Center parcs de Poligny : l’épineuse question forestière

La commission particulière du débat public a annoncé mardi 16 un atelier spécifique à la forêt qui se tiendra le 18 juin. La valeur de la parcelle initialement pressentie a poussé l'ONF à proposer deux sites alternatifs, mais Pierre & Vacances n'est pas très chaud.

Les participants au débat public du projet de center parcs de Poligny, samedi 13 juin sur le site.

« La localisation du projet dans des zones de la forêt de Poligny moins productives et avec des sols plus superficiels serait beaucoup moins impactante pour l'économie forestière de ce massif. » Cette petite phrase issue d'une longue réponse de l'ONF à la question numéro 82 posée sur le site du débat public par un habitant du Fied, village proche du site projeté par Pierre & Vacances pour implanter ses 400 cottages et sa piscine couverte tropicale, pointe un enjeu majeur de l'affaire. Dans le cadre d'un plan de gestion à 20 ans, la petite ville perçoit 375.000 euros de recettes forestières annuelles, notamment grâce à ces parcelles des Tartaroz qui sont « situées sur les sols les plus fertiles de la forêt de Poligny et ont actuellement les peuplements les plus riches ».

Depuis plusieurs mois, les connaisseurs de la forêt, scieurs, sylviculteurs, techniciens, pointaient dans une relative indifférence ce qui leur apparaissait comme une incongruité. L'insistance d'un homme comme Bernard Pouillard, ancien scieur de bois, à intervenir dans le débat public sur ces questions aura finalement permis qu'elles émergent. En interne, l'ONF a aussi connu des questionnements qui l'ont conduit à proposer deux sites alternatifs. Officiellement, l'office n'a pas d'avis autre que technique. Officieusement, c'est une autre musique.

Le chaud et froid des communes forestières

L'approvisionnement en eau, souci majeur alors que les canicules seront plus fréquentes
L'environnement était au menu de l'atelier du 13 juin où le contexte du changement climatique a été rappelé. Avec ses effets tels que la tempête de décembre 1999 et la canicule de 2003. Celle-ci est dans tous les esprits dès lors que la question de l'approvisionnement en eau est soulevée. André Georges, président de la société de pêche de Sirod, est plus que sceptique quant à l'hypothèse d'alimenter le center parcs avec la source de la Papeterie où serait prélevés, selon P&V de 435 à 491 m³/jour : « comment va-t-on protéger le milieu aquatique, les invertébrés, les poissons ? Il y a trois ans, on a eu trois semaines de sécheresse et le débit de l'Ain est tombé à moins d'un mètre cube par seconde. Attention, il y a des pêcheurs à Sirod, mais aussi du tourisme, j'aurai du mal à contrôler mes troupes... »
Jean-Baptiste Fagot, chargé d'études à la fédération de pêche du Jura, pose plusieurs questions sur les suivis promis par P&V, évoque la réserve biologique à « protection forte » de la Seille « non citée dans le document » présentant le projet. Des sources de la reculée de Ladoye seraient impactées par une pollution sur le site. Il demande « des réponses pendant le débat public ». Le spéléologue Michel Menin, « consommateur d'eau du captage de Voiteur situé à proximité de la rivière », aimerait bien savoir sur quelles protections il peut compter.
Gérard Lacroix pose quant à lui des questions sur le traitement des eaux de la piscine dont certains sous-produits « ne sont pas filtrés » ni traités par les stations d'épuration. Ni d'ailleurs les produits de traitement du bois.
Pour l'heure, P&V n'a pas répondu à ces questions. Le fera-t-il ce jeudi 18 à Barretaine où se tiennent deux réunions, à 16 h sur la forêt, et 20 h sur les impacts sur la vie locale ? 

S'il avait été sollicité plus tôt, disons un an auparavant, l'office aurait pu alerter, mais c'est manifestement sciemment qu'il a été écarté de la réflexion. Etienne Delannoy, son directeur départemental dans le Jura, s'est publiquement interrogé, lors de l'atelier environnement du débat public le 13 juin : « Je suis surpris que nos propositions alternatives n'aient pas suscité votre intérêt », a-t-il lancé à l'intention du groupe et du cabinet d'études environnementales Confluence. Ce dernier n'a réalisé son étude faune-flore que sur le site projeté. Comme elle doit durer un an pour prendre en compte les cycles naturels, elle reste à faire sur les sites alternatifs...

Les communes forestières sont aussi dans les interrogations. Les présidents de leur union régionale et de leur association départemental ont cosigné une contribution (lire ici) qui souffle le chaud et le froid. Le chaud quand ils soulignent les deux « points positifs » que sont « la recherche d'entreprises locales et de bois local pour la construction », ainsi que la perspective d'une possible chaufferie bois. Le froid quand ils emboîtent le pas de l'ONF en suggérant de rechercher un site alternatif « atténuant » deux observations qui font figure d'avertissements.

Le souvenir de la tempête de décembre 1999

La première rejoint la préoccupation économique de l'ONF. La seconde relaie ce que Bernard Pouillard a expliqué lors de plusieurs réunions du débat public : « les sapins et les épicéas, notamment lorsque le peuplement est adulte, peuvent se renverser lors de tempêtes ou d'orages. Une forte densité de cottages et d'équipements dans un peuplement mur de résineux peut exposer la clientèle touristique et les employés en cas de chute d'arbres ». Comme lors de la tempête de décembre 1999, qui a d'ailleurs touché une partie des Tartaroz... C'est ce qu'a rappelé M Bretin, un habitant de Plasne, lors de la visite du site du 13 juin.

Ces éléments perturbent à l'évidence les prévisions de Pierre & Vacances. Ses représentants craignent que les deux parcelles suggérées par l'ONF n'apportent davantage de contraintes dans la perspective de l'instruction du dossier par l'autorité environnementale. Une pré-étude environnementale a été lancée, mais ses résultats ne seront pas connus avant quelques jours, et il faudrait de toute façon en passer par une beaucoup plus longue pour la comparer avec celle effectuée sur le premier site. « On fera notre arbitrage après avoir eu tous ces éléments, mais nous sommes capables de prendre en compte les objections », souligne Jean-Michel Klotz, le directeur général adjoint de P&V Développement, « on a recherché une minimisation des contraintes, mais on a une étude plus avancée... »  

 

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