Center parcs à Poligny : un impact économique contesté

Le dernier atelier du débat public, avant celui de lundi 6 juillet consacré à l'énergie, n'a pas davantage mobilisé les partisans du projet que les précédents. Le doute persiste sur les retombées économiques et le risque de cannibalisation des autres activités suscite des inquiétudes.

tartaroz

L'avant-dernier atelier du débat public sur le projet de center parcs de Poligny était consacrée au tourisme et aux retombées économiques. Pour Pierre & Vacances, celles-ci coulent de source : deux ans de chantier avec, selon les phases, de 250 à 500 emplois. Ce n'est pas rien, c'est entre 5 et 10% des effectifs du bâtiment jurassien. Le secteur, qui souffre déjà de la baisse des commandes publiques et d'un marché immobilier atone, n'entend pas faire la fine bouche, et considère comme un bon présage l'affirmation du groupe qui indique qu'en Moselle, 77% du montant des travaux sont allés aux entreprises locales.

Sont-elles capables, dans le Jura, de s'organiser, de créer des groupements d'entreprises pour répondre aux appels d'offres ? Oui, assure Claude Cagnioti, le président de la fédération jurassienne du BTP : « on n'aura pas de souci pour répondre, on se regroupera, cela demande de l'organisation, on est prêt, on a commencé les réunions avec nos adhérents ». Même son de cloche de la part de Laurent Chauvin, constructeur de maison de bois : « la filière bois locale est forte, mais il faut exiger du maître d'oeuvre qu'il privilégie les matériaux locaux et les entreprises locales ».

Pour « un chantier pilote avec du bois non traité »

Xavier Bolze, le membre de la commission qui anime l'atelier, lui demande : « avez-vous commencé à vous rencontrer ? » Laurent Chauvin est affirmatif : « J'ai déjà vu des collègues, on n'a pas attendu le center parcs pour faire des achats en commun ou des opérations groupées ». Emboîtant le pas à Gérard Lacroix qui déplore le danger pour les eaux souterraines ou des rivières des pesticides des traitements du bois, une femme demande un « chantier pilote avec du bois non traité ». Elle regrette de n'avoir pas pu, pour sa propre maison, trouver une entreprise jurassienne pour construire la sienne.

Marie-Jo, qui habite Plasne, s'interroge : « n'est-ce pas grâce au savoir-faire allemand qu'on doit l'aquamundo du center parcs de Moselle ? » Jean Chabert, le directeur général de PV Développement, confirme et nuance : « C'est effectivement une entreprise allemande qui l'a construit, associé à une française. Mais je ne doute pas que des Français puissent travailler le lamellé-collé... » On en connaît même en Franche-Comté qui ont réalisé le pavillon français de l'exposition universelle de Milan...

Center parcs contre rénovation énergétique des bâtiments existants

La conseillère régionale Brigitte Monnet (EELV) défend une autre perspective : « le plan Effilogis de la région a déjà généré 300 millions d'euros de travaux. Avec l'argent public prévu pour les cottages, on peut faire beaucoup plus en investissant dans la rénovation énergétique des bâtiments et ce n'est pas deux ans de travail que vous aurez, mais vingt ou trente ». Jean-Luc Tisseuil, le représentant des artisans et TPE réunis dans la Capeb, est sceptique : « le bâtiment s'effondre, l'argent public que vous mettez dans la rénovation énergétique limite seulement les dégâts ».

Y aura-t-il des retombées en phase d'exploitation ? Le groupe annonce 20 millions d'euros injectés chaque année par ses locataires dans l'économie locale. S'appuyant sur l'exemple mosellan où, selon ses propres enquêtes, 63% de ses clients sortent une fois du center parcs, Jean Chabert promet qu'ils dépensent de l'argent : « 9% [de ces 63%] vont au restaurant, 51% font des visites » de sites ou de musées... Il parle de « l'extension des réseaux cyclable ou de randonnée pédestre ».

Doutes sur les retombées

Philippe Debard, qui a effectué une enquête de l'INSEE sur le center parcs de Moselle, avait souligné les grandes différences entre ce territoire lorrain sinistré de la sidérurgie qui a « perdu de très nombreux emplois industriels, pris des claques et des tôles », et le Jura. Il estime les retombées à 18 M€ pour un équipement deux fois plus grand que dans le forêt de Poligny. Le tourisme est orienté vers le loisir et la consommation en Moselle, département aussi peuplé que la Franche-Comté, avec quelques grands sites comme le parc Wallibi ou le complexe d'Amnéville.

Michel Menin, qui fut un audacieux funambule, exploite le jardin fantastique de Saint-Maur. Il a fait ses calculs et n'est pas convaincu des retombées, bien au contraire : « vos activités ouvertes sur l'extérieur vont nous prendre des clients ». L'ancienne conseillère générale Marie-Odile Mainguet (EELV) redoute que les thermes de Lons-le-Saunier et Salins-les-Bains souffrent de la concurrence de la piscine à vagues de l'aquamundo. Rémi Gonthier est inquiet du risque de « cannibalisation » par le center parcs et propose aux collectivités un autre modèle touristique passant notamment par la création d'une agence de développement de tourisme vert et l'achat par le département de l'ancien séminaire de Vaux-sur-Poligny qui pourrait être « transformé en site d'accueil, d'hébergement, de séminaires... »

« Pas les droits de plantation pour 300 hectares de vignes »

Seule élue de Lons-le-Saunier présente au débat qui s'y tenait, la conseillère municipale Anne Perrin (EELV) interpelle le vice-président du département, Dominique Chalumeaux (LR) : « quand vous aurez financé le center parcs, aurez-vous les moyens de financer les projets d'ID-39 ? » Celui-ci répond : « On injecte tous les jours de l'argent dans l'économie jurassienne. Le center parcs n'augmentera pas de manière monumentale les finances départementales. Quant à ID-39 qui propose de planter 300 hectares de vignes, on n'a pas les droits de plantation qui sont contrôlés au niveau européen. Si on les accorde au Jura, il en manquera ailleurs... »

Les élus écologistes, très présents tout au long du débat publics, avaient déjà souligné la contradiction du projet de center parcs avec les schémas touristiques régional et départemental. Brigitte Monnet a une fois encore insisté, amenant les représentants de la région et du département à y répondre pour la première fois. « Center parcs est un projet atypique, non prévu par le schéma régional du tourisme », a convenu Denis Vuillermoz (PS), vice-président du conseil régional.

Contradiction avec les schémas touristiques

Élu du Haut-Jura, l'ancien maire de Saint-Lupicin souligne que « la tradition touristique jurassienne est le tourisme social et l'accueil à la ferme, mais on a longtemps souffert de son manque professionnalisme. On a perdu la moitié de la capacité d'accueil dans le tourisme social en vingt ans, on n'a pas d'investisseurs... On regarde donc avec attention le center parcs, son développement. On se renseigne et on s'interroge pour voir si l'impact peut être positif... » Il pense qu'il n'y a « pas de concurrence entre un center parcs et le tourisme traditionnel ».

Le vice-président du département Dominique Chalumeaux « partage l'analyse » et considère que « le center parcs n'est pas de nature à nuire à la situation touristique du département et peut même l'améliorer ». Il met l'accent sur « l'activité régulière » dans une région où les « périodes touristiques sont trop courtes ». Certes, ajoute-t-il, le projet « n'était pas dans le schéma touristique départemental, mais on le prend. On est content qu'un investisseur arrive, on récupérera notre argent... »

Où ira la valeur ajoutée ?

Cela fait réagir Marie-Odile Mainguet qui pointe la contradiction du projet avec « le schéma touristique départemental qui prévoit la préservation des sites ». L'ancienne élue relativise aussi les retombées : « le tourisme jurassien a un impact actuel sur l'économie du département de 268 millions d'euros. Avec 10% des nuitées en plus, le center parc n'en amènerait que 20 millions, ce n'est pas si intéressant que ça ». Si on la suit, les 10% de nuitées supplémentaires du center parcs généreraient 7,5% de recettes supplémentaires, sans compter l'impact des salaires. Et 6,7% en prenant les 18 M€ de retombées évoquées par l'INSEE.

C'est là un enjeu économique peu évoqué jusque là : la valeur ajoutée ne resterait pas localement. Alors que, par exemple, les filières fromagères AOC se battent pour maintenir en Franche-Comté les sièges sociaux et donc les centres de décision, l'argument est à bien considérer. Il est mis en avant par ceux qui proposent que les collectivités accompagnent plutôt les projets émanant du territoire et des acteurs locaux.

 

 

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