Sur le terrain, toujours occupé physiquement par les opposants, les travaux sont arrêtés depuis mai 2019 après une décision de justice du tribunal administratif de Besançon en partie confirmée par le Conseil d’État. En attendant un jugement sur le fond, Anne Vignot, la maire EELV de Besançon, a confié à un groupe d’experts censé être indépendant la charge de rendre un avis début 2021 sur les conséquences globales du projet d’éco quartier des Vaîtes, contesté sur le plan environnemental. Cet avis sera ensuite soumis à une convention citoyenne, dont la maire a promis de suivre les orientations. Pourtant, tout semble pour l’instant continuer comme avant. Ou presque.
Le conseil municipal vient d’approuver le CRAC, le compte rendu annuel à la collectivité et le dernier bilan financier de l’opération de l’écoquartier des Vaîtes. Sur le papier, la ville poursuit sans ambiguïté son objectif d’aménager des terres jusque-là préservées de l’urbanisation au cœur de la ville. Ainsi, le document planifie toujours la construction aux Vaîtes d’environ 1150 logements qui seront proposés à des promoteurs privés, et pour 20 %, à des bailleurs sociaux. Il est aussi prévu un nouveau groupe scolaire, une crèche et une salle polyvalente de quartier.
Dans ce CRAC, la ville tient son argumentaire : « il s’agit notamment de répondre aux besoins des familles et / ou ménages avec enfants, pour leur permettre de s’installer et de profiter des aménités de la ville-centre, en bénéficiant d’un environnement urbain attractif et offrant des atouts importants (cadre de vie paysager, développement de nouveaux modes d’habiter, desserte du Tramway et mobilités douces favorisées, niveau élevé d’équipements publics et de services à l’enfance, etc.). »
Des millions perdus si le projet ne se fait pas
Pour atteindre cet objectif, Territoire 25, qui assure pour le compte de la ville de Besançon l’aménagement, la commercialisation et la réalisation de l’opération, continuera à acquérir en 2020 les quelques bouts de territoire dont elle n’est pas encore propriétaire sur la ZAC. On apprend aussi que les études paysagères se sont poursuivies et que celles sur l’école seront finalisées. Pour ce faire, Territoire 25 « sollicitera en outre tout prestataire utile en vue de la poursuite de l’opération » et a aussi contracté, en 2019, 6 millions € à deux établissements bancaires concernant les Vaîtes.
En 2018, le bilan financier prévisionnel total de l’opération avait augmenté de 327.000 €. En 2019, il augmente cette fois de 374.000 € pour s’établir à 25,5 millions €… en attendant les prochaines hausses. Ce qui est certain, c’est la somme que la collectivité a déjà dépensée : 5,624 millions d’euros au 31 décembre 2019, soit presque 22 % des dépenses globales estimées. On comprend donc la volonté de la ville de ne pas lâcher, car si le projet ne voit pas le jour, ces sommes seront définitivement perdues. Et cela sans compter le coût des deux stations de tram qui desservent le secteur des Vaîtes depuis 2014 en prévision de la construction de l’écoquartier.
La ville continuera de mettre la main au pot, puisque l’échéancier voté prévoit le versement de plus d’un million € en 2020, un million en 2021, un autre en 2022 et enfin 593.000 euros en 2023. La ville devrait aussi percevoir des recettes, mais à la fin de l’opération « le montant de la participation globale de la collectivité à la concession », les dépenses que la ville ne récupérera pas à l’issue de l’opération si elle va à son terme donc, se monteront à 5,611 millions d’euros, pour l’instant.
Aucuns chiffres fiables sur le besoin en logement de Besançon
Outre les difficultés juridiques et politiques posées à la municipalité EELV, accusée de vouloir urbaniser un poumon vert en plein cœur de Besançon, il existe aussi un risque commercial. Le rapport pointe l’incidence de la sortie de Besançon du dispositif de défiscalisation Pinel, ce qui rend l’immobilier beaucoup moins attractif pour les promoteurs.
L’incertitude majeure qui pèse sur le dossier des Vaites réside dans le véritable besoin en logements de la ville de Besançon. La déclaration d’utilité publique, qui permet entre autres la destruction d’habitats d’espèces protégées, repose pour beaucoup sur un besoin supposé important en logements pour la ville de Besançon. Le tribunal administratif de Besançon avait rejeté cet argument, en indiquant que les besoins en logement pour la ville de Besançon n’étaient pas assez suffisants pour que l’aménagement du quartier des Vaîtes réponde à une raison impérative d’intérêt public majeur. Mais Le Conseil d’État a désavoué en juillet 2020 le juge des référés sur ce point, estimant que les pièces du dossier faisaient état d’un besoin de 10.000 logements d’ici 2030. Il a cependant maintenu la suspension des travaux, considérant que la recherche de solutions alternatives n’avait pas été satisfaisante.
Alors que la ville avait toujours indiqué un besoin de 500 logements par an, ces chiffres nous amènent à 1000 logements par an. Interrogée par nos soins pour connaitre les études qui l’amènent à produire ces données, qui ont donc varié du simple au double, la municipalité est restée silencieuse. Et pour cause, les études récentes n’existent pas. Le dernier Programme Local d’Habitat du Grand Besançon remonte à 2013 et il est arrivé à échéance en décembre 2019. Il n’a toujours pas de successeur. Et les choses ont évolué depuis. Outre la perte du dispositif Pinel, Besançon a aussi cédé son statut de capitale régionale. Ce qui peut changer la donne. Alors qu’il s’agit du principal argument juridique qui déterminera l’avenir, ou non, de l’urbanisation des Vaîtes, il n’existe donc pas de chiffres fiables connus sur le besoin en logement de la ville de Besançon.
Comme toujours sur ce dossier, Anne Vignot a été mise en difficulté par l’opposition quand le point a été abordé lors du Conseil municipal de ce 9 octobre. Elle justifie l’adoption de ce texte en indiquant qu’il s’agit d’un rapport qui fait état de l’année 2019, que le compte-rendu a été rédigé par les aménageurs et qu’il serait donc étonnant qu’ils décident d’arrêter tout seuls. Pressé pour connaitre ses véritables intentions et sortir du flou, elle indique qu’elle ne se prononcerait pas sur le fond avant d’avoir pu prendre en considération les avis de la justice et des scientifiques. Mais pour l’heure, tout est acté pour que tout continue comme avant.