Un village à l’apparence si tranquille

« Coup de chaud », troisième long métrage du cinéaste bisontin Raphaël Jacoulot qui tourne hors de la région depuis la fin des aides, part d'un fait divers. Il montre comment les rouages d'une société villageoise se grippent en s'appuyant sur un bouc émissaire...

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Raphaël Jacoulot est né à Besançon. Élève aux Beaux-Arts il étudie la vidéo et la peinture avant de rejoindre la Femis. Il commence sa carrière en tournant ses films en Franche-Comté. Depuis la disparition des aides financières régionales, il tourne ses films dans d’autres régions. « Coup de chaud » son troisième long-métrage est présenté en ce moment dans toute la Franche-Comté.

La tension monte sous un ciel de plomb

Un village ordinaire à l’apparence tranquille. Un artisan s’y installe et la plupart des habitants y travaillent la terre. Petite ombre au tableau, Josef (Karim Leclou) un garçon étrange, un peu fou, plutôt pataud. Inoffensif, il essaie de se lier avec les uns et les autres. Il chaparde. Sans plus. Au début, on lui trouve des excuses. Après tout il n’est pas méchant.

Une chaleur caniculaire. Le ciel plombe le village. Les rues se vident. Ça sent la poussière comme dans les westerns. On s’agite pour trouver des solutions pour l’eau. On se réunit autour du maire à la figure de shérif (Jean-Pierre Darroussin) ; On parle de Josef à la fin du conseil municipal. Les rouages bien huilés de la petite communauté se fissurent comme si pour redonner de la solidité au village, il fallait un bouc émissaire.

Le climat s’alourdit. Pourquoi Josef ne travaille-t-il pas ? Pourquoi écoute-t-il de la musique alors que les paysans préparent la moisson ? Pourquoi déambule-il librement dans le village ? Pourquoi ne respecte-t-il pas les règles ? Tout cela est suspect.

L’exclusion

Les dates du film en Franche-Comté
Mardi 15 septembre au cinéma Le Majestic à Vesoul à 20h30.
Mercredi 16 septembre au cinéma Le Colisée à Montbéliard à 20h15.
Jeudi 17 septembre au cinéma Victor Hugo à Besançon à 20h30.
Vendredi 18 septembre au cinéma de Charmoille à 20h45.
Samedi 19 septembre au cinéma de Maîche à 20h30.

Et puisque Josef est le seul vrai marginal du village, il faut agir. On le rejette. On est prêt à tout lui coller sur le dos. Déjà une rumeur circule et enfle. Une fois la machine mise en route, on ne sait pas comment elle peut s’arrêter.

Le film s’appuie sur un fait divers réel de 2008 en Franche-Comté ;  le jour du 14 juillet dans un village, un jeune homme considéré comme l’idiot du village avait été retrouvé poignardé à mort.
Raphaël Jacoulot aime la matière du fait divers, le réel qu’il malaxe pour en faire de la fiction ; il regarde de près comment vivent les hommes, comment une micro société peut raconter le monde, la stigmatisation, l’exclusion. A un moment donné il s’éloigne du fait divers pour représenter ce qui est en œuvre quand tout un village rejette un individu. Les interrogatoires de la fin du film sont en ce sens exceptionnel. Chacun est confronté, à son échelle, à ce qui fait que les individus finissent par se fondre dans une masse aveugle et cruelle. A titre d’exemple, le spectateur sait que Josef n’a pas commis de viol et pourtant tout le village l’accuse jusqu’au moment où la vérité éclate.

La lisière de la folie de l’individu et du groupe

Dans les films de Raphaël Jacoulot, on est toujours à la lisière de la folie, du dérapage : La mère de « Barrage » (son premier film tourné dans le Doubs), décidait de déménager dans une maison isolée à proximité d’un barrage pour conserver l’amour exclusif de son fils. Prête à tout elle l’enfermait et le faisait mourir à petit feu.  Dans « Avant l’aube » son second long métrage, il nous emmenait dans un hôtel de luxe isolé (comme dans Shining). Le spectateur, témoin des faits (un accident provoqué par le fils de l’hôtelier), découvrait comment on met en place un mensonge et avec quels stratagèmes, les protagonistes (le patron de l’hôtel, sa femme et son fils) allaient maquiller les faits pour essayer de s’en sortir.

Car le cinéaste s’intéresse plus aux faits de société qu’au fait divers ; il regarde à la loupe comment les choses se dérèglent dans une micro société, qu’il s’agisse d’une famille dans une maison isolée, de bourgeois dans un hôtel de luxe à l’écart du monde, ou d’une communauté de villageois. Le village du film n’a pas de nom, comme si tout ce qui se joue là pouvait se produire dans n’importe quel bourgade provinciale.

Un entretien avec Raphaël Jacoulot, sur le site de la production, à lire ici

Dans chaque film le cinéaste aiguise le regard du spectateur en créant une empathie avec les personnages. Subtilement ensuite, il le met en face de ce que l’homme est capable de faire pour se sortir d’une situation, ici montrer du doigt la folie d’un être, le mettre à l’écart, voire l’accuser.

Raphaël Jacoulot creuse son sillon dans le cinéma français en soulignant toute l’ambiguïté de l’être humain à la façon de Claude Chabrol pour son travail sur les apparences. Par ailleurs il dit s’être inspiré du « Corbeau » de Clouzot pour la rumeur et le malaise distillé dans l’esprit et le regard du spectateur. Son œuvre implacable et sans manichéisme démonte les mécanismes de l’exclusion ; un film qui aujourd’hui mérite bien un détour.

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