Center parcs : le rapporteur public préconise l’annulation du PLU de Poligny

Le tribunal administratif de Besançon examinait jeudi 14 mars le recours du Pic noir, une association d'opposants au projet de village de vacances en pleine forêt, contre le document d'urbanisme qui rend 89 hectares boisés constructibles. L'information tardive des élus et la préservation des corridors écologiques sont au coeur des conclusions du rapporteur public.

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La cinquantaine de militants et sympathisants du Pic noir avaient le sourire à la sortie des 50 minutes d'audience consacrées à l'examen par le tribunal administratif de Besançon du recours formé il y a près de deux ans contre le plan local d'urbanisme de Poligny. L'association qui se bat contre l'implantation d'un center parcs dans la forêt de Poligny, ne crie pas pour autant victoire. Certes, les conclusions du rapporteur public, Alexis Pernot, leur sont favorables. Certes, le rapporteur public est très souvent suivi par la juridiction. Mais il faut quand même attendre la décision que le tribunal a indiqué rendre à l'issue d'un délibéré de trois semaines.

Des différents moyens de droit soulevés par le Pic noir, Alexis Pernot en retient deux. D'abord, l'insuffisance d'information préalable des élus de la toute nouvelle communauté de communes Arbois-Poligny-Salins appelés à approuver le PLU le 23 mars 2017... La CCAPS venait de récupérer depuis le 1er janvier la compétence urbanisme jusque là dévolue aux communes et avait d'autres chats à fouetter quand, le 7 mars, elle accepta à la demande du conseil municipal de Poligny réuni le 3 mars, de se saisir du dossier qui devait être approuvé avant le 27 mars sous peine de caducité.

Il y avait obligation de fournir une note de synthèse aux conseillers communautaires cinq jours avant la réunion du 7 mars. Cela n'a pas été le cas, ils ont reçu à son issue une clé USB comprenant la totalité du PLU, soit plus de 1000 pages : « qui a fait l'effort de consulter tout cela ? », interroge Alexis Pernot. 

Urgence et précipitation

Tout s'est fait dans l'urgence, sinon dans la précipitation. Le 16 mars, lors d'une réunion des maires de la communauté de communes, à laquelle sont invités les conseillers communautaires, le PLU est bien présenté ainsi que le projet de center parcs, notamment par le maire de Poligny, Dominique Bonnet. Problème, la présentation est à sens unique, et seuls 36 des 94 élus de la CCAPS sont présents... 

A l'époque, quelques élus communautaires rechignent parce qu'on leur met le couteau sous la gorge, mais l'assemblée approuve le document le 23 mars 2017 (lire ici, plus particulièrement l'encadré). Après quoi, une seconde clé USB est remise aux élus, mais le rapporteur public estime qu'elle « ne peut pas faire office de note de synthèse préparatoire ».

C'est cette délibération qui est attaquée par le Pic noir. A raison, estime Alexis Pernot qui s'appuie sur la jurisprudences du Conseil d'Etat pour demander l'annulation de la délibération pour non respect du code général des collectivités territoriales qui impose la garantie pour les élus d'être « suffisamment informés de ce sur quoi il leur est demandé de se prononcer ».

Les « erreurs manifestes d'appréciation » du préfet du Jura

Le second point sur lequel s'appuie le rapporteur public porte sur le droit de l'urbanisme et de l'environnement. Il estime notamment qu'une des dérogations accordées par le préfet du Jura à la ville de Poligny pour lui permettre de rendre aménageable 89 hectares de forêt, est illégale et repose sur des « affirmations erronées » du commissaire-enquêteur en charge de l'enquête publique qui avait pourtant rendu un avis favorable sans recommandations. 

Le préfet avait ainsi pris un arrêté soulignant que l'aménagement de la zone, vu sa situation, « ne compromet pas la circulation de la faune » et « ne nuit pas à la préservation des continuités écologiques ». Or, souligne le rapporteur public, la fameuse zone est « en plein milieu du corridor [écologique] qui relie le nord de la forêt à d'autres massifs boisés ou naturels situés plus au sud ». Et d'asséner : « on voit mal comment le préfet peut affirmer que "la localisation de la zone ne nuit pas à la préservation des continuités écologiques" ». 

Il ajoute que la localisation de la zone rendue constructible « ne prend pas en compte le schéma de cohérence écologique de Franche-Comté et entraîne à brève échéance la mort d'un corridor écologique fondamental entre deux zones Natura 2000 et une ZNIEFF », d'où une « erreur manifeste d'appréciation ». C'est également sans compter avec les réseaux à envisager, les accès à recalibrer, voire à créer pour l'exploitation forestière. 

« Une promesse de compensation qui ne vaut rien »

Le rapporteur public est également sévère avec l'engagement de la ville de Poligny de compenser la perte des 89 hectares de forêt. C'est selon lui « une promesse qui ne vaut rien puisque la commune n'était pas compétente en matière d'urbanisme » lorsqu'elle la prend le 9 janvier 2017. Le magistrat va plus loin en discutant sur la signification de la compensation : l'achat ou la création d'une portion de forêt est « un peu facile : à l'échelle de la nature, ce n'est pas une compensation puisque rien n'est rendu en échange de ce qui a été pris. La vraie compensation serait de transformer une surface construite en forêt… On peut douter que Poligny en soit capable ».

Il aurait pu aussi parler des lourdes problématiques eau et assainissement du projet de center parcs, mais il veut se concentrer sur le PLU et les renvoie à d'autres procédures « si le projet se fait ».

Après ça, Me François Braud, du cabinet parisien Atmos, avocat du Pic noir, n'avait pas grand chose à rajouter. Il dira quand même que « les grands principes du code de l'urbanisme ne sont pas respectés » et que « l'atteinte à la biodiversité saute aux yeux ». Surtout, il fait le parallèle avec les décisions de la justice administrative sur le Triangle de Gonesse, soulignant : « là, on va plus loin… Le projet ne correspond pas aux intérêts du lieu ».

La défense met en cause « un rapport partisan »

Défenseure de la CCAPS et de la ville de Poligny, Me Isabelle Grillon a fort à faire. Ayant relevé que le rapporteur public avait d'emblée évoqué « l'écrin de verdure » où se trouve Poligny, elle taxe son rapport de « partisan ». Cela lui vaut d'être coupée par le président Faessel : « ces propos ne sont pas bienvenus ! » Elle ne se démonte pas : « Chacun son avis, mais dès lors qu'on parle d'un coeur de verdure… » Alexis Pernot en sourit.

Elle insiste sur le nombre de réunions de la CCAPS, estime que « trop de documents ne nuit pas à l'information » des élus à qui « rien n'a été caché ». Elle regrette aussi que le rapporteur public n'ait pas davantage fait référence au rapport du commissaire enquêteur de l'enquête publique : « c'est une pièce centrale non évoquée, elle a quand même eu 1046 observations sont plus de 900 copiés-collés… » Du coup, cela lui permet d'insister sur la « prise de position un peu ambiguë du rapporteur public » qui fait la moue lorsque elle souligne que « la neutralité du commissaire enquêteur ne peut être remise en question ». 

Passant assez vite sur les questions écologiques, elle insiste sur la dimension économique du projet de center parcs, sur les emplois projetés, et conclut que le PLU respecte les « équilibres » entre développement et environnement.

 

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