Cafés de campagne

"Ces cinq nouvelles très courtes sont écrites en hommage à toutes ces femmes tenancières de bar de village qui tout en survivant chichement ont su accueillir, servir et écouter des générations de gens venus pour trouver dans leurs cafés convivialité et chaleur humaine." Voici le 2ème accessit de notre concours de nouvelles.

Chez « Dédée »

C’est un café de campagne à la fois chaleureux et étrange. En retrait de la rue principale, presque en marge de la vie du village. Curieusement cet estaminet regarde ailleurs.

Pour entrer, il faut se courber légèrement et passer la petite porte à carreaux de verre. D’emblée une douce pénombre vous envahit et curieusement vous apaise. Juste quelques lampes surannées posées ça et là, encouragent la lumière du jour à pénétrer timidement par l’unique fenêtre. Au fond de cette pièce relativement étroite, un bar et quelques tabourets qui ont dû avoir leur heure de gloire contiennent les visiteurs dans la première partie de la salle. Derrière le zinc ce sont les commodités attendues avec une plonge, des bouteilles et des verres alignés sur des étagères, deux frigidaires domestiques et toute une foule de babioles et de publicité qui ne comptent plus depuis longtemps leurs années d’existence.

Le mobilier est dans le jus de l’établissement, avec des chaises dépareillées, des tables en bois et des canapés râpés qui n’attendent que vous. La description pourrait s’arrêter là mais il y a beaucoup plus : une incroyable collection de cafetières, pots et moulins à café anciens qui envahissent les murs sombres de la pièce. On se sent ici comme chez une vielle tante, toute heureuse de vous accueillir dans sa grande cuisine. C’est unique, c’est chaud et l’on resterait ici des heures à bailler avec le chat.

Arrivée discrètement par une porte latérale, la propriétaire des lieux vous salue avec un large sourire et vous demande d’une voix douce de vous installer. Vous n’avez que l’embarras du choix, car les clients sont plutôt rares en hiver dans cette contrée.

Dédée est une femme généreuse, toujours pimpante, avec des lunettes qui la font paraître plus âgée qu’elle n’est en réalité. Sa sollicitude et sa bonté sont connues alentours. Jamais un commentaire désobligeant et toujours un intérêt en éveil pour tous les sujets…

Si vous voulez un café ou une planchette comtoise, il vous faudra attendre qu’elle revienne de chez elle après avoir préparé soigneusement votre commande.

Dédée fait corps avec son café, le café de sa mère « la Jeannine » qui a tenu le zinc pendant des années. C’est une filiation autant affective qu’économique.

Vous l’aurez compris j’aime passionnément ce lieu ! C’est l’exact contrepoint de tous ces rades sans âmes et insipides qui colonisent aujourd’hui les rues de nos villes.

C’est dans cette ambiance à nulle autre pareille que « le café blabla » a été fondé et se réunit le premier dimanche de chaque mois sous la houlette d’un modérateur débonnaire et plein d’humour. Il n’est pas rare de compter jusqu’à

cinquante personnes qui tentent patiemment de trouver une place pour écouter un orateur présenter un sujet et pour participer aux débats. Le début et la fin de chaque séance sont rituellement calées avec la volée des cloches du village.

« Débattre de sujets qui fâchent sans se fâcher » telle reste la devise de cette improbable réunion de famille qui se retrouvait joyeusement « chez Dédée » sans contraintes, ni obligations.

Oui se retrouvait, car c’était sans compter avec quelques pépins de santé de la propriétaire et les mesures de restriction qui furent décrétées au printemps pour combattre une redoutable épidémie. Avec l’interdiction des rassemblements et la fermeture des commerces, « Chez Dédée » devint subitement un lieu abandonné, et silencieux.

Depuis, la poussière du temps s’est lentement déposée sur les innombrables objets qui faisait le charme de ce café, laissant seulement la place aux souvenirs….

Sans le lieu d’accueil qui l’a vu naître, et la distanciation sociale imposée « Le café blabla » ne renaîtra peut-être jamais et il y a fort à parier que ce commerce ne réouvrira pas non plus tant ses conditions économiques d’existence étaient précaires.

Subsiste la nostalgie d’une époque et d’un lieu où un verre à la main on pouvait respirer la culture à pleins poumons, sans crainte ni arrière-pensées.

C’était comme ça chez Dédée !

La Carmen

Presque deux années après sa fermeture et contre toute attente le bar « chez Dédée » vient de rouvrir. La nouvelle propriétaire se prénomme Carmen, une femme aux formes généreuses avec de superbes yeux pervenche. Elle a fait faire quelques travaux pour rafraîchir le lieu et changé une partie du mobilier. Ce n’est pas comme avant mais c’est quand même sympa. Carmen confie avoir repris le café pour se reposer et pour tourner la page d’une liaison qui s’est mal terminée (le mâle s’est tiré avec la caisse dit-elle !).

La recherche de bénéfices ne semble pas être sa préoccupation première en témoigne sa façon de vous accueillir au bar. D’emblée quand vous commandez elle rajoute d’autorité un verre, le sien. Comme cela si vous êtes deux, chacun paiera une tournée de trois verres, la dernière étant pour elle. Quelquefois en fin de journée elle à l’élocution un peu grave mais elle reste droite comme un jeune baliveau. Une sacrée santé ! Un soir je l’ai entendu dire : je vous laisse éteindre, moi je vais me coucher…

Avec quelques copains à cheveux blancs, nous nous sommes réinventés un

« café blabla » avec Carmen. Je dis bien « avec » car sitôt arrivés elle s’installe à table avec nous et intervient dans les débats laissant les autres clients se servir derrière le bar. Au début nous étions un peu surpris, mais maintenant c’est plutôt rodé. En fait sans le vouloir expressément elle a trouvé un rôle de « madame bon sens » qui nous oblige tous les quatre à développer nos arguments. Ce qui est sûr c’est qu’on picole nettement plus qu’avant, ce qui, d’une certaine façon libère la parole mais nous fait oublier l’heure !

Il n’y a pas si longtemps nous nous sommes retrouvés comme convenu avec mes potes vers 10h devant « chez Carmen » et surprise le café n’était pas ouvert… Après avoir tapé aux carreaux, une fenêtre s’est ouverte et Carmen s’est penchée au dehors encore toute ébouriffée. Nous reconnaissant elle s’est écriée « que vous êtes beaux mes pt’iots, j’arrive ! ». On s’est regardés et nous avons éclaté de rire à la vue de nos cheveux blancs et de nos gueules un peu fanées. Dix minutes plus tard elle ouvrait son rade avec un grand sourire et en guise d’excuse elle nous a dit « je fais de ces nuits en ce moment et je ne sais pas pourquoi ? ». Nous on savait, pas besoin de l’envoyer en consultation !

Une fois installés et une tasse de café qui sentait bon devant nous, la voilà qui s’installe en bout de table et qui demande : de quoi on cause aujourd’hui ? Nous les sujets ça nous vient comme ça, on ne prépare rien, c’est l’humeur du moment qui s’impose. J’improvise un « culture, on pourrait parler culture car avec les conséquences désastreuses du confinement c’est un domaine qui ressemble à un vrai champ de bataille et c’est une galère pour beaucoup de gens ».

« C’est parfait dit-elle, moi je soutiens tous ces gens qui triment à longueur de journée pour nourrir la planète. Vous trouvez ça normal que la plupart d’entre

eux n’arrive même pas à en vivre. Mais à vrai dire ils sont mal conseillés, et puis ils font trop de choses. Ils se dispersent. Comment voulez-vous y arriver dans ces conditions ? »

A n’en pas douter ça commençait très fort ce matin-là ! L’un d’entre nous lui a fait remarquer qu’elle se trompait de sujet et que si l’agriculture était un sujet honorable, c’était de culture dont il s’agissait ce matin. Elle nous a regardé comme si nous étions tombés d’un arbre et elle nous a dit de manière définitive

« de toute façon c’est la même chose ! ». Puis elle s’est levée et elle est allée derrière le bar. Elle en est revenue avec une bouteille au contenu jaune pâle et nous a dit : « tenez mes pt’iots dites-moi si s’en est pas de la culture ça. C’est cuisiné dans la famille et ça remet les idées en ordre ». Aussi surprenant que cela paraisse, de tournée de niaule en compliments sur la qualité du breuvage, le débat a naturellement bifurqué sur l’importance culturelle de la distillation domestique dans un monde qui se banalise.

La culture fait parfois de ces écarts… et c’est comme ça chez Carmen !

Du pétard au bar…

Depuis un mois, Carmen s’est enfin décidée à proposer de petites collations, sandwichs, quiches, pizzas… ça ne vole pas très haut mais ça permet au moins d’éponger partiellement le liquide. Finalement elle est très contente de jouer les mères nourricières ce qui lui permet quelques envolées du type « alors, elle n’est pas bonne ma pizza ? ». Réponse en cœur « oh oui Carmen ! » suivi d’un « allez, je vous en décongèle une autre ! ». Nature la Carmen !

Cet hiver nous étions trois amis attablés à discuter et à grignoter une bricole pour pousser nos verres quand surgit un type sorti de nulle part qui nous prend à témoin et nous demande brutalement « elle est où ? ». Vu la tête du type ça sentait le règlement de comptes… et nous de répondre « ben on ne sait pas ! ». Le voilà qui fait le tour de la salle et qui ouvre la porte de l’appartement privé en hurlant qu’il allait faire un malheur si elle ne montrait pas. Nous l’avons entendu renverser différentes choses puis il est ressorti. « Ah c’est comme ça, elle se planque, je reviens et cette fois-ci ça va chauffer ! ». Nous ne savions pas quelle attitude adopter : partir, appeler les flics… C’est à ce moment-là que la tête de Carmen est apparue timidement derrière le zinc. Elle nous a demandé d’une petite voix « allez voir dehors s’il est parti ? »

Je me suis dévoué, suis sorti et j’ai regardé un peu partout : rien de suspect ! A peine rentré, le type surgit derrière moi en hurlant avec un pistolet dans une main. Stupeur générale, et le sentiment qu’il y allait avoir un drame. Le type s’avance vers le zinc et dit à Carmen « Ah tu fais moins la maligne maintenant ! » en lui promenant son pétard sous le nez. Pendant que mes deux amis essaient de le raisonner à distance, je téléphone aux flics qui me disent être sur place en moins de dix minutes.

Le ton monte encore d’un cran et d’un seul coup Carmen balance une gifle magistrale au type par-dessus le zinc. Le gars recule brutalement et en perd son pistolet. Irruption au même moment des flics qui voyant l’arme par terre dégainent craignant pour leur sécurité. Tout le monde se retrouve les bras en l’air dans une confusion générale.

Après pas mal de palabres, un flic ramasse l’arme et dit « putain c’est un revolver en plastique ! ». Du coup ça tourne au vaudeville et tout le monde se détend un peu ! Les flics décident d’embarquer Carmen et le type au poste pour rédiger le PV de l’échauffourée et nous demandent de partir.

En sortant le dernier flic me dit (authentique !) « moi qui ait choisit ce boulot pour être tranquille, ça devient pire qu’à la maison ! ».

C’est quelquefois comme ça chez Carmen !

Souvenirs de zinc

Installé au bar, j’observe Carmen qui s’active les mains dans l’eau de la plonge. Depuis les derniers évènements elle a la parole plutôt rare.

Pour mettre un peu d’ambiance j’amorce un début de conversation :

-Ce n’est pas trop dur comme métier ?

Sans lever la tête, elle hausse les épaules et répond :

-Je ne suis pas la seule femme à tenir un café, et puis je ne sais pas faire autre chose, je ne me pose donc pas la question !

Puis après un court silence :

-Tu penses que ce n’est pas un métier pour une femme ?

-C’est affaire de choix, mais a priori je dirais qu’il n’y a pas de métier qu’une femme ne puisse faire. Reste la pénibilité des tâches…

-D’après toi une femme est moins résistante qu’un homme ?

-Non je ne dis pas ça, d’ailleurs les statistiques démontrent plutôt le contraire. N’empêche, que toutes les femmes que j’ai connu qui tenaient un café à la campagne avaient de fortes personnalités !

Carmen éclate de rire :

-Tu trouves que j’ai de la personnalité ?

-Y’en a au moins un qui a dû s’en rendre compte ! et là c’est moi qui me marre…

L’ambiance s’étant détendue, le temps des confidences peut maintenant aller son train.

Je poursuis :

-Finalement pour certaines femmes ce genre de commerce, c’est aussi une sorte de refuge. On reconstitue ainsi une famille d’habitués dans laquelle la patronne joue un peu (beaucoup) le rôle d’une mère. D’ailleurs dans le haut Jura on les appelle des « mèèères ». Pas que dans le Jura d’ailleurs, dans la région lyonnaise, en Bresse… Quelquefois ça a donné des lieux renommés comme « chez la mère Blanc » à Vonnas dans l’Ain.

-Tu fais de la psychanalyse de patronne de bar toi maintenant ! Enfin, en y réfléchissant me dit-elle en me regardant par en-dessous.

-J’ai au moins une dizaine d’exemples !

-Ah dit-elle, peut-être que j’en connais… dis toujours !

-Quand j’étais étudiant j’ai connu « la D’nise » qui tenait un café dans le quartier Battant à Besançon. On démarrait souvent nos soirées chez elle et quelque fois on faisait aussi la fermeture. Elle avait « un cœur gros comme ça ». Quand il fallait régler et qu’elle voyait que t’étais un peu juste, elle disait « donne-moi ce que tu peux, ça ira comme ça ! » C’était un peu la cour des miracles mais il y avait une vraie ambiance… c’était au choix, verre de rouge ou verre de rouge et crois-moi c’était du raide dans le godet en pyrex !

-Tu ne voudrais pas qu’en plus je fasse l’assistante sociale ?

-Quoi que t’en dises tu écoutes les autres, tes clients te font confiance et ils te font des confidences. Je te crois même capable de leur donner des conseils…

-Moi des conseils, jamais de la vie, si tu crois que je suis un exemple !

-Tiens une autre figure que tu as peut-être connue, la Paulette à Lons ou un peu plus loin d’ici la mère Crolet à Saint-Claude qui nous accueillait comme ses enfants et nous faisait les tournées à un prix dérisoire. D’ailleurs certains en profitaient, il suffisait de dire que quelqu’un de ta famille avait été dans la résistance…Mais tout ça c’est d’un autre âge. Tiens d’ailleurs tu me donnes combien d’années ?

-Moi j’ai eu une vraie éducation et on m’a toujours appris qu’on ne répondait jamais à cette question. Tiens une autre figure que j’ai bien connu aussi, « la Séco » à Vouglans.

-La qui tu dis ?

-La Séco, c’était le diminutif de son surnom « la Sécotine ». Une femme assez sèche mais avenante et chaleureuse. Derrière son bar il y avait des photos jaunies qui étaient dans des cadres. J’étais comme fasciné par ce que je voyais…

-C’était quoi ?

-C’était des scènes de chasse en Indes avec des éléphants et des chasseurs habillés à l’anglaise qui posaient derrière des tigres énormes fraîchement abattus. Au milieu du groupe il y avait un maharadja en grande tenue et une jeune femme agenouillée avec un fusil.

-Et alors ?

-C’était notre tenancière de bar qui avait été mariée avec un colon et qui avait menée grande vie dans la période de l’entre-deux-guerres. Elle vivait avec ses souvenirs… et nous les faisaient partager.

-Arrêtes tu vas me faire chialer, qu’est-ce que tu bois ?

Ça fini toujours comme ça chez Carmen !

Assises chez Carmen

Je passe la porte du café, et à contrejour, je crois reconnaître une connaissance que je n’avais pas vue depuis un bail. En m’approchant je salue la maisonnée et je m’aperçois rapidement que ce n’est pas la personne à qui je pensais. Emporté par l’enthousiasme de la retrouver, je m’excuse auprès de cette personne pour cette méprise. C’est un grand type, le cheveu rare, des lunettes teintées qui lui mangent le visage et qui bredouille un « ça n’a pas d’importance ! »

De derrière son bar la Carmen dit : « Tu ne connais pas mon beau-frère, le mari de ma soeur ? Tu sais celui qui me fournit la niaule que tu bois gratis ! »

Je me dis que comme entrée en scène c’est plutôt un bide (il faut toujours soigner son entrée dans un café, ça vous pose !) et je me fends d’un pauvre : « ah bon ? ».

Le type semblait abattu, les épaules basses, le nez dans son verre… Carmen enchaîne :

-Tu sais quoi, il revient des assises !

-Des assises de quoi, je demande ?

-Ben du tribunal tient, des assises de quoi !

Ça sentait fort le déballage et si j’ai quelque chose en horreur c’est bien de ça, surtout en public. J’interroge la Carmen des yeux et elle me répond à voix haute :

-Non, tu rigoles dans la famille tout le monde est réglo, il était Juré au tribunal d’assises et il en est tout retourné.

Puis en se tournant vers le type, elle lui demande :

-Vas-y raconte-lui !

Je ne savais plus quelle contenance prendre et à coup sûr je n’étais pas venu ici pour me prendre une dose de pathos… Erreur la suite me fascina !

D’un geste le type m’invita à m’assoir en face de lui et Carmen amena trois jaunes et pris place également.

Il susurra d’une voix blanche :

-Jamais je n’ai vécu pareille situation et j’avoue ne plus très bien savoir ce qu’il faut en penser

-Explique, lui dit Carmen

-Ben comme je te l’ai déjà dit j’ai été tiré au sort comme juré et je me disais que ce serait une expérience passionnante. Je ne pensais pas que ça tournerait à ce point au cas de conscience !

Puis d’une voix hésitante :

-C’est une histoire de règlement de comptes entre adolescents dont l’un est mort, il avait à peine quinze ans ! Jamais je n’aurais pu imaginer cela. J’en frémis encore quand je pense à mes enfants qui sont à quelque chose près du même âge.

Un silence… puis le verre au bord des lèvres :

-Deux familles amies, presque intimes, qui se reçoivent, les enfants qui partagent à l’occasion la même chambre… et subitement l’inexplicable : une sombre histoire de mobylette endommagée et l’un des ados qui poignarde son meilleur ami en plein cœur avec un couteau de cuisine devant l’entrée du collège !

Avec Carmen nous retenons notre souffle, puis il poursuit :

-Toute la scène est décrite presque rejouée dans la salle d’audience. Les pièces à conviction sont mises sous notre nez : le couteau, le survêtement ensanglanté… j’en avait la nausée.

Après un silence je me risque à demander :

-Et l’accusé il était là ?

-Oh oui il était là, lui et toute sa famille mais aussi la famille qui avait perdu le jeune. Tous au premier rang et avec pour toute séparation l’allée centrale. Oui ils étaient tous là sans se regarder mais tous affichaient un immense chagrin. Enfin quand je dis qu’ils étaient tous là, nous avons appris que la famille du jeune disparu avait été durement éprouvée, avec la perte accidentelle de deux autres membres du clan familial.

Je demande :

-Et le jeune accusé … ?

-Calme, triste, sans un mot, comme dépassé par la théâtralité de cette affaire. Le pire c’est qu’on a tout de suite vu que c’était un gars bien. Un jeune jusque- là sans histoire, entouré par sa famille…Mais il y a eu des provocations, la peur de perdre la face devant les copains… Une embrouille qui a conduit au geste irréparable et impardonnable car prémédité d’une certaine manière.

Un lourd silence s’installe, puis il reprend :

-Et puis il y a la sœur de l’accusé, une jeune femme vêtue de noir qui ressemble à une madone antique, belle comme la nuit… Lorsqu’il y a des pauses d’audience, elle vient vers son frère, lui passe une main sur la joue, se penche en avant et l’embrasse en l’enserrant dans ses bras. Et ils pleurent ensemble les larmes de ce drame insensé.

Après un temps Carmen dit :

-Il a pris combien ?

-Presque rien… autant dire l’éternité répond son beau-frère.

C’est aussi ça chez Carmen !

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