Center parcs de Poligny : l’énergie à l’heure du plan climat

Le dernier des dix ateliers thématiques du débat public commencé le 23 avril était consacré à l'énergie. Alors que Pierre & Vacances annonce le respect des normes d'isolation, les opposants considèrent qu'il serait moins énergivore de ne pas construire le projet.

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Le center parcs de la forêt de Poligny devrait consommer près de 27 millions de kilowatts/heure par an d'énergie finale selon l'étude du cabinet Elan qu'a missionné Pierre & Vacances. 27 millions dont 5 pour les cottages qui seraient chauffés individuellement au gaz, avec appoint de pompe à chaleur et éventuellement de panneaux solaires ; et 21,6 millions pour les équipements qui utiliseraient une chaufferie-bois. C'est du moins, à ce stade, ce qui est envisagé. A ces consommations prévisibles d'énergie, il faut ajouter celles qui seront nécessaires au chantier et aux travaux de voirie et de réseaux menés par les collectivités : non inclus dans l'étude, ils ont été réclamés par plusieurs participants à l'atelier énergie du débat public qui s'est tenu lundi 6 juillet à Poligny.

Jean Chabert, directeur général de Pierre & Vacances Développement : « je n'ai pas vu de raison de renoncer »
Le débat public touche à sa fin. Quelle comparaison faites-vous avec celui du Rousset, en Saône-et-Loire ?
Il y a des points communs : dans les deux cas le public est un peu le même, avec davantage d'opposants que de défenseurs. C'est un peu de la démocratie participative en petit comité. Mais grâce à la presse, beaucoup de gens sont au courant. On est surtout marqué par les opposants. On a plus de difficultés à être acceptés dans le Jura qu'au Rousset. L'opposition jurassienne est plus, comment dire, identitaire, culturelle. Au Rousset, c'est davantage idéologique, porté par des convictions individuelles. Mais dans les deux cas, il y a une inspiration idéologique et politique.
A part un rassemblement et des prises de position tranchées, c'est quand même un débat sportif, vif, non ?
Il n'y a pas eu d'incident, pas de violence, mais une correction dans les échanges même si on entend des choses pas toujours agréables.
Allez-vous modifier votre projet ?
On a modifié le positionnement du site, et il y a encore des évolutions à discuter avec le département. Ce sont des choses que le débat a apportées.
Vous modifiez un peu votre première intention, mais l'ONF vous a proposé deux autres parcelles...
On avait des objections dès le début, sur la faisabilité environnementale. On devrait bientôt conclure, mais je ne sais pas si on conclura à la fin du débat : il y a la question de la disponibilité des services du département. On va au moins déplacer le site initial vers le nord et étudier les deux autres implantations. Ce débat a permis aux collectivités de poser davantage de questions, ça nous fait gagner du temps...
L'hypothèse d'un renoncement de votre part est-elle envisageable ?
C'est trop tôt pour le dire. Il n'est pas ressorti d'éléments en ce sens. C'est aussi aux collectivités de le dire. Si on doit renoncer, le plus tôt sera le mieux, mais je n'ai pas vu de raison de renoncer.
L'eau est quand même un gros problème.
La ressource est problématique aujourd'hui, mais on ne la mettra pas en danger. Pour que le projet se fasse, il faut améliorer la desserte, et on va accélérer des investissements qui s'amortiront mieux avec nous pour sécuriser et interconnecter les réseaux. C'est plutôt sur la question des effluents en terrain karstique qu'il faudra beaucoup travailler.
Qui prendra la décision ?
Le président.
Gérard Brémont est-il informé de ce qui se passe dans le débat public ?
Bien entendu. On lui fait part des difficultés quand il y en a.

Le promoteur a beau annoncer les meilleures performances énergétiques, il s'entend opposer l'argument d'inopportunité. « Avec la canicule, on est en plein dans le problème, il faut s'interroger sur les loisirs qu'on offre », dit Daniel Bretin, habitant de Plasne. Il souligne que parmi les équipements figure le fameux centre aqualudique qui sera propriété d'une société d'économie mixte à qui « on donne la gestion du bilan carbone qui sera porté par les collectivités ! » Vincent Bruyère n'a pas trouvé « la perte de séquestre du carbone due à la déforestation ». Le représentant de FNE-FC, Pascal Blain, résume : « c'est le projet lui-même qui est consommateur d'énergie  ».

« Un séjour en center parcs est moins impactant que trois jours au Maroc »

Jean-Stéphane Devisse, le membre de la CPDP qui anime le débat, avait d'emblée signalé « le paradoxe de la construction d'un échangeur thermique dans une des régions les plus froides de France ». Un installateur de pompe à chaleur lui répondra : « il y a 50 jours soleil en plus sur le plateau qu'en plaine. Et on a mis des pompes à chaleur à Mouthe, ça marche ! On peut toujours enlever du chaud, même à moins 20 ». Guy Mottet, de Plasne, dit qu'il est arrivé qu'il fasse moins 29 au Fied.

A Antoine Bérodier qui rappelle la perspective de la conférence-climat et estime que « la meilleure façon d'économiser l'énergie est de ne pas construire de center parcs », Jean-Stéphane Devisse rétorque : « est-ce que ce sera une consommation en plus dans le bilan carbone personnel du client ? Et s'il était allé aux Seychelles ? » Responsable du développement durable chez Pierre & Vacances, Marie Balmain s'engouffre dans la brèche : « Un séjour en center parcs est moins impactant que trois jours au Maroc, la réduction est liée au fait que l'avion est davantage émetteur de CO² que la voiture ».

« pour diminuer de 90% le bilan carbone, il ne faut pas faire de center parcs mais des moulins ! »

Le débat glisse de l'opportunité vers un autre modèle de développement : « pour diminuer de 90% le bilan carbone, il ne faut pas faire de center parcs mais des moulins : les turbines sont un potentiel non exploité, font travailler les Jurassiens et le matériel est fabriqué en France », lancé Rémi Gonthier, d'ID-Jura. « On est à un tournant de notre société, de la civilisation, c'est ça qui nous fait sortir de chez nous pour un monde meilleur. Pourquoi offrir aux urbains une nature artificialisée chez nous ? », philosophe Pascal Blain.

Claude Brévan, présidente de la commission : « On presse un peu P & V »
Claude Brévan, la présidente de la commission particulière du débat public conjointe aux projets de Poligny et Rousset, en est à son septième débat. Menant les débats de manière souple et ferme, maîtrisant le projet, elle avait expliqué le 2 juillet lors de l'atelier consacré aux retombées et au tourisme, que les membres de la commission étaient tous tombés sous le charme du Jura. « On sent que les gens ont beaucoup travaillé sur le dossier, le connaissent de façon sérieuse et fine. Je suis fascinée par la passion que les gens mettent. Ce n'est pas un débat sur des intérêts personnels, mais sur une autre idée du fonctionnement de la société, de la politique. C'est respectable... Il y a aussi des gens qui voient qu'il n'est pas facile de faire venir des emplois et des activités, et voient dans le projet une opportunité à laquelle ils ne s'attendaient pas. C'est plus avancé en Saône-et-Loire où le département a signé un vrai protocole. Dans le Jura, les collectivités sont moins en première ligne... » Trouve-t-elle les élus jurassiens plus hésitants ? « Ils s'apprêtent à répondre... » Et Pierre & Vacances dont beaucoup de participants au débat trouvent les réponses imprécises ? « Ils répondent, on les presse un peu, ils sont assez transparents... »
Pour la troisième réunion plénière du débat, jeudi 9 juillet à Poligny, elle a annoncé commencer par une restitution des débats des deux premières plénières et des dix ateliers, avant un débat général où chaque intervenant n'aura droit qu'à une prise de parole unique de 3 à 4 minutes. La restitution générale, comprenant les réponses non encore fournies par Pierre & Vacances, aura lieu le 3 septembre.

Plus prosaïquement, Michel Bourgeois, le président de la fédération des communes forestières du Jura, explique qu'il faut organiser la filière-bois pour qu'elle fournisse la chaufferie : « des plans d'approvisionnement territoriaux couvrent presque tout le Jura, il en reste un à faire sur Poligny et la vallée de l'Ain pour connaître la ressource et on saura alors si on peut, ou non, chauffer center parcs au bois. Mais une entreprise se prépare et l'ADIB travaille à un regroupement d'entreprises ».

Ne vaudrait-il pas mieux investir dans la rénovation thermique des logements ? Déjà posée lors de précédentes réunions, la question refait surface, amenée cette fois par Jean-Stéphane Devisse et non par des militants écologistes : « si on rénove les trois quarts des 12.000 logements du Triangle d'or, à 22.000 euros par logement, ça fait dans les 200 millions d'euros ». Dont 15.000 apportés par la région... Rémi Mertz, de la fédération départementale du BTP, préfère tenir que courir : « ça fait dix ans qu'on fait de la rénovation énergétique, mais les particuliers ne font pas l'effort, ce n'est pas l'argent public qui le fera... On ne raisonne que sur des projets concrets, et là, on a un marché. On peut même être plus ambitieux encore, on sait faire de la maison passive... » Mireille Prost, de Plasne, en conclut que « la rénovation énergétique a besoin d'encore plus de soutien... »

 

 

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