« A aucun moment, je ne me suis sentie menacée ou séquestrée »

Représentante de la BAF, majoritaire chez les étudiants, Inès Hatira remet en cause la version officielle de séquestration du CA de l'université de Franche-Comté à Besançon. Comme d'autres administrateurs, présents lors de l'action de mardi, davantage choqués par l'assaut policier (dont Radio Bip publie une vidéo) et les les 19 gardes-à-vue qui ont suivi. Les deux derniers étudiants retenus ont été libérés jeudi. Le débat sur la sélection en master démarre timidement.

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« A aucun moment, je ne me suis sentie menacée ou séquestrée. Je n'ai vu aucune violence psychologique ou physique, à part celle de la police ». Le témoignage d'Inès Hatira, élue au conseil d'administration de l'université où elle représente la BAF, organisation étudiante majoritaire, a eu son petit effet jeudi lors d'une assemblée générale à la fac des lettres de Besançon. Cette AG devait faire le point après le placement en garde-à-vue des 19 personnes ayant participé à une intervention visant à empêcher la tenue du conseil d'administration qui devait se prononcer sur la mise en place de la sélection à l'entrée en master.

Ce témoignage n'est pas le seul. Il vient après celui de Benjamin Couble, représentant de l'UNEF, également présent mardi : « Je peux témoigner qu'il n'y a pas eu de violence de la part des étudiants. Ils ont même amené de la brioche ! Qu'on parle de séquestration me fait rire. Ce sont les services de l'université qui nous ont enfermés à clé et nous ont séquestrés ! Les policiers nous ont libérés de la séquestration organisée par l'université... »

« Enlève ton masque, je t'ai reconnu »

Membre du CA où elle siège pour la CGT, Marie-Pascale Behra-Laire, raconte également ce qu'elle a vécu : « Nous étions quinze dans la salle du CA. Soudain, le directeur général adjoint a surgi en disant : on est envahi ! Il a fermé la porte, il y a eu un brouhaha, de l'effervescence, et on a été envahi... Deux étudiants avaient un masque [de Jacques Bahi], Mme Woronoff a dit à l'un d'eux : enlève-le, je t'ai reconnu. Tout le monde a rigolé. Les étudiants ont fermé la porte et mis quelques chaises devant. Certains ont voulu bloquer l'accès de secours avec deux chaises, Mme Woronoff s'est interposée et a été poussée par un étudiant qui a été chopé par le doyen. J'ai cru qu'ils allaient se battre, c'est la seule escarmouche physique que j'ai vue. Je jure sur mon statut de fonctionnaire qu'il n'y a pas eu d'autre violence... Si, il y a eu une violence verbale, le doyen a été traité de salaud de soc-dem... »

C'est dire si ça aurait pu être pire : l'insulte suprême pour un social-démocrate est de se faire traiter de social-traitre... Ça n'a manifestement pas été le cas. Selon Mina Aït-Mbark, élue Sud-Education au CA, les échanges peu amènes ont été partagés : « le doyen de lettres a insulté des étudiants lors du CA bloqué, on a dû lui dire de se calmer ».

« La discussion sur la sélection
en master est importante, légitime »

A cet instant, Pablo Boucard, représentant de l'AMEB-Solidaires-Etudiants au CA, derrière qui s'étaient faufilés les 18 autres militants, prend la parole devant les administrateurs présents et lit le texte sensé interpeller les membres du CA : « l'argumentaire m'a paru intéressant sur le fond. Je ne crois pas que l'ensemble des administrateurs avaient perçu la portée à long terme de la sélection en master. Les lettres ne sont pas concernées, mais les sciences si. La discussion soulevée est importante, légitime », ajoute Marie-Pascale Behra-Laire. 

Les témoignages devant l'assemblée générale vont tous dans le même sens. Ils déconstruisent méthodiquement la version présentée par le parquet et la police. Ces derniers avaient assuré que la moitié des assaillants n'étaient pas étudiants. Faux, répond Gautier en déplorant que l'AFP ait relayé les dires officiels : « il y avait 16 étudiants, une lycéenne et deux sympathisants extérieurs ». Il n'y avait pas que des garçons, comme cela a été rapporté, mais onze garçons et huit filles.

Huit plaintes pour séquestration
et deux témoignages contraires
selon la procureure

Sur ce point, l'enquête préliminaire menée sous l'égide du parquet devrait avancer avec d'autres auditions. Le secrétaire général de l'université a ainsi demandé par mail à d'autres administrateurs de se rendre au commissariat afin de témoigner. Ces investigations judiciaires ne pourront non plus se passer des vidéos tournées à l'intérieur du siège de l'université dont les journalistes ont été soigneusement écartés (voir les images publiées par Radio Bip ici). 

Un enseignant de philo compte sur ces images pour contredire les autorités. Il va même plus loin : « le préfet, la procureure, le président de l'université et le directeur de la police se sont mis d'accord sur des éléments de langage, mais ils sont emmerdés car ils avaient prévu le coup. Maintenant, ils sont dans la spirale de la fuite en avant ». Cela fait dire à Léa, une étudiante gardée à vue, qu'il y a eu « mensonges et diffamation ». Elle parle même de « coup monté » en s'appuyant sur l'arrêté pris le 13 février par le président de l'université.

La procureure de la République, Edwige Roux-Morizot, évoque pour sa part huit plaintes pour séquestration et deux témoignages contraires. « Il faut réentendre tout le monde », indique-t-elle à Factuel vendredi en fin d'après-midi. Y compris la quinzaine de membres du CA présents mardi ? « Tout le monde sera entendu ». A-t-elle reçu des instructions de sa hiérarchie ? Elle sourit : « il n'y a plus d'instruction, c'est illégal ! Je n'en ai reçu aucune, aucun coup de fil. J'avise seulement le procureur général, et l'affaire est suivie par le cabinet de la ministre de l'Education ».  

 

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