Acharnement judiciaire contre Dominique Henry

L'ancienne institutrice du Haut-Doubs et militante de la Confédération paysanne comparait jeudi 12 janvier devant le tribunal correctionnel de Montbéliard pour refus de prélèvement ADN après sa condamnation symbolique pour avoir participé au démontage de la ferme des 1000 vaches. La cour d'appel d'Amiens l'avait même reconnue lanceuse d'alerte ! Elle risque un an de prison. Une pétition a 3000 signatures le 6 janvier...

dominiquehenry

Dominique Henry est une militante, pas une délinquante. Sa participation au « démontage » de la ferme des 1000 vaches de Picardie, le 28 mai 2014, lui a cependant valu une condamnation à 3000 euros d'amende avec sursis, et 300 euros avec sursis pour refus de s'être soumise au prélèvement d'ADN lors de sa garde à vue, par la cour d'appel d'Amiens qui l'a dans le même temps reconnue comme une lanceuse d'alerte, le retentissement de l'action ayant largement contribué à relancer le débat sur la financiarisation et l'industrialisation de l'agriculture.

La cour atténuait quand même l'amende de quatre mois avec sursis prononcée en première instance par le tribunal correctionnel en même temps qu'elle transformait la prison avec sursis en amende avec sursis à l'encontre de six des neuf prévenus. La justice aurait pu se contenter de cette peine symbolique assortie en quelque sorte sorte d'une reconnaissance de nécessité citoyenne. Las, le parquet de Montbéliard ne l'entend pas de cette oreille et veut faire à nouveau condamner Dominique Henry, pour avoir refusé une nouvelle fois que son ADN soit prélevé pour être stocké pendant quarante ans dans le FNAEG, le ficher national des empreintes génétique.

« Venez quand vous voulez, partez en vacances... »

Le 24 décembre 2015, elle reçoit un coup de téléphone de la brigade de gendarmerie du Russey dont relève le petit village de Grand Combe des Bois où elle vit avec son mari, Jean-Paul. « Le gendarme me dit qu' j'avais commis un délit dans le Nord... Je lui réponds non, ce n'était pas un délit, mais une action dans la Somme », explique-t-elle en indiquant que son interlocuteur l'approuve quand elle évoque son opposition à la ferme des 1000 vaches. Sympa, il ajoute : « venez quand vous voulez, partez en vacances... »

Mais Dominique Henry lui répond qu'elle ne viendra pas donner son ADN : « il a alors changé de ton, et ils m'ont reconvoquée courant 2016. J'y suis allée, ça a duré deux heures, mais j'ai refusé de donner mon ADN. Et je suis à nouveau poursuivie par le procureur ». Elle explique très simplement son refus : « je ne veux pas être dans le même fichier que les délinquants sexuels. Les militants n'ont pas à être fichés. J'ai participé à une action, je l'ai reconnu, j'ai été condamnée... Après les élections, on ne sait pas ce qui peut se passer avec un tel fichier... »

Cette argumentation, on le retrouve dans les commentaires accompagnant les quelque 1500 signataires (le 2 janvier vers 22 heures) de la pétition qui demande l'arrêt des poursuites à son encontre. « Il y a bien d'autre chose à faire que s'acharner contre cette femme non violente », dit l'une. « Le pilori a été interdit à la Révolution française, voilà qu'il revient pour les militants », dit un autre. « Quand l'Etat poursuit les honnêtes citoyens, sa légitimité s'effondre », écrit un troisième. Plusieurs font la comparaison avec Christine Lagarde, parlent de « justice de classe », déplorent la « criminalisation du syndicalisme ». Un signataire convoque la littérature anti-totalitaire : « La police scientifique devrait s'acheter des bouquins d'Orwell ou de London, plutôt que des éprouvettes. Il y a, dans la Ferme aux Animaux ou le Talon de Fer, des énigmes bien plus intéressantes que dans des crachats de salives ».

« Cette affaire est ridicule, absurde »

Cette histoire n'empêche pas Dominique Henry de dormir, elle n'en garde pas moins « le traumatisme et les séquelles » des deux jours et demi de garde à vue qu'elle avait subis après le démontage : Je suis en retraite, j'ai un certain âge, je peux me le permettre... Je ne cherche pas d'emploi, mais pour les jeunes, c'est plus dur : les retraités peuvent participer aux actions avec moins de risque. Mais cette affaire est ridicule, absurde. A chaque fois qu'on fait face aux gendarmes, on est traité comme des délinquants... »

Jeudi 12 janvier, elle sera « bien accompagnée » au moment de comparaître — à 14 heures — devant le tribunal correctionnel de Montbéliard. A l'initiative de militants de gauche, une journée d'animations et de débats est programmée par le comité de soutien qui s'est créé à la veille des vacances de Noël. Dès 10 heures, Charles Piaget, un généticien et des militants prendront la parole avant un débat consacré à l'agriculture.

Le soutien de Brigitte Monnet, Bernard Kudlak, Daniel Leroux...

Parmi les signatures de la pétition, on remarque celles d'élus communistes (Solange Joly) et écologistes (Brigitte Monnet, Marc Borneck), de militants syndicaux (Gilles Spicher, Jean-Marie Viprey, Laurent Pinatel...), d'universitaires (Alain Vigreux), d'artistes (Bernard Kudlak, Roselyne Sarazin...) et même de l'ancien conseiller général centriste du canton du Russey, l'écrivain et philosophe Daniel Leroux, fondateur de la revue d'écologie rurale La Racontote.

Parmi les personnes poursuivies pour refus de prélèvement ADN, le délégué CGT des Conti, Xavier Mathieu, expliquait à Médiapart : « On peut se retrouver dans dix ans avec un gouvernement qui utilisera ce fichier à des fins différentes de celles prévues au départ. Et c'est déjà le cas, puisqu'à sa création, le fichier devait uniquement servir à repérer les violeurs et pédophiles en cas de récidive... Ensuite, je refuse de me retrouver dans le même fichier que Marc Dutroux et Emile Louis, alors que je n'ai commis qu'un acte syndical. »

 

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