Un week-end de cinéma engagé à Besançon

La 18e rencontre du Centre culturel populaire de Palente-Orchamps rend hommage à René Vautier. Compagnon du groupe Medvedkine, disparu l'an dernier, il traitait notamment l'antimilitarisme, la bêtise de la presse et la libération de la femme... D'autres films traitent de la chute d'Allende, de l'exil, des luttes sociales...

René Vautier (à gauche) pendant le tournage d'Avoir vingt ans dans les Aurès.

La 18e rencontre de cinéma du CCPPO se déroule les 6, 7 et 8 novembre au Cinéma Kursaal avec au programme, un hommage à René Vautier cinéaste engagé disparu l’an dernier. Des films sur le Chili après le renversement d’Allende (« C’était un mardi 11 ») l’Amérique « Howard Zinn, une histoire américaine » de Olivier Azam et Daniel Mermet, la question de l’immigration de jeunes adolescents afghans dans « Tout à reconstruire » de Marine Place et la place mémoire collective à Dunkerque dans « La Digue du Break » de Charles Compagnie et Béatrice Alloing.

René Vautier cinéaste militant

Le cinéaste est venu plusieurs fois à Besançon à l’époque du Groupe Medvedkine et des luttes ouvrières des années 70. Avec Jean-Luc Godard, Chris Marker, Joris Ivens, Bruno Muel, il a fait partie du collectif de réalisation de « A bientôt j’espère » ; il s’est ensuite impliqué dans la formation des ouvriers-cinéastes de la Rhodia afin que ceux-ci prennent à leur tour la caméra.

C’était un cinéaste militant ; grâce à 33 jours de grève de la faim, René Vautier obtint la fin officielle de la censure politique au cinéma en France. On lui doit des films très engagés : « Quand tu me disais Valery » sur les luttes sociales en France (1976) « Frontline » sur l’apartheid, « Quand les femmes ont pris la colère » sur la condition féminine.

Caméra au poing il dénoncera les exactions de l’armée française durant la Guerre d’Algérie ; « Avoir vingt ans dans les Aurès » est l’exemple d’une œuvre résolument anticolonialiste où il dénonce la torture.

Un hommage lui sera rendu dimanche avec le film « Une femme, une voix – 70 ans du droit de vote des femmes » réalisé par un collectif féministe d’Indre et Loire, une œuvre que le cinéaste militant René Vautier aurait probablement soutenue.

Ensuite deux films phares de son œuvre seront présentés. « Les Trois cousins » (co-réalisé en 1970 avec Bruno Muel) qui traite des conditions de vie de trois cousins algériens à la recherche d’un travail en France. Enfin « La Folle de Toujane » permettra au public de découvrir une œuvre singulière dans la filmographie de l’auteur. Il s’agit de l’itinéraire de deux amis d’enfance, Roger instituteur et Gwenn animatrice de radio. Le premier est à Tunis et assiste aux indépendances tunisienne et algérienne tandis qu’elle choisit de rester à Paris. Dans ce film tourné en 1974 on retrouve les thèmes chers au cinéaste : l’antimilitarisme, la bêtise de la presse, la libération de la femme…

Un état du monde

C’est aussi à un état du monde auquel nous convie le CCPPO dans un large panoramique où se pose une multitude de questions à l’instar de l’intégration des adolescents afghans dans un monde dont ils ne connaissent pas les codes culturels ou encore la stigmatisation des élèves de SEGPA.

Deux films de la programmation traitent de la notion de territoire : « La corde du diable » de Sophie Bruneau évoque le fil de fer barbelé inventé en 1874, devenu rapidement un objet de délimitation de l’espace, d’appropriation du territoire américain marquant la défaite des indiens et l’arrivée de la civilisation. Par extension, le fil de fer barbelé devint le triste symbole de l’enfermement dans les camps de concentration. Cela renvoie aujourd’hui aux caméras de surveillance, à la manière dont les hommes enferment le monde pour mieux le surveiller et le contrôler, aux rapports entre le pouvoir et l’espace. De longs plans fixes et de larges travellings questionnent le paysage. La réalisatrice Sophie Bruneau reprend à son compte le travail de Michel Foucault sur l’animalisation de l’homme.

Autre recherche sur le territoire « La Digue de Break » de Charles Compagnie et Bénédicte Alloing évoque la bande de bitume qui sépare la mer de l’industrie à Dunkerque ; Dans ce no man’s land bordé de 15 sites classés Seveso de jeunes danseurs hip hop s’emparent du territoire et de l’espace. Le film montre ce que la danse reflète de la vie des habitants et leur mémoire collective.

L’histoire et la mémoire

L’histoire sera un point d’orgue de ce rendez-vous cinématographique avec « C’était un mardi 11 » de Rafaël Gutierrez Pereira, autoproduit avec le soutien de l’AFAL. Ce film revient sur le 11 septembre 1973, renversement d’Allende par un coup d’état militaire. Cette époque sombre de l’histoire du Chili marquée par des assassinats, la prison, la torture et l’exil est reconstituée à partir de témoignages d’une dizaine de personnes.

« Comrades » présenté en partenariat avec Le cinéma des deux scènes est le dernier film de Bill Douglas. Il raconte l’histoire vraie de George Loveless de sa famille et de ses amis laboureurs dans le village de Tolpuddle dans le Dorset, plus connus sous le nom de « martyrs de Tolpuddle » ; on voit comment les propriétaires exploitent les agriculteurs avec l’aide du clergé. Les exploités se rassemblent en une société secrète qui croit à la force du collectif. Ils devront subir la répression, la punition. Ils seront jugés et déportés en Australie. Il est question de l’immigration, de l’exil, de ces citoyens assoiffés de justice que les sociétés réactionnaires envoient à l’autre bout du monde.

Qu’il s’agisse de documentaires classiques ou de fictions, de courts-métrages ou de longs-métrages, les Rencontres cinéma du CCPPO susciteront des débats et des questionnements sur la place de l’homme, malmené dans ses combats. En ce sens la figure tutélaire de René Vautier montrera à quel point se battre n’est jamais vain. Salut René !

 

 

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