Besançon : les premières récoltes de la ZAC des Vaîtes

La « zone à cultiver » installée avant l'été par des militants de Nuit Debout sur la « zone d'aménagement concerté » des Vaites porte ses premiers fruits. Le jardin a un peu de retard, mais des liens ont commencé à se tisser avec les autres utilisateurs du site promis à un « écoquartier » sur dix ans...

Besançon : les premières récoltes de la ZAC des Vaîtes

Les tomates sont encore vertes et les courgettes sont toujours en fleurs. Quelques tournesols trônent au milieu des parcelles à peine délimitées où poussent aussi des côtes de bette et des concombres, des courges et des choux, du maïs, de l'oseille, du thym, de la sauge... Étudiant en mastère d'espagnol, Lucien nous fait visiter ce qui était encore une zone indéfinissable au printemps le long de la rue de Charigney, là où elle n'est construite que d'un côté.

Indéfinissable parce que partiellement retournée par des engins, par endroits légèrement boisée, dans la partie basse occupée par des jardins qu'alimente en eau une petite source. Il y a quelques jours, Lucien et ses amis y ont retrouvé un scooter ! La cohabitation avec les anciens usagers de la partie délaissée de la zone s'expérimente à tâtons... Quasi immédiate avec les jardiniers, ravis de l'apport initial de fumier, elle reste à construire avec les riverains. C'est par le biais des enfants qu'elle a commencé.

Rachel soigne des tomates pas très mûres...

Romainprénom modifié, 12 ans, fan de jardinage, montre fièrement ses deux lopins d'un mètre carré : « j'ai planté des haricots et mis de la consoude pour qu'ils poussent mieux, une courgette que j'ai trouvée dans un compost au bas de chez moi. »

Comment est-il arrivé sur la ZAC, la zone à construire décrétée par l'assemblée de Nuit Debout avant les vacances pour détourner la ZAC, zone d'aménagement concerté ? En voisin, il connaissait déjà les lieux, avait un coin cultivé dans le potager des parents : « Je suis venu à leur marché aux plantes gratuit... »

Lucien, debout : « Les gamins ont vu qu'on faisait des choses et sont venus. Ils en ont parlé à leurs parents qui sont venus à notre rencontre... » 

A entendre Lucien, un autre enfant du quartier a planté des oignons. « Les gamins ont vu qu'on faisait des choses et sont venus. Ils en ont parlé à leurs parents qui sont venus à notre rencontre... » Ces relations naissantes encore timides sont le fruit d'une intention : « On se disait à Nuit Debout qu'on voulait aller vers les quartiers, on voulait un projet où tout le monde rentre. On commence à rencontrer des gens, des familles, des personnes âgées et même des sans-abri », explique Quentin, étudiant en lettres modernes et salarié pour payer ses études.

Une ZAC à caractère précaire

Cela ne va pas toujours de soi avec les grands ados du secteur : « ils nous voient travailler, aimeraient sans doute être dans le projet, mais ne s'y prennent pas toujours bien pour communiquer ». Du coup, les défricheurs pensent tenir une réunion publique en septembre pour partager plus posément avec les habitants.

Bien sûr, il sera sans doute question du caractère précaire de la ZAC. Elle est située en plein périmètre du projet municipal d'écoquartier des Vaîtes. Mais comme celui-ci doit se construire sur une dizaine d'années, il y a de la marge pour expérimenter. « Il y a une tradition de jardinage et de maraîchage aux Vaîtes. Ailleurs dans la ville, ce serait différent. On n'a pas défriché un lieu vide, il y a des jardins depuis 30 ans. En venant ici, en nombre, pour un projet collectif, on montre aussi que l'on est sur un poumon vert de la la ville », explique Quentin.

Quentin : « On n'a pas défriché un lieu vide, il y a des jardins depuis 30 ans. »

Il faut aussi écho à la situation du logement, aux analyses - controversées - selon lesquelles la vacance est importante : « Ce serait dommage de gaspiller ce poumon pour construire des logements neufs alors qu'il y en a tant de vides. Ce qu'on comprend du projet, c'est qu'il y a un besoin de l'économie. Même Jean-Louis Fousseret dit qu'il faut construire pour faire travailler le BTP. Mais Besançon ne manque pas de logements vacants... Nous proposons aussi une autre façon de réfléchir sur le système social et le développement urbain. Un écoquartier, c'est pour dédensifier la ville, or Besançon est une ville peu dense, qui respire... »

« Les zones franches sont des lieux de créativité
qui vient rarement des institutions »

Pense-t-il que des tensions pourraient survenir quand le chantier démarrera ? « C'est possible, c'est pour ça qu'on projet une réunion avec les riverains. On a déjà beaucoup échangé avec les jardiniers, un rapport s'établit avec quelques familles. Besançon n'est paas une ville à la démographie rapide, ses espaces verts ne sont pas trop ravagés. Il faut réfléchir à son développement avec la nature. Les Vaîtes pourraient être développées par un collectif de citoyens, autogérées, avec l'appui de la ville. Aujourd'hui, c'est un refuge contre les grosses chaleurs, pour les animaux. C'est différents d'autres villes où des parcs sont fermés à 22 heures... On sait bien qu'on n'a pas le droit d'être là, mais cela ne nous a pas été signifié, on a même rencontré des employés municipaux... C'est important qu'il y ait une telle zone franche, on sait bien qu'elles ne durent pas, qu'elles se déplacent. Ce sont des lieux de créativité qui vient rarement des institutions : ce n'est pas en leur pouvoir de décider la convivialité... »

Logiquement, il y aura un toit ce week-end... et des cloisons plus étanches.

Ce week-end, Quentin et Lucien, mais aussi Rachel et Lina, Marc et Victor, et bien d'autres, ont prévu de coiffer la fragile cabane en bois réalisée ces dernières semaines, d'un toit. Ce ne sera pas du luxe pour s'abriter si le temps se rafraichit. dans leurs projets d'aménagements, ils pensent installer des toilettes sèches. La récolte, pour l'heure, peut encore attendre un peu. En fait, comme la terre a été retournée et n'est pas de grande qualité horticole, ils tablent sur l'année prochaine en songeant qu'à Dijon, la Lentillère a six ans...  

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