Installée à Montfaucon sur le plateau surplombant Besançon, Aurore Mariotte se fait fort d'entretenir un savoir quasi-abandonné. « Un savoir et pas une croyance comme on le dit souvent maintenant. Il y a encore quelques jours j'ai dû ré-expliquer que les plantes sont au fondement même de la médecine allopathique (conventionnelle) ».
Qu'est-ce qui vous a conduit à votre activité actuelle ?
Après des études de journalisme à Montpellier et Paris, j'ai travaillé pour des ONG au Cambodge. Je réalisais des documents de communication pour ces organismes et des reportages que je proposais à des médias français. Originaire de Champagnole, je suis revenue en Franche-Comté, à Besançon pour travailler dans la presse écrite puis j'ai découvert la montagne en Suisse, les alpages.
A Champagnole n'étiez-vous pas familière de la montagne ?
Avec mes parents nous faisions de la randonnée. Dans les alpages suisses j'ai découvert l'économie et la culture agricoles. Avec une amie, Isabelle, nous sommes devenues fromagères. Et dans le Valais suisse nous avons découvert la connaissance fine que les habitants ont des soins par les plantes, l'huile de millepertuis pour soulager de la sècheresse le pis des vaches ou les onguents pour les crevasses aux mains des fromagers. Alentour nous avions aussi quantité d'arnica. Cette connaissance est pratique, nécessaire, possible grâce à l'importante diversité de plantes. Elle fait l'objet d'une transmission rigoureuse.
C'est l'origine de votre activité ?
Oui, de retour en France, nous avons continué à apprendre. J'ai fait une formation au Centre de formation professionnelle pour adultes en plantes aromatiques et médicinales à Montmorot. A l'automne 2008, nous avons lancé notre activité.
Comment ?
Dans le quartier de Velotte d'abord où nous disposions à Port-Douvot de 10 ares et en cultivions 2. Nos amis, nos familles nous ont permis de nous installer, grâce à de la récup pour une partie du matériel, à un ami graphiste pour notre publicité. Nous avons écoulé avec succès notre première production grâce aux réseaux de nos proches. Cela a duré une saison puis, habitant à Fontain, nous avons fait la connaissance de Pierre Contoz le maire de Montfaucon. Il était à la recherche de nouveaux agriculteurs pour sa commune qui n'en avait plus. Il nous a proposé 20 ares, nous a aidées à labourer et est toujours présent pour donner un coup de main (lire encadré).
Pierre Contoz est maire de Montfaucon et vice-président du Grand Besançon. Il défend « une urbanisation qui ne gaspille pas les espaces agricoles » et a déjà permis l'installation de Fibule et d'autres agriculteurs péri-urbains : un producteur de petits fruits (sur le départ pour étendre son activité) et deux personnes aux Ecuries du mont (pension pour chevaux). Une jeune agricultrice termine sa formation et s'installera en 2014 avec un troupeau d'une cinquantaine de chèvres laitières. Pierre Contoz revendique la « préoccupation paysagère » de sa localité : « chaque commune doit apporter ce qu'elle a, ici l'accueil d'activités de pleine nature est le point fort, seule l'agriculture permet l'entretien d'un paysage dynamique et évite la déshérence ». La commune a entrepris de réviser son plan local d'urbanisme de manière à ne plus étendre mais à densifier sa surface constructible. Tous les terrains mis en vente sont rachetés par la collectivité. D'autres projets sont attendus. Le maire se félicite également des créations d'emplois « même si cela fait un peu boy-scout et seulement quatre ou cinq emplois cela reste modeste, si les 30.000 communes du pays en faisaient autant… »
Vous avez inauguré vos serres à Montfaucon l'année dernière...
En avril 2012. Puis Isabelle a repris son activité de fromagère à l'automne, je suis désormais seule sur l'exploitation en face de l'école. Je vais davantage me consacrer à la production de légumes bio et à un jardin pédagogique avec les enfants. Pour les légumes j'ai le label Agriculture Biologique ce qui me permet de les vendre dans les salons, le réseau biocoop et au mois de juin sur le nouveau marché bio de la place du Jura. Avec les scolaires nous ferons des sorties botaniques en milieu sauvage et des activités au Jardin au naturel (permaculture) dans lequel il faut organiser un équilibre, une harmonie entre les animaux, les plantes et l'homme. Par exemple, mettre en place un hôtel à insectes qui lutteront contre les parasites, préparer des purins qui stimulent les défenses immunitaires des plantes, des décoctions et infusions préventives ou curatives pour maladies et ravageurs, associer les cultures qui sont bénéfiques l'une à l'autre comme le basilic et la tomate, le poivron et la fraise, cultiver les plantes les mieux adaptées au milieu dans lequel nous vivons.