Center parcs de Poligny : une alternative à l’accès par Plasne

Lors de la réunion consacrée à l'agriculture, le Groupe Pierre et Vacances a précisé les deux implantations « plus au nord et au nord-est » mais dans la même forêt pour lesquelles il a commandé des études. Un accès par la nationale 5 est envisagé, mais qu'en dira-t-on à Poligny et Besain ?

Valentin Morel : « Avec 10 millions d'euros, soit beaucoup moins d'argent public que le Center parcs, on créerait 152 équivalents temps plein ».

Nous l'avions annoncé le 25 mai, les représentants de Pierre et Vacances l'ont confirmé et précisé jeudi soir à Poligny lors de la réunion du Débat public thématique sur l'agriculture. Deux variantes d'implantation du projet de Center parcs ont été mises à l'étude afin de plus avoir d'accès par Plasne et la RD68. Dans les deux cas, l'accès se ferait via la RN5.

Ces variantes, « plus au nord-est » et « plus au nord » seraient ensuite accessibles en empruntant la RD24 qui rejoint Besain, puis par les routes forestières des Fortunes et de la Combe aux Larres. « Ce serait plus impactant sur le plan environnemental et l'accès par Plasne retient notre préférence », a cependant indiqué Eric Magné, directeur des grands projets de Pierre et Vacances.

Un projet alternatif : 152 équivalents temps-plein avec 300 hectares de vignes !
Immédiatement après que Philippe Quevremont ait présenté les thèmes de la soirée, Valentin Morel, viticulteur bio à Poligny, en a suggéré un autre : l'examen de « projets alternatifs et non complémentaires ». S'appuyant sur le référentiel vigneron de la Chambre d'agriculture selon lequel il manque 300 hectares de vigne dans le Jura, il déroule un projet consistant à les financer. « Avec 10 millions d'euros, soit beaucoup moins d'argent public que le Center parcs, on créerait 152 équivalents temps plein ». 
A 32.000 € par hectare, les 10 M€ d'investissement sont là. En production, on aurait 1.183.000 bouteilles qui pourraient apporter 10 M€ de recettes par an. Interrogé après la réunion par un de ses collègues, sceptique quant aux 152 ETP, il répond que c'est en comprenant les vignerons, mais aussi les prestataires et les vendangeurs...
A 1,5 smic par emploi, les retombées pour l'économie locale sont loin d'^étre négligeables. Sur la seule commune de Poligny, il suggère la reconquête de deux sites, la Grange Pelisot et sous le Trou de la lune... « A Poligny, planter 25 ha, ce serait excellent pour l'image de la ville, ça génèrerait environ 1 M€ de chiffre d'affaires par an et 25 emplois... »  
Claude Brévan l'entend positivement : « Notre spécialiste des projets alternatifs a fait la démonstration qu'on pouvait créer presque qu'autant d'emplois avec beaucoup moins d'argent. J'ai trouvé sa démonstration très intéressante. »

Bertrand Speck, le directeur général des services du Département, qui n'a pas changé depuis la victoire de la droite aux élections de mars, fait une petite révélation : « On avait compris que la traversée de Plasne était difficile. Le conseil général avait étudié plusieurs solutions et préférait passer par la RN5. La semaine dernière, Eric Magné a passé commande de nouvelles études : « nous allons revoir notre copie pour éviter Plasne ». Ce changement de pied a quelques conséquences puisque le Département avait aussi « prévu de faire passer les réseaux d'assainissement, de gaz et la fibre optique » le long de la route montant de Poligny à Plasne, 200 plus haut sur le premier plateau.

Le financement de la nouvelle desserte forestière

Bernard Couillard, ancien scieur de bois, se dit « content » car il avait déjà « suggéré de changer d'emplacement ». Il voit immédiatement les implications : « qui va financer la nouvelle desserte forestière » nécessaire pour poursuivre l'exploitation du massif ? Eric Magné répond que la route est en « limite de propriété ». Tout le monde comprend que Pierre et Vacances n'entend pas régler cette facture là. Bernard Couillard proteste : « Ce n'est pas normal que nos deniers refinancent une nouvelle desserte, on n'a rien demandé ».

La discussion vient ensuite sur les compensations que tout projet impactant l'environnement doit générer. « Il nous faudra trouver une forêt pas très loin de même superficie », dit le maire Dominique Bonnet. Atale Mottet, du Pic noir, l'interroge : « le montant de la vente sera-t-il intégralement réinvesti dans la forêt ? » « Je ne peux pas vous répondre », dit le maire. Brigitte Monnet, conseillère régionale EELV, intervient : « le mot compensation est utilisé à mauvais escient, car pour compenser une forêt existante [qu'on va défricher], il faudrait en planter une de même valeur ». Bernard Couillard renchérit : « La surface ne veut pas dire grand chose : qu'y aura-t-il sur la nouvelle forêt ? Celle des Tartaroz sur laquelle est le projet est du très bon terrain forestier. Les décideurs doivent en prendre conscience ».

« Je ne vais quand même pas discuter le prix ici avec Pierre et Vacances ! »

Une éventuelle nouvelle implantation du village de vacances rendrait indépendant du projet le remembrement des douze fermes de Plasne, soulagerait les habitants des nuisances du trafic. « Tant mieux pour les habitants de Plasne, tant pis pour les Polinois », remarque Michel Muret. Eleveur à Plasne, Christophe souligne que la durée d'un remembrement peut être si longue que sa fin pourrait intervenir après la date prévue pour l'ouverture du Center parcs. Bertrand Speck a beau dire que ce remembrement est financé entièrement par le Département, comme le coût est évalué à 2 millions d'euros, on comprend, vu le contexte budgétaire, qu'il se passerait bien de cette dépense.

Ode au remembrement
On a entendu un paysan content, Christophe Buchet : « Je me réjouis car pour une fois, un projet de développement n'est pas pris sur des terres agricoles. 400 ha disparaissent tous les ans dans le Jura. Quand les collectivités prennent des terres agricoles pour des projets économiques, on ne parle pas de compensations. »
Il s'adresse aux paysans qui s'interrogent sur le remembrement : « Je contredis mes collègues qui parlent de démarches loupées et de tensions entre agriculteurs... Mais un parcelaire regroupé, c'est tout bénéfice, moins de temps sur les routes et sur les engins... »

A ce stade, on capte que chaque élément du projet est évalué financièrement. Pressé de questions sur l'évaluation du prix des 150 hectares de forêt qu'il vendrait à Pierre et Vacances, le maire de Poligny donne des fourchettes : « de 7/8000 à 18/20.000 euros l'hectare selon les Domaines, plus les pertes d'exploitation... » Bernard Couillard l'acule : « la perte n'est pas éventuelle et les Domaines ne sont pas généreux ». Dominique Bonnet s'exclame : « Je ne vais quand même pas discuter le prix ici avec Pierre et Vacances ! »

La méthanisation, l'énergie renouvelable, l'épandage...

Les termes du marchandage se précisent quand Michel Muret, rappelant des propos de Christophe Perny, l'ancien président du Département, demande si le chantage est toujours de mise : « Il disait que si Plasne ne voulait pas de Center parcs, la route ne serait pas rénovée. Le sera-t-elle quand même si l'accès se fait par la RN5 ? » Il n'aura pas de réponse. Elle est politique et le directeur des services ne peut en faire, du moins publiquement. Il y a bien un vice-président du Conseil départemental, Dominique Chalumeaux, élu du canton de Poligny, mais s'il est là, c'est en tant que président de la Chambre d'agriculture, laquelle soutient le projet...

Ou du moins, étudie comment les agriculteurs pourraient en tirer parti. Charge de mission énergie à la chambre, Philippe Prost est venu présenter la réflexion sur la méthanisation. Si le village de vacances est chauffé au gaz naturel, il faudra le faire venir par une conduite sur laquelle pourrait se raccorder l'éventuel méthaniseur. Pour Dominique Chalumeaux, il s'agit de « promouvoir une énergie renouvelable ». Pour qu'il voit le jour, un regroupement d'éleveurs est nécessaire. L'un d'eux, Hubert Delacroix, de Barretaine, explique que l'outil pourrait « rendre service aux agriculteurs en prenant en charge les effluents d'élevage au bon moment et dans les bonnes conditions, et éviter les tas de compost ».

« Faites-nous crédit jusque là de notre indépendance vis-à-vis du maître d'ouvrage... »

Guy Mottet, paysan bio à Plasne et agronome, voit bien l'intérêt du méthaniseur, mais pour chauffer la fromagerie et économiser ainsi 60.000 euros de fuel par an. Il pointe aussi les limites de l'usage des digestats de méthanisation, équivalents à des engrais azotés minéraux, ils sont délicats à épandre. Le CIGC, la filière comté, est d'ailleurs en pleine réflexion sur l'évolution de son cahier des charges de ce point de vue. Dominique Chalumeaux assure que la question se pose pour les prairies, « mais pas pour les céréales ». Il reste cependant les risques maintenant bien connus pour les rivières karstiques : c'est l'eutrophisation, ainsi que l'a rappelé Alain Raby qui pratique la pêche...

Claude Brévan, la présidente de la commission particulière du débat public, notera dans sa synthèse finale que cette question est cruciale... Elle insistera aussi sur cet accès par Plasne « dont personne ne veut ». Et annoncera une restitution le 3 septembre... A Véronique Guislain, du Pic noir, qui s'inquiète d'une présence conjointe de Pierre et Vacances et de la commission du débat public sur le marché de Poligny le 12 juin, elle répond : « Nous ne parlerons pas du projet, on dira seulement ce qu'est le débat public. Et il y aura deux tables différentes. Faites-nous crédit jusque là de notre indépendance vis-à-vis du maître d'ouvrage... »

Le « jusque là » ne serait-il pas de trop ?

 

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !