Uvéa, reine de la foire comtoise

Cinq ans après un premier prix décerné à un éleveur d'une autre région, Jean-Michel Cussac voit son travail de sélection génétique salué lors du concours Montbéliard-Prestige à la Foire comtoise de Besançon

Jean-Michel Cussac à l'annonce du verdict qui célèbre Uvéa.

Elle a eu 10 ans le 26 mars dernier, s'appelle Uvéa et broute à 930 m d'altitude sur des pâturages du Cantal. Depuis plusieurs années, cette élégante montbéliarde collectionne les podiums des concours agricoles. Elle a eu six veaux quand la moyenne de la race est entre trois et quatre. Les deux juges du concours Montbéliard-Prestige, Laurent Droz-Grey et Fabien Aillevans, l'ont choisie pour être la «grande championne» de l'année. Vu de l'extérieur du monde agricole, la décision n'a rien de renversant. Vu de l'intérieur, elle fait quelques vagues et génère des interpellations, voire des incompréhensions. «On a une race qui sait vieillir, mais seules 20% des vaches ont quatre lactations ou davantage», argumente Fabien Aillevans. C'est donc une «numéro un en longévité» qui a été couronnée et «c'est ce qu'on a voulu souligner», ajoute Laurent Droz-Grey.

Il s'agit aussi de faire une démonstration économique. Bon an mal an, un éleveur dépense autour de 1000 euros par génisse jusqu'à son premier veau. Son intérêt est donc de la garder : «plus elle dure, plus elle est rentable. Quand le lait AOP est bien valorisé, on ne se pose pas toujours la question du coût de l'élevage», analyse Fabien Aillevans. Quand le lait est moins payé, on raisonne autrement. C'est d'ailleurs le cas de Jean-Michel Cussac, l'éleveur d'Uvéa et de sa centaine de copines dont les 700.000 litres de lait annuel sont transformés en cantal AOP : «ce lait n'est pas valorisé au juste prix, 310 euros les 1000 litres, on voudrait 12 à 15 euros de plus. Il faudrait une meilleure rémunération pour que les éleveurs jouent le jeu d'une meilleure régularité dans la qualité du fromage». On voit déjà se pincer les producteurs de lait à comté qu'on paie rarement moins de 420 euros.

La protection des quotas a disparu

Le critère longévité revient au goût du jour. Il va souvent de pair avec une productivité moindre par lactation, mais aussi des préoccupations sanitaires et de qualité revues à la hausse : «les éleveurs de lait à cantal ont fait des efforts pour entrer dans l'AOP. Nos vaches produisent moins qu'il y a cinq ans et sont en meilleure santé», ajoute Jean-Michel Cussac. René Morel, éleveur à Clerval et président de l'organisme de sélection de la montbéliarde, a perçu l'évolution. «Je dis aux paysans : conservez vos vaches, vendez vos génisses, au Maghreb (premiers clients à l'exportation) ils en ont besoin pour les transformer en vaches laitières. Des Marocains me disaient déjà il y a une quinzaine d'années au comice de Baume-les-Dames : on veut des vaches qui vieillissent pour faire du lait».

La démonstration économique est aussi dans la bouche de Pierre Boireau, agronome et chef du service diversification à la chambre régionale d'agriculture. «Il y a quelques années, ce n'étaient pas les meilleurs comptes d'exploitations qui étaient au concours. Les éleveurs se sentaient protégés par les quotas qui ont disparu», commente-t-il. Autrement dit, les troupeaux super-productifs coûtaient cher à sélectionner et mettre en place. D'ailleurs, des études démontraient que les fermes les plus rentables n'étaient pas les plus grosses ni celles ayant des vaches à 8000 litres de lait par an, mais plutôt les exploitations les plus autonomes. C'est-à-dire celles limitant leurs achats de fourrages ou de compléments alimentaires.

Reste que l'économie seule ne fait un monde. Il faut aussi compter avec le plaisir : «Je suis un passionné de génétique et de sélection, j'aime traire de belles vaches», avoue tout sourire Jean-Michel Cussac.  

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