Carte de presse : aux urnes journalistes !

Reporter à Radio-France Lyon, le président sortant de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, Claude Cordier, explique que cette instance méconnue du grand public est très importante pour ceux à qui elle délivre un précieux outil de travail dans un contexte de précarisation du métier. 35.000 journalistes dont 677 en Bourgogne-Franche-Comté, sont appelés à élire leurs représentants pour trois ans d'ici le 17 mai.

claudecordier

Quasi invisible pour le grand public, l'élection des délégués des journalistes à la commission de la carte de presse a commencé le 19 avril et se terminera le 17 mai. Ce scrutin qui se tient tous les trois ans est une des mesures de la représentativité des syndicats de journalistes. En 2015, et pour la quatrième fois consécutive, un second tour avait été nécessaire en raison d'une participation inférieure à 50% : 12.509 des 35.071 inscrits avaient voté, soit 35,66%, ce qui avait entrainé un second tour à la participation plus faible encore : 27,41%.

De son vrai nom Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, la commission de la carte, comme l'appellent communément les journalistes, a trois niveaux : des correspondants régionaux dans 19 circonscriptions, une commission de première instance faisant office de région Ile-de-France et d'instance de décision, une commission supérieure pour les recours.

Par tradition, la présidence de la commission de première instance, le poste le plus politique de cette institution créée par la loi de 1935 instaurant un statut salarié pour les journalistes professionnels, alterne tous les 18 mois entre les éditeurs et les journalistes. Le président sortant, Claude Cordier, est journaliste au bureau lyonnais de Radio France.

Cette élection, c'est un rite ?

C'est surtout une obligation ! Elle a lieu tous les trois ans depuis 80 ans. C'est une institution qui tient dans le temps, a traversé des guerres, des républiques. Elle est assez forte...

Elle est mal connue hors de la profession...

C'est vrai. Depuis trois, on va dans les écoles de journalisme pour expliquer ce que sont la carte de presse et la commission... On dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés. On a au moins intérêt à la faire connaître de la profession.

Ce n'est pas le cas si l'on voit la participation aux élections...

Il n'y a en effet pas de quorum depuis quatre scrutins alors que dans les entreprises, lors des élections professionnelles, le quorum est généralement atteint.

A quoi sert la commission ?

Elle a un rôle officiel : attribuer la carte de presse. Cette carte est un outil de travail. Sans carte, pas d'accréditation. Sans elle, on ne peut par exemple pas rentrer dans un ministère. C'est encore plus sensible depuis les attentats. Il y a toujours quelques uns qui s'en passent, les présentateurs, les 200 à 300 journalistes connus... J'ai l'exemple d'un photographe de presse qui était à la limite du revenu nécessaire pour renouveler sa carte - autour d'un demi-smic. C'est pour lui un sésame indispensable pour pour passer des check points sur des zones de guerre... En France, la carte démontre qu'on est journaliste professionnel. Dans l'entreprise, elle permet d'avoir les bons barèmes, de l'ancienneté...

De l'ancienneté ?

Oui. Il y a une ancienneté validée par l'obtention de la carte et une ancienneté en entreprise. Les deux s'additionnent.

La commission fait des observations, tient des statistiques. Que disent-elles de l'évolution de la profession qui paraît de plus en plus précaire ?

Évidemment, on n'est pas hors du monde économique. Le nombre de cartes baisse depuis une dizaine d'années, avec une hausse en 2012. C'est lié à la crise économique, le contrecoup des années 2007-2008 où l'on a connu de nombreux plans sociaux. On n'est pas non plus hors du monde social : l'ubérisation existe dans la presse avec le mode de rémunération. Être payé en facture ou être auto-entrepreneur est ainsi incompatible avec la carte de presse. Un quart des cartes attribuées le sont à des pigistes, des CDD ou des chômeurs qui peuvent l'avoir deux ans s'ils sont issus de la profession. 

Un quart, c'est énorme !

Oui... N'oublions pas que trois quarts des journalistes sont en CDI. Les premières demandes augmentent depuis huit ans, sont autour de 1600 par an. Mais ces entrants se précarisent : depuis quatre ou cinq ans, 70% des premières demandes sont en CDD ou pigistes. On n'entre plus dans la profession avec un CDI...

Qu'est-ce que cela dit de la structure du secteur ?

Cela dit surtout que les employeurs cherchent à alléger leurs charges comme ils disent, en fait les cotisations sociales. Certains employeurs demandent aux journalistes de passer auto-entrepreneur, ce qui dénoue la protextion sociale. Beaucoup acceptent parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement...

Où est le problème ?

En étant auto-entrepreneur, on ne cotise pas à la Sécu également, pas au chômage, pas de la même façon à la retraite... J'ai un autre exemple, celui d'un photographe qui a été payé en droits d'auteur pendant 22 ans. Il a demandé et obtenu une requalification en salaire, mais il n'a pas ses trimestres de retraite...

Il y a un temps, le SNJ souhaitait adosser une instance de déontologie sur la commission de la carte...

Je ne sais pas s'il en est là, mais beaucoup souhaitent une instance de déontologie, organisations syndicales, politiques, et même usagers de la presse. Cette instance pourrait se prononcer sur les erreurs commises... D'accord, mais comment se mettrait-elle en place, qui y siégerait ? Serait-elle paritaire, tripartite ? Avec des journalistes, des employeurs, des usagers, mais comment les représenter ? Celui qui a la plus grande gueule ? Et puis, serait-ce suffisant ? On côtoie des magistrats à al commission supérieure, ils ont des choses à dire, surtout s'ils sont dans des instances en diffamation, comme la 17e chambre correctionnelle à Paris... Et puis, quels seraient les moyens d'une telle instance? Et pour dire quoi : quand on a enregistré les plaintes, on en fait quoi ? Tout cela pose plus de questions qu'on en résout... Mais ce serait une avancée, il y en a en Belgique, en Suisse...

On voit parfois le CSA s'auto-saisir de questions déontologiques...

Il vit ses derniers moments... Il n'est pas formé pour être une instance déontologique. Ses attributions, c'est s'occuper de l'audiovisuel. Il n'a pas de compétence sur la presse écrite. Il n'y a pas d'usagers au CSA. On y est entre soi...

Il a parfois été question d'un ordre des journalistes...

Personne n'en veut. La question a été posée et tranchée lors de la création de carte de presse. Et puis, les journalistes ne répondent à aucun ordre !

Comment la commission de la carte s'adapte-t-elle à l'arrivée des médias en ligne ?

On a conscience que des nouveaux entrants dans la profession créent leur structure et ne peuvent pas obtenir de carte de journaliste car ils sont dirigeants, et ne peuvent pas obtenir de carte de directeur car ils n'ont pas été journalistes avant... Mais on a avancé avec le SPIILsyndicat de la presse indépendante d'information en ligne, auquel adhère Factuel. A partir de maintenant, on va leur donner une carte de presse... Il faudra cependant une assemblée plénière de la commission pour changer le règlement intérieur...

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