Blocage et occupation de commerces contre les excès du « Black Friday »

Les militants d’ANV COP21 et d’Extinction Rebellion ont organisé une action massive de désobéissance civile à Besançon. Ils déclarent « l’état d’urgence climatique et sociale », et entendent « dénoncer une société de surproduction dont le “Black Friday” est le symbole ». À près de 200 personnes, ils sont parvenus à bloquer pendant près de 3 heures, non sans de vives tensions, les entrées du Géant casino à Chateaufarine et à mener ensuite une action beaucoup plus festive l’après-midi aux Passages Pasteur en centre-ville.

banderolegeant

Action réussie pour ANV 21 COP et Extinction Rebellion, qui ont organisé « la plus grande opération de désobéissance civile dans la boucle depuis les LIP », se félicitent-ils. En effet, la mobilisation était très impressionnante. Plus de 200 personnes se sont retrouvées samedi matin sur un parking pour mettre en œuvre le plan que certains concoctaient en secret depuis plus d’un mois : le blocage complet du Géant casino de la zone commerciale de Chateaufarine, l’un des plus grands magasins de la ville.

« Si on arrive à bloquer là, on aura déjà gagné, on aura des images », lance celui qui récapitule le déroulé des opérations, devant un chevalet de conférence où un plan présente la « cible ». Les trois portes d’entrée, bien indiquées sur le papier, seront visées en même temps. « L’objectif est de rentrer 200 caddies, de les mettre en butée sur la largeur. Si les forces de l’ordre arrivent, ils devront pousser », explique-t-il à l’assemblée d’activistes.

C’est l’heure, les participants sont excités à l’idée de l’action qu’ils s’apprêtent à mener. Chacun est invité à regagner son « team leader », le responsable de chaque groupe. Chacun sait depuis la veille à quel groupe il est affecté et quel rôle il aura à jouer, mais très peu avaient une vue d’ensemble. Arrivés sur le parking, les activistes se mêlent à la foule venue faire ses courses en ce samedi de décembre et profiter des promotions du « Black Friday ».

Les premières minutes décisives

C’est justement ce que dénonce ANV 21 COP et Extinction Rebellion, cette « société de surproduction dont le “Black Friday” est le symbole » et qui entend alerter sur « les effets néfastes de cette stratégie promotionnelle d’écoulement des stocks, qui se fait au détriment des conditions de travail des employé. e. s et de la planète. » D’un coup, tout se met en branle. Ils savent que ce sont les premières minutes qui seront décisives et qui décideront du succès, ou non, de leur opération de blocage.

À 10 h, certains débarquent avec des rangées entières de caddies et foncent vers les portes. D’autres sont là dans le sas pour les réceptionner et les mettre en place. Certains commencent à discuter avec les personnes présentes pour leur expliquer leur démarche. En quelques minutes, l’entrée est complètement obstruée par les caddies, disposés en deux rangs parallèles dans le sas et qui forment maintenant une barrière très efficace. Entre les rangées de caddies, des militants veillent à ce que dispositif tienne.

Mais la bataille a été rude. Les clients qui ont fait le déplacement, parfois de loin, ne comprennent pas que l’on puisse leur interdire l’accès au magasin et s’énervent un peu. Certains accusant les militants de « diviser la population », d’avoir « des méthodes fascistes », qu’il vaudrait mieux « s’attaquer aux vrais centres de décisions », etc. Globalement, cela passe plutôt mal avec les consommateurs.

La situation est encore pire avec certains commerçants de la galerie qui se rendent très vite au contact des militants. Ils invoquent les milliers d’euros de loyer qu’ils paient par mois pour une place ici et leur demandent qui paiera pour le préjudice subi.

Les insultes et les menaces fusent

Les insultes et les menaces, de morts pour certaines, fusent. Certains tentent de dégager de toutes leurs forces les caddies. La situation est confuse, pendant que certains poussent, d’autres tirent. Des militants se font empoigner physiquement, mais ne répondent pas. Leur mot d’ordre est clair : non-violence dans toutes les circonstances. Il n’y a pas eu de blessés, mais nous n’en étions vraiment pas loin. Certains s’interrogent. « – Il y a des petits commerçants. – Oui, on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. » En tout cas, la stratégie fonctionne. Les barrages tiennent bon et les trois entrées sont bloquées.

Dehors, quelqu’un de la sécurité passe en courant et alerte ses collègues d’une « intrusion sur le toit ». L’une des équipes avait pour mission d’installer des banderoles en hauteur. Mission partiellement réussie. La sécurité est arrivée en même temps qu’eux et les a mis à terre avec une certaine virulence, balayette et placage sur la terrasse d’après le témoignage des militants qui ont effectué cette opération plutôt périlleuse. Plus tard, un groupe passe avec une immense banderole, d’au moins quatre mètres de haut et peut-être quinze de large, qui est installée sous la devanture. Son message : Ils ne sont Géant que si nous sommes à genoux ».

Après les fortes tensions du départ, la situation se stabilise. Plus personne ne tente de dégager les accès et les plus énervés sont partis. Il n’y avait sur place que quelques policiers municipaux qui n’ont rien pu faire. La police nationale est appelée en renfort et stationne au fond du parking. Avant 11 h 30, une annonce au micro ordonne aux clients d’évacuer le magasin et invite les commerçants à se mettre à l’abri. Tonnerre d’applaudissements parmi les militants qui ont remporté leur pari : stopper quelque temps la consommation et attirer l’attention des médias sur les raisons de leur combat non-violent.

Restée à l’écart, la police intervient peu de temps après. Un groupe se rend d’abord devant l’une des portes et reste à bonne distance. L’« assaut » se fera devant une autre porte, dans une ambiance relativement calme. Les policiers arrachent les banderoles et font sortir les militants qui s’asseyent devant eux en chantant des slogans. Ils finiront par partir d’eux-mêmes vers 12 h 30. Les policiers resteront seuls devant les portes un petit quart d’heure pour interdire l’accès avant que le centre commercial ne rouvre ses portes.

Une autre action l'après-midi

Tout le monde rejoint le point de rendez-vous du matin. « La seule chose négative, c’est que ce sera difficile de faire mieux que ce matin ! ». Car oui, ils n’ont pas fini leur journée de mobilisation. « Il n’y aura pas de blocage cet après-midi, on va plutôt jouer. On va aux Passages Pasteur », annonce celui qui fait le briefing, toujours avec le plan du magasin au centre-ville.

Une consigne est donnée aux militants, celle de faire passer le message au public qu’il s’agit d’une « action médiatique pour faire parler du problème. Ça passe mieux que de dire que c’est un blocage, il faut assumer que c’est pour faire parler ». Après les images de ce matin qui montrent le blocage réussi et les tensions qu’il a engendrées, l’objectif est cette fois « d’avoir des images de jeu ».

Une figure bien connue des Gilets jeunes lève la main. « – Les Gilets jaunes peuvent-ils venir ? – Oui, s’ils sont ok avec le protocole d’action et qu’ils ne nous font pas gauler ! ». La question doit surtout être pour la forme, certains d’entre eux étant déjà présents le matin. Beaucoup ont à l’esprit la nécessaire jonction des différentes forces pour véritablement peser. « Les choses pourront bouger quand on sera tous unis », pronostique un militant.

En attendant cette heure qui n’est pas encore vraiment venue, direction le centre-ville donc. Beaucoup sont rentrés, discrètement, à l’intérieur de la galerie. Au signal, c’est l’explosion. L’ambiance change et devient joyeuse, on chante, on danse, on joue avec une balle de foot en mousse, un filet est tendu et certains s’exercent au badminton, des parties de cartes s’organisent sur le sol, une chenille fait le tour de l’espace, les publicités lumineuses sont recouvertes de blanc de Meudon qui permet l’inscription de slogans et qui a l’avantage de pouvoir être nettoyé à l’eau, ce qui évite le qualificatif de dégradation.

Tout le monde finit par repartir en chantant, certains rejoindront « les blouses blanches » qui tractent place de la révolution pour alerter l’opinion sur la situation dans les hôpitaux. Les Gilets jaunes sont là, et des camions de CRS, au moins douze, arrivent en ville après que les actions de désobéissance civile sont terminées.

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