Center parcs de Poligny : Pierre et Vacances sur la défensive

Les premiers échanges du débat public sur le projet de Center parcs de Poligny ont été vifs ! Près de 400 personnes ont assisté à la première réunion. Les arguments des opposants ont mis en difficulté Pierre et Vacances qui se dit prêt à changer de parcelle...

Jean-Michel Klozt, directeur général adjoint de Pierre et Vacances, poursuit la discussion avec Pascal Blain, de France Nature Environnement.

Christian Leyrit n'avait pas encore parlé du pourquoi du comment qu'un cri strident retentit, faisant sursauter les 400 personnes présentes. Un hurlement de douleur, un cri de femme. Venu lancer le débat public sur le projet de Center parcs de Poligny afin d'en présenter les règles, le président de la Commission nationale du débat public s'interrompit un bref instant. Il venait tout juste de commencer son propos. Il avait eu le temps d'évoquer ses souvenirs du chantier de l'autoroute A 39 qui fut l'un des premiers chantiers où la vigilance des défenseurs de l'environnement conduisit à une relative prise en compte de leurs arguments, le temps de dire que la CNDP venait du sommet de Rio et de la convention d'Aarus.

« Si vous n'êtes pas content, vous pouvez partir »
Plus tard dans le débat, Marguerite Bobey expliquera au micro après être montée sur l'estrade : « Quand on nous l'a présenté, on nous a dit "il y aura un Center parcs" et Perny nous a dit "si vous n'êtes pas content vous pouvez partir". Je ne peux pas garder cette violence pour moi... »

« Non à la mascarade ! », hurla la voix qui avait lancé le cri. C'était Marguerite Bobey, artiste performeuse, conseillère municipale au Fied, village riverain du site où l'opposition au projet s'est traduite par 37% des voix pour les candidats de gauche radicale aux élections départementales. L'affable ingénieur des Ponts qui présida la Caisse nationale des autoroutes et fut deux fois préfet, était forcé de constater que l'affaire ne serait pas une aimable discussion, mais un combat où le sens de la vie est en jeu. Et que le voeu prononcé en ouverture par le maire de Poligny, Dominique Bonnet, « que ce projet soit le projet de tous », était déjà caduc.

« La controverse fait partie du débat »

Voir ici le site dédié au débat public.

Christian Leyrit eut vite la confirmation que le débat sera difficile. Quand il lança que « certains soutiennent que la décision est déjà prise », un concert de « oui ! c'est le cas ! » lui répondit. Il assura alors avec aplomb : « chacun pourra s'exprimer librement, la décision n'est pas prise pour le moment... Je vois des gens qui ont déjà une opinion toute faite... On est très en amont de l'enquête publique. La controverse fait partie du débat ».

Claude Brévan, présidente de la commission particulière créée spécialement pour le double débat public relatif aux deux projets de Poligny et du Rousset (Saône-et-Loire), expliqua que le retour de 500 questionnaires distribués dans les boîtes aux lettres était « considérable » bien qu'ils ne l'aient pas été quand un autocollant Stop pub figurait sur les boîtes ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, il paraît que c'est illégal... Comme si la démocratie participative était une lessive ! Quoi qu'il en soit, Mme Brévan indiqua que l'environnement arrivait en tête des préoccupations, avec les questions relatives à l'approvisionnement en eau et au risque de pollution souterraines, devant l'emploi, le modèle économique (autrement dit le financement par l'argent public), les dessertes routières et les équipements.

« Aurons-nous des trottoirs grâce au center parcs ? », ironise Aude, habitante de Plasne et mère de deux jeunes enfants. « La voirie n'est pas de notre compétence », répond le directeur général adjoint de Pierre et Vacances, Jean-Michel Klozt...
Également Plasnier, Christophe l'apostrophe : « je suis comme vous, exploitant. Moi agricole, vous touristique, mais on n'a pas les mêmes revenus. Vous ne voulez apparemment pas répondre à la question sur le trafic... Comment pouvez vous annoncer 2,6 millions pour la voirie sans savoir où on va passer ? Il faudra aussi prévoir un remembrement pour 12 exploitations, ça coûte 2 millions, sans les travaux annexes... Quant à la station d'épuration, qu'on agrandisse celle de Plasne ou en fasse une nouvelle à Tourmont, le conseil municipal de Plasne n'a toujours pas été consulté... »
Rendez-vous à la réunion prévue à Plasne le 19 mai, initialement prévue à 18h30 et repoussée à 20h en raison de... la traite !   

Militant de France Nature Environnement, Pascal Blain ouvrit le bal des remarques de forme : « le calendrier proposé n'est pas recevable : cinq ateliers et une visite en quatre jours consécutifs n'est pas envisageable. Le promoteur du projet y travaille depuis 2008, nous le découvrons... Il n'y a pas non plus à s'arrêter le 20 juillet. Septembre et octobre seraient utiles, c'est un préalable si l'on veut que la confiance s'installe », dit-il sous les applaudissements. Claude Brévan consent à « alléger » la semaine de juin surchargée. Christian Leyrit intervient : « c'est arrivé qu'on prolonge le débat, mais dans la sérénité et pas en période électorale, pas en novembre ».

Quid de l'indépendance de la commission nationale du débat public ?

Ancien conseiller général écologiste de Champagnole, Michel Moreau regrette qu'aucun atelier ne soit consacré à l'énergie. « Ce sera dans l'atelier environnement, avec l'eau et la biodiversité », dit Claude Brévan. Gérard Lacroix doute de l'indépendance de la commission, surtout après que sa question sur la « responsabilité des acteurs publics » sur le projet d'enfouissement des déchets nucléaire de Bure n'ait «pas eu de réponse ». Visé, Christian Leyrit répond : « on ne va pas refaire le débat difficile de Bure. L'indépendance se jugera aux actes, aux conclusions écrites... ».

Gabriel Amard, responsable du PG qui se présente comme coordinateur du collectif départemental eau et assainissement, demande « qui finance le débat public ». Christian Leyrit : « les membres de la CPDP sont indemnisés par la CNDP. Le débat public est financé par le maître d'ouvrage, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas satisfaisant ». Le militant poursuit : « y a-t-il assez d'informations permettant d'ouvrir un débat public ? en matière d'eau et d'assainissement, avez-vous assez d'hypothèses techniques et financières sécurisées ? » Réponse de Claude Brévan : « le dossier du maître d'ouvrage est synthétique, nous y ajouterons les fiches que m'a données le directeur général des services du Conseil départemental ».

Extension envisagée ou pas ?

Clément Pernot ménage la chèvre et le chou, Center parcs et les alternatives...
Le nouveau président du Conseil départemental, Clément Pernot (UMP), a semblé positionner sa collectivité de telle manière qu'elle n'apparaisse plus en pointe dans le projet, mais en « accompagnement » de la ville de Poligny et de la communauté de communes du Grimont qu'il estime porteuses de la décision. Personnellement favorable au projet pour lequel il avait voté pour un pré-protocole, il annonce que le débat aussi lieu dans l'assemblée départementale « plus éclairé que jusque là ». Il estime notamment qu'il « manque une marque nationale pour l'attractivité du Jura » et lance à la salle : « mesurez la chance d'avoir un investisseur intéressé par notre territoire ». Il ajoute néanmoins : « nous étudierons les solutions alternatives ». 
Ces solutions alternatives que justement Valentin Morel a suggérées : « que pourrait-on faire d'autre avec l'argent public » prévu pour s'investir dans la bulle à 29° ou les réseaux ? Il avait pris la suite d'Antoine Bérodier qui suggère de de créer des gîtes dans une centaine de village du Jura : « on accueillera les toutistes qui verront comment on fabrique le lait et on vit au quotidien... »
Réaction de Claude Brévan : « il y aura un atelier pour les projets alternatifs ! » Jean-Michel Klozt sent-il le danger quand il répond, tout miel : « l'un n'est pas incompatible avec l'autre, quand les clients d'un Center parcs ont envie de revenir dans une région, ils vont en gîte... »

Patrice Girard, commerçant à Poligny, se demande « comment seront pesés le pour et le contre aux termes du débat ? » « Ce n'est ni un référendum ni un sondage, on rendra compte de la qualité des arguments au maître d'ouvrage et aux pouvoirs publics », dit Christian Leyrit. Mais au fait, qui est ce « maître d'ouvrage » ? Surtout quand on sait, comme le rappelle Michel Muret, que l'aquamundo doit être porté par une société d'économie mixte. « Bonne question », réagit Christain Leyrit pour qui « les collectivités locales pourront répondre ». Laurence Giboudot n'a pas envie d'attendre. Un autre participant veut savoir « qui est dans la structure ». Christian Leyrit ajoute : « Pierre et Vacances va répondre... »

Jean-Michel Klotz, directeur général adjoint de Pierre et Vacances, prend la parole : « Rien n'est arrêté, on est dans une logique de concertation... Le maître d'ouvrage n'est pas propriétaire des murs, ça bloquerait le développement. La SEM perçoit un loyer garanti 20 ans pour que les collectivités locales financent leurs investissements ». Quels investissements ? Mais l'adduction d'eau, l'assainissement, les routes à aménager et sécuriser... évalués à 11,7 millions d'euros. Mais attention, prévient M. Klotz, « ce n'est pas une subvention ! »

Il est interrogé sur la réserve de 100 hectares supplémentaires, au-delà des 150 prévus pour le projet mid-size de 400 cottages au lieu de 800. Cela cache-t-il un projet d'agrandissement ? Une possible extension ? « Aucune étude n'est engagée », répond-il, « si demain on imaginait une extension, il y aurait un nouveau dossier, dans 5 ans, dans 10 ans... »
Pascal Blain insiste : « pourquoi trois projets, Roybon, Poligny et le Rousset dans la même zone de chalandise ? Y a-t-il un site de repli si un autre ne se fait pas ? Vous dîtes qu'il n'y a pas d'impact, mais c'est l'étude d'impact qui le dira ! »
Jean-Michel Klozt a la réponse : « on n'a pas d'intention cachée, on a des projets plus petits : deux demi-center parcs ».
Claude Brévan le coupe : « Dans votre dossier, il n'y a rien sur l'éventualité d'une extension. S'il y a une possibilité d'extension, cela pose la question du dimensionnement des réseaux »?
Jean-Michel Klozt : « Nous n'en avons pas l'intention »
Un auditeur : « Dans le document d'intention de la région, il y a ces 100 hectares supplémentaires... »
Jean-Michel Klozt : « Si on en parlait, on ferait un nouveau dossier de A à Z »...

Le soutien de la Chambre de commerce et d'industrie

Le groupe semble également sur la défensive quand arrive sur la table son modèle économique. Quant aux participations publiques dans la SEM, aux travaux de voirie et de réseaux, Vincent Bruyère, militant d'ATTAC, ajoute les dispositifs de défiscalisation (Censi-Bouvard) pour atteindre 80 millions d'argent public, Jean-Michel Klozt assure que, vendant 80% des cottages à des investisseurs institutionnels, « il n'y a pas de dispositif fiscal pour eux ».

Hormis les élus locaux qui sentent bien que la prudence est de mise, le président de la Chambre de commerce et d'industrie du Jura, Rémy Laurent, soutient sans réserve le projet : « il faut saisir l'opportunité, le modèle existe ailleurs, il y a des retours positifs des acteurs des territoires où sont d'autres centre parcs... Nous allons mettre en place des groupements pour les appels d'offres ». A la salle, il dit : « les aspects environnementaux sont louables et légitimes ». A Pierre en Vacances, il lance : « nous serons à vos côtés ». 

« Quand il y aura un très gros coup de vent, les arbres vont tomber sur vos cottages... »

Interpellé par Brigitte Monnet, conseillère régionale EELV, sur la moitié des emplois du ceter parcs de Moselle à 319 euros selon l'INSEE, le directeur du développement de Pierre et Vacances Vincent Pottin s'est emmêlé les crayons au point que Claude Brévan traduise le sentiment général : « on n'a pas bien compris ». De sa seconde réponse, il ressort que 61% des emplois à temps partiels sont liés à l'organisation du nettoyage de l'ensemble des cottages en cinq heures, deux fois par semaine : « ce sont des emplois liés à l'organisation des séjours ».

M. Roche, forestier à Champagnole, se lève : « pourquoi coupez-vous 85 hectares alors que la loi dit que le maximum c'est 25 ha ? » Eric Magné, le directeur des grands projets de Pierre et Vacances répond avec candeur : « c'est possible car on n'est pas dans le cadre d'un plan de gestion forestier, mais on demandera l'autorisation de défricher, et tout sera compensé... » Ancien scieur de bois, Bernard Pouillard prend le micro : « qui a décidé de mettre un center parcs dans cette parcelle ? Pourquoi n'avoir pas consulté les forestiers locaux qui auraient répondu que ça aurait été moins dommageable sur d'autres ? Qu'est-ce qu'une zone environnementale sensible pour vous ? » Jean-Michel Klozt répond : « notre bureau d'études vous l'expliquera en deux minutes ». Claude Brévan n'est pas satisfaite de cette réponse : « cet avis n'est pas le seul ! quelles sont les données de votre cahier des charges ? »

Bernard Pouillard insiste : « pourquoi ne pas vous installer plus près de la RN5 ? » « A cause du type de boisement », répond M. Klozt, « il faut une proportion importante de conifères pour qu'il y ait du feuillage en hiver... Je suis d'accord pour étudier une autre parcelle ». Pouillard a un argument auquel aucune réponse ne sera apportée : « Vous allez faire une trouée. Quand il y aura un très gros coup de vent, les arbres vont tomber sur vos cottages... »

 

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