Assèchement du Doubs : un début de bétonnage de faille, prélude à des mesures inadaptées ?

Le collectif SOS Loue et Rivières comtoises s'interroge sur le bien fondé des travaux d'urgence effectué dans le lit à sec du Doubs dans le défilé d'Entreroche. Un regard de 90 centimètres, dont le fond est qui plus est obstrué, empêche l'alimentation de la faille... Quid également des relations entre eaux de surface et eaux souterraines ?

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Communiqué. Ces pertes du Doubs sont un phénomène karstique naturel irrémédiable mais accentué par des facteurs d’origine humaine notamment les étiages et l’érosion de la rivière. On entend de beaux discours, on s’inquiète pour l’eau potable et les rivières alors même que rien ou peu est fait pour améliorer une qualité de l’eau lamentable dans ce secteur où les étiages n’attendent vraiment pas les pertes pour être sévères. Il est vrai que les assecs ont la particularité d’attirer les caméras donc les politiques... Plus spécifiquement on ne connaît rien ou presque à ces « nouvelles » failles alors même que de vastes cavités souterraines aquatiques existent. L’eau, initialement à la surface, y circule plus ou moins rapidement pour ressortir rafraîchie dans le Doubs ou ailleurs par des sources potentiellement utiles pour les hommes et l’environnement. Rappelons que les niveaux d’eau à Morteau n’ont rien d’étonnant. (Le Collectif SOS Loue et Rivières Comtoises a fait un 1er point sur l’assec et les pertes du Doubs ici)

Mais causes de tous les maux et de toutes les angoisses, bouc émissaire bien pratique, il faut faire taire ces pertes ! Les premières dérives n’ont pas tardé, c’est peu dire ! Il y a 10 jours, des travaux, plutôt symboliques il est vrai, ont débuté après accord des autorités, alors qu’on en est au stade des supputations sur ces failles... Et les constats de terrain sont inquiétants : en plein lit de la rivière un des regard en béton posé récemment devait court-circuiter une faille mais seulement à l’étiage. La hauteur du regard, 90 cm tout de même !, laisse déjà supposer une alimentation de la faille plutôt en cas de bon coup d’eau... Et ce samedi, une fois le béton séché, on constate que tout le fond est bétonné et colmaté contrairement au projet initial..., rendant inopérant l’alimentation en eau de cette faille quelque soit le débit du Doubs. Les conséquences, limitées dans l’espace, n’ont rien de dramatique mais cela dénote un certain état d’esprit, l’absence de contrôle et les dérives possibles de travaux plus conséquents.

Une faille du Doubs à Maisons-du-Bois ?... Cherchez la bien, elle est au fond sous le béton! Ici on imperméabilise...

Un regard pas si bas et bien perché, à chacun sa notion de l’étiage !
Car on nous parle désormais de reméandrer, mot miracle du moment, cette zone au karst plus qu’affleurant. L’argent ne semble même plus être un souci, comme quoi...

Mais s’agit-il de redonner son cours naturel au Doubs ? Belle intention que l’on peut qu’encourager mais techniquement pas forcément évidente. De plus reméandrer dans une zone soumise aux étiages sévères et poreuse laisserait rapidement cette portion vulnérable aux assecs qu’on veut éviter... S’agit-il alors plutôt, après un effet de green washing et de communication, de nous faire un reméandrement « bien étanche », en somme planter des roseaux dans un canal qui tourne mais qui ne dit pas son nom? C’est une possibilité... Belle photo d’inauguration garantie. Mais au risque de poursuivre le réchauffement de l’eau et d’entretenir une guerre de l’eau débutante entre vallées. Car un projet mal ficelé ou trop étendu peut assécher des sources d’eau froide bien utiles au Doubs vers Morteau notamment et/ou condamner des pertes anciennes vers la Haute Loue dont les premiers kilomètres sont les derniers à tenter de résister bon an mal an malgré les pollutions. Combat que le Doubs à Entre-Roches a malheureusement perdu depuis bien longtemps...

Et pour quel but ? Permettre à un filet d’eau pollué de couler à Entre-Roches ? Se donner bonne conscience et l’illusion de sauver nos rivières? Fournir de l’eau au barrage du Chatelôt ? Répondre aux injonctions de quelques responsables bien placés ? Cela soulagera à peine les amateurs de cet endroit, mais à 20 millions d’euros c’est le moins qu’on puisse espérer...

Car si le but est de rendre de l’eau aux rivières et aux zones humides, il y a sans doute mieux à faire... Pour améliorer la qualité de l’eau il y aussi beaucoup à faire dans ce secteur. Et pour ce qui est de l’eau potable, ces failles ne sont pas un problème surtout si l’on sait diversifier nos captages et nos stockages. Ces failles pouvant même potentiellement alimenter des réserves d’eau dans le karst profond...

Le Collectif SOS LRC n’est opposé à rien dans l’immédiat mais s’inquiète des incertitudes potentielles liées à des aménagements précipités. Le Collectif SOS LRC demande qu’un bilan précis des circulations souterraines soit fait pour savoir où et à quelle vitesse ressort cette eau. Car schématiquement une rivière souterraine « rapide » ressortant en aval dans le Doubs n’implique pas forcément les mêmes réponses que l’alimentation de grandes « cavités vauclusiennes » de dynamique lente par exemple.

C’est un préalable indispensable qui permettra de réfléchir concrètement pour les rivières et l’alimentation en eau potable.
Dans le cas présent des solutions précipitées et coûteuses pourraient aboutir au gaspillage de fonds publics en n’améliorant pas ou très peu un Doubs agonique et déjà plus qu’amoindri avant les pertes. Cela ne sécuriserait en rien l’approvisionnement en eau potable de tout ce secteur qui est loin de se limiter au Défilé d’Entre-Roches. Prenons un petit peu le temps de réfléchir globalement à ce secteur.

Espérons en tout cas que cet épisode aide à une prise de conscience citoyenne et à de réelles politiques publiques car un certain nombre de facteurs favorisant ces assecs ne sont pas des fatalités.

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