Les récriminations des usagers des bus sont fréquentes depuis la mise en service du tramway de Besançon il y a trois ans. La refonte du réseau, son insertion dans une circulation automobile croissante sur une voirie parfois restreinte et contrainte aux carrefours avec les lignes du tram en raison de la priorité aux rames, ont concouru à la perte de fiabilité des bus. A Velotte, quartier-village entre Doubs et collines de Chaudanne et Rosemont, l'annonce en avril dernier du changement d'itinéraire de la ligne 21 qui le relie au centre-ville (Chamars) a sonné l'alerte parmi les utilisateurs, confrontés à la même période à des horaires fantaisistes, voire à des bus ne passant pas, ou pire des bus ne s'arrêtant pas malgré le signe fait au conducteur.
L'ancien trajet du 21 rejoignait Chamars en passant par le pont De Gaulle, il passe désormais par la rue Plançon et le pont Canot après avoir traversé les rails en haut de l'avenue De Gaulle. Or, l'engorgement du secteur Canot a presque fait doubler la durée du voyage. « On est passé de 10 minutes à 15 ou 18 », explique Élodie Caritey, à l'origine d'une pétition qui a recueilli 159 signatures dans le quartier après une première rencontre en juin avec le vice-président de l'agglo aux transports, Michel Loyat.
« C'est pas vrai ! »
A Besançon Mobilité, la filiale du groupe Transdev, qui gère le réseau, on conteste : « Velotte-Chamars se fait en 13 minutes », assure Hélène Caire, responsable produit, c'est à dire « offre, itinéraire, fréquence et amplitude », devant une trentaine d'habitants réunis mardi 4 septembre à la maison de quartier. Un concert de « C'est pas vrai ! » et de rires indignés lui répond.
En fait, Transdev fait la moyenne de l'ensemble des trajets qui sont enregistrés à chaque arrêt et conclut de façon un peu hors sol : « les bus sont à l'heure en moyenne... Pour nous, un bus est à l'heure quand il passe entre une minute à l'avance et trois minutes en retard ». Murmures et hochements de têtes dans l'assemblée. « Moins 4 minutes, c'est scandaleux car on loupe des correspondances », dit Bernard, nouvel habitant du quartier, qui souhaite savoir quelle est la proportion de bus hors délai. « 90% ont un retard inférieur à 10 minutes, 80% inférieur à 5 minutes », répond Mme Caire. Michel Loyat doit compléter : « en septembre, moins de 80% des bus étaient à l'heure, dans la fourchette -1/+3, et plus de 20% n'étaient pas à l'heure ».
« Et combien ne passaient pas ? », demande Bernard. Pas de réponse globale, mais l'exemple du 23 septembre est donné par Véronique Lhomme, la présidente du conseil consultatif des habitants : « les bus de 17h et 17h19 n'étaient pas là, le suivant passé à 17h35 n'était pas à l'heure et est arrivé à 17h55. Résultat, séance de cinoche plombée ». La réponse de Transdev — « plusieurs courses n'ont pas été assurées ce jour-là à la suite de travaux » — a du mal à passer : « anticipez l'information sur les travaux, prévenez ! », dit Mme Lhomme.
« Posez-vous la question : pourquoi les gens ne prennent plus le bus ? »
Estelle Méléa, la directrice du marketing, défend l'entreprise en répondant à côté : « Mais on le fait, quand il y a une déviation, on donne l'information aux arrêts. Et le 21 septembre, l'incendie du centre-ville a dévié toutes les lignes... » Le public n'apprécie pas : « on ne parle pas de ça », dit un homme. « C'est exceptionnel », dit une femme. Michel Loyat se met du côté des usagers : « Faites savoir chaque retard significatif. Ou quand, comme à Casamène, l'arrêt a été oublié par les conducteurs trois fois au début de l'année. Le zéro problème n'existe pas, mais ce n'est pas pour autant qu'on doit dire que ça ne peut pas être autrement ».
Au premier rang, un homme synthétise les soucis : « Venez attendre le bus à l'arrêt Malherbe à l'heure et faites signe, il ne s'arrête pas ! Une minute d'avance, ce n'est pas normal : un bus avant l'heure n'est pas admissible, un peu de retard ne pose pas de problème. Faites-le vous, de remonter la rue Velotte sur un trottoir pourri au bras d'une vieille dame qui n'a pas eu son bus ! Les statistiques, c'est votre problème. Nous, on veut des bus à l'heure. Posez-vous la question : pourquoi les gens ne prennent plus le bus ? et vous résoudrez le problème ».
« On ne sait pas être plus rapide qu'une voiture »
Une dame en pull rose opine : « Un bus en avance, ça va quand il y en a toutes les cinq ou six minutes, pas quand ils sont prévus toutes les vingt minutes ». Elle s'adresse aux représentantes de Transdev : « Maintenant qu'allez-vous changer ? Car on a l'impression que vous vous justifiez ! » Bernard, qui résidait auparavant dans un quartier desservi par plusieurs lignes, suggère d'augmenter l'offre : « si elle était plus importante, les gens prendraient davantage le bus ». Réaction de l'élu : « qui financerait ? Cependant, nous ne sommes pas dans une spirale de baisse de l'offre, même si à Velotte, depuis 2013, on est passé de 225 voyages à 219... On souhaite une augmentation ».
Le monsieur synthétiseur s'énerve : « On vous dit que vos chiffres n'intéressent personne. Votre offre n'est pas adaptée ». La dame en pull rose en rajoute, calmement : « c'est plus long pour rejoindre le centre-ville ». La directrice du marketing l'admet : « je suis assez d'accord, mais les temps de parcours de 13 minutes sont-ils raisonnables ou scandaleux ? On ne sait pas être plus rapide qu'une voiture ».
Réponse du synthétiseur : « Ce n'est pas scandaleux, mais ce n'est pas fiable ». Une dame en gilet gris approuve : « Il y a 230 logements de plus et pas davantage de bus. Si l'offre était pus large, les gens le prendraient plus, mais votre offre n'est pas fiable ».
« Il n'y a jamais eu autant d'abonnés sur le réseau »
Ce manque de fiabilité, Transdev le reconnaît : « On manque de personnel. Sur notre objectif de recruter dix conducteurs, cinq roulent déjà, et cinq autres, qui n'ont pas encore le permis, sont en formation, ce n'est pas facile de trouver des gens avec le transport en commun. Ils seront prêts en janvier ». Quant au comportement de certains conducteurs, l'entreprise évoque l'accompagnement, depuis janvier, par des équipes dédiées, de ceux qui sont « plus ou moins bruts dans leur conduite, ils ne transportent pas du bétail ».
Dans la salle, une dame avoue ne prendre le bus que deux fois par an et dit son scepticisme : « je ne suis pas convaincue par vos arguments. Ils ne sont pas crédibles si on a des rendez-vous impératifs ». Sa voisine regrette qu'il faille « une heure pour aller à Palente ». Une autre souligne qu'avec les correspondances il faut « plus d'une heure pour aller à la polyclinique » et conclut : « c'était mieux dans le temps... »
Michel Loyat estime prioritaire cette question de fiabilité : « il faut l'améliorer, mais faites remonter les problèmes précis, sinon on ne peut pas les traiter ». Il a « entendu les demandes » d'amélioration de la desserte de Port Douvot que six bus sur 42 rallient aux heures de pointe. Mais d'autres aspects nécessitent un complément d'examen. Il est ainsi, selon lui, « trop tôt pour faire le bilan de l'itinéraire ». Il répond aussi à une question sur la difficulté de franchissement des carrefours avec la ligne de tramway : « on fait des études pour voir comment améliorer ça avec des équipements sur les bus... » S'il savait en venant à cette réunion qu'il n'allait « pas entendre que des compliments », il tente de positiver avec, encore une fois, quelques chiffres : « je ne dis pas que tout le monde est satisfait, mais on a 33.000 abonnés, il n'y en a jamais eu autant, et la fréquentation a augmenté de 7% par rapport à avant les travaux du tram ».
Ancien adjoint aux transports et habitant du quartier, Jean-Claude Roy nous confie à la fin de la réunion qu'il s'interroge sur le climat social de l'entreprise au vu de la longue grève perlée du printemps. Un mouvement qui a selon lui largement amplifié les problèmes du réseau.