progresse nettement : « on avait pour objectif de diminuer les ordures ménagères résiduelles de 20%, on est à moins 28% depuis 2008 », se réjouit Jean-Louis Fousseret, le maire de Besançon et président la communauté d'agglomération qui a adopté la « redevance incitative » et la pesée des bacs gris. C'est autant qui ne partent pas à l'incinération, productrice de dioxines... Ça permettra de ne pas remplacer l'un des deux incinérateurs de Planoise...

L'élu fait cependant une remarque qui ne manque pas de faire réfléchir sur le système adopté en France avec la taxe sur les emballages : « en Finlande, les grandes surfaces sont tenues de reprendre les emballages vides pour 0,10 euro ». Une consigne en quelque sorte. Cela se pratique aussi en Allemagne.

Éviter aux valoristes de se couper...

Le centre de tri comporte aussi des étapes automatisées. Comme ces deux trommels de tailles différentes : ce sont de grands tamis cylindriques rotatifs où les déchets les plus lourds passent dans les mailles pour être regroupés. Ailleurs, un aimant permet de  récupérer l'acier des boîtes de conserve : cela limite « le risque de coupure des valoristes », dit Laurie Trimaille, responsable logistique du site. Les valoristes sont les salariés du tri...

Le processus commence par l'arrivée de la matière première. Un immense tas est constitué au fil de la journée par les apports d'une quinzaine de camions-bennes ayant récupéré le contenus des bacs jaunes ou des bornes d'apport volontaire. Un tracteur muni d'une fourche alimente inlassablement une trémie débouchant sur une série de tapis roulants rencontrant plusieurs étapes de tri, automatique ou manuel.

Parfois, une sonnerie retentit et la belle mécanique s'arrête. Au poste de contrôle, les ordinateurs surveillés par Sylviane et Marcel indiquent où ça coince. Cette fois, l'alarme a été déclenchée par le blocage d'une presse à paquets. « Un technicien va voir, résout le problème et fait redémarrer le processus ». Là, un déchet coincé a influencé une cellule...  

16% de refus de tri : direction l'incinération

Au bout du processus, l'immense machine produit des balles d'un mètre-cube. 70% sont constituées de papier ou carton, 9,5% de plastiques et 4,5% de métaux alors que le refus de tri représente 16% qui seront incinérés dans l'usine voisine qui alimente le réseau de chaleur de Planoise. « Ce centre de tri, c'est une réussite sociale car trois entreprises cohabitent », explique Loys Monlor, le directeur. Il s'agit du Sybert qui pilote, de la Coved (filiale de la Saur) qui exploite en délégation de service public, et sous-traite les 28 emplois d'insertion à Gare-BTT.

« C'est aussi la réussite de l'usager, on n'est qu'un maillon de la chaîne », ajoute Loys Monlor, enthousiaste : « c'est une réussite industrielle et financière ». Car ce centre de tri est enfin une bonne affaire. Voulu par Eric Alauzet (EELV) et Christophe Lime (PCF), les précédents présidents du Sybert qui trouvaient la gestion privée trop chère, cet équipement public de 4.000 m2 est en service depuis mai 2012. « Le traitement par Nicollin à Corcelles-Ferrières avait augmenté jusqu'à 170 euros la tonne, on est aujourd'hui à 145 euros », explique Thibaut Bize, vice-président du Sybert et conseiller municipal (PCF). A 15.000 tonnes par an, l'économie permet de financer la construction d'une installation de tri-massification qui ouvrira en juillet 2015.

Mutualiser les contrats d'Éco-Emballages ?

Il s'agira de trier les objets encombrants apportés dans les 27 déchetteries d'un territoire regroupant 198 communes de la région de Besançon, réparties dans huit structures intercommunales. « Beaucoup d'encombrants sont enfouis, ça a un coût écologique, un coût de transport. On va en valoriser 70% en augmentant le volume de tri, démonter des objets... On espère une réduction de moitié de l'enfouissement », dit Thibaut Bize. 

Ce faisant, le projet porte en germe une augmentation du financement du traitement des déchets recyclables par Eco-Emballage. Agrée par l'Etat, cette entreprise privée collecte un centime par emballage auprès des industriels. Cela lui permet de financer les collectivités pour le traitement des déchets en fonction du taux de récupération des déchets recyclables. « Aujourd'hui, chaque communauté de communes a un contrat avec Eco-Emballages. Les communautés rurales trient davantage que Besançon, c'est un constat national, et ont 100% du financement, alors que Besançon est à 80%. On aurait intérêt à mutualiser tous ces contrats en un seul car l'excédent de récupération des autres couvre le déficit de Besançon. Sur 2013, on aurait ainsi pu économiser 169.000 euros », assure Thibaut Bize.

Ce n'est cependant pas si simple : « il y a une certaine réticence de certaines communautés de communes à être dépossédées de leur responsabilité, elles ont des craintes sur la transparence, la répartition des bonus », explique l'élu bisontin, « celles de Saint-Vit ou du val marnaisien, par exemple, sont très bonnes en matière de collecte... Les communautés de communes paient la collecte et le coût du traitement au centre de tri. On leur redonne les résultats du tri ainsi qu'à Eco-Emballages » qui les finance en retour. Un seul contrat ferait qu'Éco-Emballages ne financerait que le seul Sybert...

 

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