Transport ferroviaire : la Franche-Comté inquiète

Après la Cour des comptes et la loi Macron, le rapport Duron qui entend préparer l'ouverture de la concurrence européenne, inquiète les Haut-Saônois qui craignent pour la ligne Paris-Belfort. Que dire aussi de la perspective de la suppression à Auxon du seul TGV ayant une correspondance directe en provenance de La Chaux-de-Fonds ?

Le TGV de 10 h 30 à la gare-patate d'Auxon pour Paris sera-t-il supprimé ?

Suppression du TGV de 10 h 30 pour Paris au départ de la gare d'Auxon, diminution de moitié du nombre de trains entre Belfort et Paris via Vesoul avec suppression de l'arrêt à Lure, menaces sur les TGV Lyria entre Suisse et Paris qui desservent Pontarlier et Dole, risques pour les TER à faible trafic en zone rurale... Aucune décision n'est formellement prise, mais l'étau se resserre pour les usagers du train en Franche-Comté. 

Consacré aux trains d'équilibre du territoire, les TET, le rapport Duron 2, publié fin mai, dans la droite ligne des rapports de la Cour des comptes, fait craindre le pire, notamment aux Hauts-Saônois, d'autant que le ministre des Transports, Alain Vidalies, a l'air de vouloir s'en inspirer. Constatant que le subventionnement par voyageur de lignes aussi différentes que Paris-Compiègne (5,50 €) ou Bordeaux-Lyon (280 €), il va même jusqu'à saucissonner les lignes pour en comparer les tronçons. Ainsi, sur Paris-Belfort, avec 21 € par voyageur, Paris-Troyes coûte moins cher que Paris-Belfort (85 €).

Plus d'arrêt à Lure !

Ne garder que les tronçons pas trop gourmands en subventions risque fort de tordre le cou à l'égalité territoriale qui fonde l'égalité des citoyens devant les services publics. C'est d'ailleurs ce qui est préconisé comme on peut le voir ici sur cet extrait du rapport : treize trains par jour entre Paris et Troyes, deux entre Troyes et Belfort car cette dernière est désormais desservie par le TGV Rhin-Rhône, et plus d'arrêt à Lure dont les usagers n'aurait qu'à prendre le car pour rejoindre Vesoul ou la gare TGV de Méroux pour aller à Paris aussi vite pour deux fois plus cher. C'est totalement contradictoire avec la perspective de la réouverture imminente de la halte des Trois-Chênes qui dessert notamment les usines Alstom et General Electric. C'est totalement cohérent avec la loi Macron qui entend développer l'autocar. Ce faisant,

Philippe Duron se doute bien que son rapport va faire grincer des dents : « certains préconisations seront difficiles à accepter pour les usagers », écrit-il en conclusion de son rapport. Bien vu ! C'est exactement ce qui se passe. « La décision du gouvernement doit être autre chose » que les propositions du rapport, écrit le comité de vigilance pour le maintien des services publics de Lure-Luxeuil. Il réclame « cinq allers-retours Paris-Mulhouse », et non Paris-Belfort, ainsi que le maintien des dessertes actuelles à Lure, Culmont, Langres, Bar-sur-Aube et Vendoeuvre...

Elus et associations remontés !

Comme EELV, qui souligne que « l'Allemagne et la Suisse ont enrayé le déclin en investissant dans les réseaux secondaires », le comité de vigilance réclame « la modernisation de la ligne et des matériels roulants ». Les élus de Lure sont aussi remontés contre la suppression de l'arrêt dans leur ville : un « tel oubli est inacceptable, nous vous demandons de le réparer au plus vite », écrivent-ils au ministre dans une lettre qu'on peut consulter .

Indéfectible soutien du gouvernement, le député Jean-Michel Villaumé (PS) craint une gabegie financière : « si le niveau de service de cette ligne venait à être abaissé, comment pourrait-on justifier que l'Etat se soit engagé en 2104 à y investir 127 millions afin de la moderniser ? » Après une question écrite au ministre en janvier, il indique dans un communiqué que les quatre dessertes quotidiennes doivent être maintenues « avec le même niveau de service qu'actuellement ».

La FNAUT de Franche-Comté, dans son dernier bulletin, s'interroge : « la fin du train... en Franche Comté ? ». Et fait un tour d'horizon des difficultés. Elles sont nombreuses. L'avenir de Delle-Belfort, Oyonnax-Saint-Claude, Lure-Epinal est conditionné à celui d'autres lignes qui fonctionnent en complément. Voire Besançon-Morteau-La Chaux-de-Fonds : les Suisses sont remontés contre la perspective de la suppression du TGV de 10 h 30 à Auxon (Besançon-Franche-Comté) car il impacte le seul train direct depuis la troisième ville de Suisse romande !

La SNCF investit en Allemagne...

En fait, tout indique que l'enjeu sous-jacent à ces reculs annoncés dans les transports ferroviaires utilisés par les Francs-Comtois, est ailleurs : « la préparation de l'ouverture à la concurrence des TET doit être engagée dès maintenant », écrit Philippe Duron page 52, « selon la Commission européenne, elle doit permettre d'apporter une meilleure maîtrise des charges d'exploitation ainsi qu'un meilleur service offert aux voyageurs ». Beaucoup doutent manifestement de la seconde prévision de Bruxelles. L'encadré qui suit apporte un éclairage que connaissent bien les familiers du dossier : l'arrivée de Kéolis, filiale de la SNCF, sur le marché des trains régionaux allemands avec 12% du trafic. On peut difficilement investir simultanément outre Rhin et dans l'aménagement du territoire en France. 

Comment peut-on également admettre la comparaison des subventions au « train-kilomètre » entre les deux pays, 17 € en France, 9 € en Allemagne, quand la densité de la population allemande est double de la nôtre ? Quand pas une fois le mot « montagne » ne figure dans le rapport Duron qui emploie deux fois le terme « rural » ou « ruralité » mais douze fois l'expression « aménagement du territoire » et cite vingt quatre fois le « service public ».

 

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