Center parcs de Poligny : le département du Jura veut diminuer son éventuelle participation

Alors que trois des douze réunions du débat public ont eu lieu, la nouvelle majorité freine quand Christophe Perny fonçait. Pendant ce temps, le Pic Noir et France-Nature-Environnement Franche-Comté se mobilisent pour s'opposer au projet. Pierre et Vacances prévoit de modifier l'accès au site et de redécouper la parcelle...

La forêt des Tartaroz...

Trois des douze réunions publiques programmées dans le cadre du débat public se sont déjà tenues sur le projet de Center parcs de Poligny qui paraît plus incertain que jamais. La stratégie de développement et l'emploi, abordés lors de deux soirées, sont loin d'avoir été épuisés malgré un prolongement des échanges au delà de trois heures alors que deux étaient prévues.

Il reste à débattre d'agriculture (4 juin) et du modèle économique (10 juin), d'environnement (13 juin), des équipements induits et de l'impact sur la vie locale (18 juin), des retombées économiques (2 juillet) et de l'énergie (6 juillet)... Une visite sur le site est programmée (13 juin) ainsi que deux réunions générales (11 juin et 9 juillet). 

Pour Pierre et Vacances, ce débat public est une première et l'on sent parfois du flottement chez ses représentants plus habitués à traiter avec des élus leur déroulant le tapis rouge qu'à faire face à une salle où les sceptiques et les opposants sont manifestement les plus nombreux et les plus diserts. Examinons point par point les principaux enjeux à ce stade du débat public.

L'engagement des collectivités

L'ancien président du Conseil général du Jura, Christophe Perny, s'était fortement et personnellement impliqué dans le dossier, vilipendant les opposants en tentant de les discréditer. Clément Pernot, son successeur, est beaucoup plus prudent et annonce que le Département ne sera plus tête de file, mais « accompagnateur » de projet pilotés par d'autres. En outre, la nouvelle majorité est confrontée à une situation financière difficile. Le Département doit une vingtaine de millions d'euros aux communes et communautés de communes et envisage d'emprunter pour le faire.

« On mettra le moins d'argent possible car on n'en a plus », a indiqué le vice-président Dominique Chalumeaux, samedi 23 mai aux responsables de France Nature Environnement Franche-Comté qui fêtait ses 40 ans samedi 23 mai à Plasne. « On sera contraint de mettre une grosse part dans la SEM, mais pas 35 millions ». 35 millions d'euros, ce n'est pas la part envisagée pour le Jura dans la SEM, la société d'économie mixte portant la bulle tropicale, mais la part des collectivités afin d'y être majoritaires.

Christophe Perny annonçait 19 millions pour le Département, le Région envisageait 9 millions, le reste se répartissant entre la ville de Poligny et la communauté de communes du Grimmont. Outre la participation dans la SEM, le Département devra financer, ou co-financer, des travaux routiers (2 M€ sur la fiche technique), d'adduction d'eau (4,5 à 4,7 M€), d'assainissement (2,4 à 2,6 M€), d'électricité (1,3 M€), de gaz (1M€), d'internet à haut débit (0,4 M€) et de téléphonie mobile (1 M€). Ce total de 12,6 M€ paraît d'ores et déjà faible car les routes demanderont certainement davantage. Il faut y ajouter également le coût d'un éventuel remembrement de Plasne (plus de 2 M€).

Comme toutes le collectivités, le Département examinera les retombées, notamment les loyers à percevoir de la SEM, chiffrés sur 20 ans par Pierre et Vacances à 85 millions. Il reste que les compétences des collectivités ne sont pas toutes consolidées et que les régions pourraient se retrouver en première ligne en la matière. On voit mal, en outre, la future grande région Bourgogne-Franche-Comté porter, au sein d'une SEM unique, deux projets de Center parcs à Poligny et au Rousset (Saône-et-Loire). 

L'emploi

Les élus ne font évidemment pas la fine bouche quand on leur annonce, comme l'a fait le 20 mai Jean Chabert, directeur général de Pierre et Vacances Développement, « 250 à 500 emplois selon la période pendant un peu moins de deux ans, BTP au début, artisans à la fin », puis « 300 emplois en phase d'exploitation ». Les organisations professionnelles du bâtiment non plus. Pour elles, c'est même une aubaine, d'autant que Pierre et Vacances suscite une nouvelle structuration du secteur et des regroupements d'entreprises aptes à répondre aux appels d'offre.

Les opposants soulignent qu'un investissement moindre des collectivités dans la transition énergétique ferait coup double : isoler les logements des gens du cru et donner du travail aux artisans et PME pour vingt ans. L'association d'entrepreneurs ID Jura s'est récemment créée pour tenter de montrer qu'on peut créer des emplois à partir des besoins du territoire : aide à domicile, soutien à l'agriculture de proximité, au tourisme diffus...

Les emplois sur le site sont plus difficiles à appréhender. Jean Chabert parle de « 85% de CDI et 35% de temps partiels liés au nettoyage ». Il s'agit en fait d'être là entre les départs des résidents, à 10 h, et l'arrivée des suivants à 15 h. Après plusieurs questions de la salle, relayée par la présidente de la commission, Claude Brévan, le directeur du développement, Vincent Pottin, se fait plus précis : « sur 300 emplois, il y a 189 temps complets et 111 temps partiels dont 66 à 39 heures par mois. En Moselle, 30% de ceux-ci sont en temps partagé avec des compléments en externe ou en interne ». Plus tard encore, lors de la plénière suivant la réunion des deux sous-groupes, on apprend qu'il y a 210 équivalents-temps-pleins (ETP).

Si l'on calcule bien, cela fait 21 ETP pour 111 temps-partiels, soit 3185 heures pour un mois. Comme 66 d'entre eux font 39h/mois, soit 2575 heures au total, il reste 610 heures pour les 55 autres qui ont donc un contrat de 11 heures par mois en moyenne. On comprend mieux que le groupe soit interpellé sur la qualité des emplois. Il l'est aussi sur la formation de ses personnels, financée par Pôle-Emploi quand il s'agit de demandeurs d'emplois. Il l'est enfin sur le turn-over de 30 à 35%, constaté la première année sur le site de Moselle.

Le développement local

Ce thème a été le premier traité lors de la réunion de Plasne, le 19 mai. On y a perçu deux modèles antagonistes aux philosophies différentes. D'un côté le concept bien ficelé de Pierre et Vacances, commercialement efficace, porté par un groupe international qui tente de mobiliser subventions publiques (SEM et réseaux) et épargne (vente de bungalows). De l'autre une galaxie de militants et de petits entrepreneurs tentant de convaincre les collectivités de regarder vers la satisfaction des besoins locaux et le maintien de la valeur ajoutée sur le territoire.  

L'agriculture

Elle est sollicitée pour s'organiser comme productrice d'énergie, chauffant la bulle de Center parcs, issue d'un méthaniseur qui reste à concevoir et construire. Un tel équipement s'inscrit dans la transition énergétique, mais demeure problématique quant à la gestion des résidus qui s'apparentent à de l'azote minéral et sont aussi difficiles à utiliser que les lisiers. Or, les plans d'épandage sont quasiment au maximum de ce que les sols peuvent supporter. En tout état de cause, une analyse fine des sols reste à effectuer pour déterminer lesquels pourraient recevoir ces résidus tout en étant compatibles avec le cahier des charges du comté.

L'agriculture est également sollicitée pour fournir des vins et des fromages régionaux aux résidents du Center parcs. De quelle façon ? On évoque une boutique intégrée, un marché de produits régionaux, voire de producteurs locaux...

L'environnement

Ses défenseurs sont au premier rang des opposants. Ils rejettent notamment l'argument de la compensation des 150 ha de forêt consacrés au projet, en invoquant la nécessité, première, de préserver les espaces naturels et la biodiversité. Celle-ci est sensible en raison de la proximité du site Natura 2000 des reculées de la haute Seille (Ladoye et Baume-les-Messieurs) dont une source abrite une des rares stations de présence des fameuses écrevisses à pattes blanches, marqueur d'eaux de qualité.

On est bien sûr en terrain karstique et plusieurs résurgences de circulations d'eaux souterraines sont concernées par le projet, comme le souligne le spéléologue Michel Menin sur le forum du Débat public dans un billet précis et argumenté. Les pêcheurs signalent que les rivières sont en étiage « quasi permanent » : « on a eu trois semaines de sécheresse en septembre avec 1m3/sec à la source de la Papeterie », expliquait l'un d'eux à l'assemblée générale du Pic noir, le 22 mai à Poligny.

Lors de l'AG du Pic Noir, le 22 mai à Poligny, Gabriel Amard, qui anime un collectif eau et assainissement, a souligné le risque de voir les habitants devoir prendre en charge, sur leurs factures d'eau et/ou d'assainissement, les amortissements de travaux d'amélioration ou d'agrandissement des réseaux pour Center parcs. « Ceux qui ont les informations sont les conseillers municipaux des syndicats d'eau et d'assainissement, ce sont les grands absents du débat public », a-t-il lancé sous les applaudissements.

Dans ces conditions, l'adduction d'eau et l'assainissement revêtent une importance de premier plan. Le conseiller départemental Dominique Chalumeaux souligne que « les fuites du réseau existant sont supérieures à la consommation prévue du Center parcs » et que la connexion du Center parcs « permettra de financer l'amélioration des réseaux ».

Une étude sur les effets du réchauffement climatique sur l'eau serait judicieuse. Météo-France a annoncé pour le massif jurassien autant de précipitations mais autrement réparties sur l'année, avec moins d'enneigement. Il serait intéressant d'aller plus loin et d'en évaluer l'effet sur les réserves d'eau. La lenteur de la fonte des neiges permet aujourd'hui d'alimenter doucement et constamment les aquifères. Qu'en sera-t-il si l'eau ruisselle plus vite ?

L'énergie

C'est un point sensible alors que la problématique du réchauffement climatique s'impose de plus en plus. « La bulle à 29° nous a interpellés. 50 mètres plus haut en altitude et elle ne se faisait pas », reconnaît Dominique Chalumeaux devant FNE-FC. Le dossier de Pierre et Vacances évoque principalement une chaufferie bois, éventuellement le raccordement à un réseau de chaleur produite par un méthaniseur.

Les accès vont modifier le projet

Modification de l'article initial, mercredi 27 à 22 h
Selon une bonne source, Pierre et Vacances chercherait aussi une autre parcelle, voire une autre forêt que celle de Poligny. Jean Chabert, le directeur général de Pierre et Vacances Développement, qui a retourné notre appel le 27 mai, ne confirme pas : « Nous allons modifier le découpage de la parcelle, pour des raisons de proximité des habitations, pour faciliter les accès et tenir compte des contraintes environnementales ». Le groupe songe-t-il à chercher une autre parcelle, voire un autre site ? « On n'envisage pas une autre commune ni une autre forêt. Nous avons seulement demandé des investigations concernant des terrains voisins, elles sont en cours ».

L'accès par la RD68 qui grimpe de Poligny et traverse Plasne a fait l'unanimité des riverains contre lui. Pierre et Vacances a d'ores et déjà annoncé chercher un autre accès. Il lui a été suggéré par plusieurs interventants, aussi bien partisans qu'opposants au projet, de passer par la RN5. Un groupe de partisans fait une proposition en ce sens sur le forum du débat public en suggérant de passer par une route forestière existante.

Poursuivre le débat public ?

Dès le début les opposants ont mis la pression sur la commission du débat public en demandant à haute voix si les « conditions d'un débat serein étaient réunies ». Depuis, ils n'ont qu'à se louer de la façon dont la présidente de la commission particulière mène les débats. Elle hausse parfois les sourcils, intimant à Pierre et Vacances d'être plus précis, par exemple sur les études relatives aux retombées économies attendues : « il y a des réserves sur vos chiffres, on ne sait pas comment ils sont calculés ». Elle pousse le directeur du développement, Vincent Pottin, à répondre aux questions posées par la salle sur l'emploi autrement que de manière générale : « elles sont dans les données sociales », s'exclame-t-elle. Miracle, un instant après, le document sur les fameuses données sort d'un attaché-case...

Elle ouvre la discussion jusqu'aux « alternatives possibles », les rendant crédibles, du moins les interrogations qui les sous-tendent. Elle accepte la perspective de poursuivre les débats au-delà du 6 juillet, date de clôture prévue, envisage de les reprendre « si nécessaire » en septembre et octobre. Pour l'heure, on sent que derrière chaque question soulevée, mille autres apparaissent.

 

 

 

 

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