Besançon : la vigne municipale symbole d’une mutation de longue haleine

Vendangés vendredi, les raisins des trente ares de la vigne de Port-Douvot, plantée en 2010, vont être transformés à Sainte-Agnès (Jura) en crémant bio pour les réceptions municipales. Chardonnay, pinot et trousseau se portent bien et la récolte est bonne. De quoi se projeter sur la reconquête en cours des capacités agronomiques de la ville dans le cadre d'une transition écologique déjà entamée...

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« On peut faire 2500 bouteilles... » Géraud Fromont tente d'estimer la récolte de la vendange de la vigne municipale bisontine plantée en 2010 à Port Douvot. A peine une heure plus tard, cinq conteneurs de 300 à 400 kg de raisin emplissent son fourgon. Il décide de faire un premier voyage à Sainte-Agnès, dans le Sud-Revermont où il exploite une douzaine d'hectares en bio, répartis aussi sur Gevingey, Cesansey et Vincelles. Les vendangeurs, en insertion au centre Pierre-Croppet et du service Espaces verts de la ville, continuent à couper les grappes et la vendange s'accumule dans les seaux en attendant le retour du vigneron.

La récolte de Port Douvot où les cépages chardonnay, pinot et trousseau sont plantés, doit pour l'essentiel être transformée en crémant. « C'est un sol argilo-calcaire, plus proche de la Bourgogne que du Jura, drainant », explique Géraud Fromont qui « aime bien mettre du trousseau dans le crémant pour le côté agrume... » Après l'élevage et la mise en bouteille, le vin rejoindra la cave municipale puis sera servi aux invités de la Ville. « On n'achète pas de champagne », commente Jean-Louis Fousseret venu goûter quelques grains avec les adjoints Nicolas Bodin et Anne Vignot.

Si le vigneron jurassien, natif de Besançon, ne vient que trois ou quatre fois par an, le quotidien de la vigne est supervisé par Richard Saulnier. Travaillant au service des Espaces verts à l'entretien des parcs sportifs de la Malcombe et de Rosemont, c'est un passionné de viticulture, lui-même propriétaire de deux petits vignes, un de dix ares à Vuillafans et une de sept ares à Fourgs. « Je travaille la vigne, m'occupe de vinification. J'ai appris beaucoup au contact du vigneron. Le centre Pierre-Croppet s'occupe du travail du sol, je fais la taille », explique-t-il.

« Au printemps, on a quasiment traité entre les gouttes... »

Très vite intéressé au projet, il anime une équipe de quatre employés des Espaces verts parmi lesquels il y a un autre vigneron amateur. La Ville lui payé une formation au CFPPA de Baune et il essaie de transmettre ce qu'il a appris à ses collègues. « Le but est d'assurer la pérennité des ceps... Si je suis en raisonné chez moi, là, je suis en vrai bio, avec uniquement des traitements avec des produits de contact : cuivre pour mildiou, souffre pour l'oïdium. Je regarde tous les jours ou presque, selon la météo. Je viens au moins deux fois par semaine... »

Il montre le pluviomètre planté le long des pieds de vigne : « c'est notre guide... Cette année, ça a été difficile avec un printemps très pluvieux. On traitait quasiment entre les gouttes. Puis le beau temps est venu qui a tout arrangé... On a un bon terrain, un climat proche du Jura. On peut imaginer davantage de parcelles, mais pour l'heure, le facteur limitant reste encore le gel... »

Des professionnels pourraient-ils s'installer à terme, rappelant que Besançon a eu jusqu'à 700 hectares de vignobles ? La question ne surprend pas Anne Vignot, adjointe à l'Environnement. « D'autres vignes, oui, mais aussi des vergers... Et pas seulement des professionnels, mais des compléments d'activité, avec des moments d'échanges et du travail collectif... » Elle estime que cette vigne de Port Douvot est une « belle opération, représentative du fait qu'on pourrait travailler les paysages autrement, avec un autre type de biodiversité ».

Ce n'est pas sur les versants des collines qu'on implantera des maraîchages, plutôt dans les rares plaines alluviales qui restent. Car on en a abandonné à l'urbanisation dans les dernières décennies, comme à Velotte. « Il aurait fallu avoir une carte agronomique dans les années 1980, mais à l'époque on comptait sur l'import-export en agriculture... » Cette carte a été demandée par la collectivité et elle est « en train de se faire ». Serait-elle de nature à modifier ultérieurement les documents d'urbanisme et d'occupation des sols tels que PLU ou SCOT ? « Oui, c'est une vraie question... D'autant que l'université a déjà fait pas mal de cartes pédologiques : on a la connaissance des lieux, il faut maintenant aller vérifier plus finement... »

La mutation du service Espaces verts de l'horticulture à l'écologie

On comprend mieux quand, abordant des questions sous l'angle politique, elle emploie le terme de « trajectoire ». On peut en effet replacer la vigne de Port Douvot dans un continuum où elle n'est pas toute seule. Il a en effet fallu débroussailler pour la planter sur des parcelles où il y avait encore de la vigne, parfois redevenue sauvage, mêlée à des ligneux et des buissons. Ce débroussaillage s'est fait après un lent travail de reconquête des vieux sentiers de défruite, toujours cadastrés, aujourd'hui balisés. Les chèvres de Philippe Moustache ont contribué à l'affaire, mais aussi le service Espaces verts, l'association des terrasses des collines bisontines, l'association pour le renouveau de la vigne que préside Gérard Tattu qui a soufflé l'idée de replanter à Jean-Louis Fousseret...

Moyennant quoi, le service Espaces verts a opéré une mutation : « On ne fait plus seulement des massifs flamboyants, mais de la gestion d'espaces vivant en équilibre », explique Johnny Magnenet, cadre du service. « Les jardiniers de formation horticole qui créaient des décors végétaux deviennent des gestionnaires de cultures en ville, travaillent la relation de l'homme à la nature. Il s'agit de créer des espaces accueillants pour se promener, aux citoyens d'être citoyens... »

Illustration de cette évolution : le nouveau directeur du service, Samuel Lelièvre, venu des Espaces naturels sensibles du département du Nord, est écologue de formation. Sa mission : tenter de prendre en compte la dimension écologiste dans l'aménagement du territoire...

 

 

 

 

 

 

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