Un projet de Center-Parcs à Poligny inquiète les environnementalistes

Alors que le groupe Pierre & Vacances doit rencontrer Jura Nature Environnement le 10 avril, une association d'opposants est en cours de création. Une centaine d'hectares de la forêt de Poligny pourraient accueillir 400 maisonnettes et une piscine couverte.

Forêt de Poligny, Center parc

« C'est la privatisation d'espaces naturels publics ! », s'exclame le conseiller régional de Franche-Comté Eric Durand (EELV). Son mouvement est vent debout contre la perspective de construction  du sixième Center Parcs de France, le 23e en Europe. Deux sites ont été mis en concurrence dans le Centre-Est du pays : le premier est donc Poligny dont la belle forêt mixte de 3000 hectares, située entre Barretaine et Le Fied sur le premier plateau karstique du Jura, à quelque 550 m d'altitude, pourrait voir se construire un village de vacances et un centre aqualudique sur quelque 100 à 150 hectares dont cinq devraient devenir constructibles. Le second est Le Rousset, en Saône-et-Loire, à une quinzaine de kilomètres de Montceau-les-Mines, à deux pas d'un plan d'eau que jouxte une forêt de sapins. 

Les opposants au projet dénoncent aussi l'absence d'information de la part des collectivités. Plus de 200 personnes ont assisté le 24 janvier à une réunion « contre les grands projets inutiles dans le Jura » à Lons-le-Saunier. « Dans les villages voisins, des gens voient d'un mauvais œil un tel projet en milieu rural, notamment l'impact sur les transports », dit un militant environnementaliste.

La situation a généré une rivalité : deux groupes de collectivités territoriales ont accepté les demandes de Pierre & Vacances. Outre la cession d'une portion de forêt, ils aménageraient la voirie et constitueraient une société d'économie mixte avec la Caisse des Dépôts pour porter la piscine ludique sous cloche. Le conseil général du Jura, le conseil régional de Franche-Comté et la communauté de communes du comté de Grimmont, la ville de Poligny ont fait plancher l'Agence régionale de développement dont la mission est « d'attirer les investissements et de promouvoir le territoire ». Ils tentent de ne pas se faire distancer par l'alliance conduite par le conseil général voisin de Saône-et-Loire et le conseil régional de Bourgogne... « Au niveau d'Europe Ecologie, on travaille ensemble pour que ces projets ne se fassent pas alors que Marie-Guite Dufay et François Patriat [les présidents PS de régions] sont en concurrence », explique Véronique Guislain (EELV Lons-le-Saunier).

Quel impact économique sur les gîtes et locations saisonnières ?

Les écologistes mettent aussi en avant ce qui leur apparaît être une fragilité économique. « Les propriétaires de gîtes ruraux, de locations saisonnières et les hôtels recevront de plein fouet la place prise par le bulldozer » que représente un Center Parc de 400 « cottages », assure Véronique Guislain. Territoire de tourisme vert familial, le Jura se caractérise par une offre multiple et diffuse d'hébergements de taille modeste plutôt que par des grands équipements. D'un côté Pierre & Vacances assure que 300 emplois seront créés par le Center Parcs, ce qui ne laisse pas insensible les collectivités locales. Du côté écolo, on aimerait bien avoir une étude d'impact sur l'économie touristique actuelle que l'on craint de voir déstabilisée. On estime que le groupe Pierre & Vacances, dont les comptes sont mauvais, est condamné à investir pour ne pas mourir. Eric Durand envisage même un scénario catastrophe « comme en Espagne : si ça marche mal, les collectivités pourraient se retrouver avec des équipements très chers sur les bras, et les propriétaires avec des bungalows qui ne se louent pas... »

Jura Nature Environnement a, de son côté, réclamé des précisions au maire de Poligny et envoyé une série de questions relatives à la géologie, au déboisement et aux eaux usées à Pierre & Vacances. Le groupe a répondu en proposant une rencontre le 10 avril avec le bureau d'études Biotope qui devrait avoir lieu en avril.   

Des commerçants alléchés par la perspectives de fournir le futur complexe

André Jourd'hui, conseiller municipal de Poligny en charge de la forêt, assure que les deux marchés sont indépendants : « quand on argumente auprès de Pierre & Vacances sur la montagne ou les lacs, ils nous répondent que ce n'est pas ça qu'ils cherchent ». Autrement dit, un Center Parc est autonome et ses hôtes-vacanciers vivent en quasi autarcie... Les commerçants de Poligny seraient également alléchés par la perspective de fournir le Center Parcs, dit encore M. Jourd'hui. Au journal gratuit L'Hebdo39, le maire, Dominique Bonnet, assure que le projet est une «opportunité exceptionnelle de développement», que les grottes toutes proches de Baume-les-Messieurs et les produits du terroirs (Poligny est la capitale du comté) sont un atout pour que sa forêt emporte le morceau...

Préparant la création d'une association après les municipales, une habitante du secteur dénonce « l'omerta » qui entoure le projet : « ils veulent faire comme en Alsace il y a quelques années, attendre que les élections soient passées... » Le conseil municipal de Plasne a quand même invité quelques personnes à assister à une réunion avec Pierre & Vacances et le Conseil général. « On y a fait du chantage », estime la cofondatrice de la future association, du genre « si vous êtes contre le Center Parcs, vous n'aurez pas de nouvelle route... »


Dominique Bonnet, maire (centre-droit) de Poligny : « les études faune, flore et géologie sont terminées »

Où en êtes-vous ?
Le travail est assez long car il faut être au mieux pour le protocole d'accord avec Pierre & Vacances qui a terminé les études faunes, flore et géologie, aussi bien pour Poligny que pour Le Rousset. La semaine dernière, il y a eu une réunion avec les habitants de Plasne pour une présentation, par Pierre & Vacances, aux agriculteurs d'un partenariat pour des approvisionnement en circuits courts, et d'une chaufferie au bois ou au gaz issu d'un système de méthanisation produit par un ou des agriculteurs. Le Center Parc leur achèterait le gaz produit, mais la décision n'est pas encore prise. Quoiqu'il en soit, l'impact économique est intéressant...

Ne risque-t-il pas d'y avoir un impact sur l'hôtellerie et les gîtes ?
Nous n'avons pas de retour sur ce sujet. Le projet est un concept nouveau de Center Parc qui sont habituellement dans des secteurs non touristiques alors que le Jura a de nombreux atouts touristiques. Le conseil général a le projet de fidéliser la clientèle pour visiter le Jura, ses sites naturels et historiques.  

Quel impact pour l'eau dans ce secteur karstique ?
Deux captages sont possibles. L'un par le réseau centre-est (Champagnole), l'autre permettrait au village de Le Fied, qui manque parfois d'eau en été, d'être raccordé. Pour l'assainissement, on prévoit de ne pas impacter les petits villages et de descendre les eaux usées vers une nouvelle station
d'épuration à Poligny.

Vous la referiez pour l'occasion ?
Notre station d'épuration a 30 ans, il faut de toute façon se poser la question de sa rénovation ou de son remplacement. On a aujourd'hui 260.000 m3 et 260.000 euros de redevance assainissement par an. Si le Center Parc se fait, il paiera sans doute entre 100 et 150.000 euros de redevance.

Si le projet se fait, vous devrez modifier le PLU pour rendre constructible une partie de la forêt...
Bien sûr ! La zone est actuellement non constructible. On n'a engagé aucune démarche, il faut être prudent. Il y aurait au moins un an d'instruction, avec enquête de la DREAL...

Quid de la psicine ?
C'est le même projet qu'à Champagnole en plus grand, plus ludique que pour la natation. Elle serait portée par une société d'économie mixte avec Pierre & Vacances dedans. Les collectivités recevraient un loyer fixé au départ qui rembourserait l'investissement. Au bout de 12 ou 13 ans, le bien reviendrait à la SEM.

Que répondez-vous aux critiques économiques d'EELV ?
On peut toujours émettre l'hypothèse d'une faillite... Mais c'est une aide à l'investissement, une avance de la Région, du Département et de la Caisse des Dépôts. Quand vous donnez une subvention, c'est à fonds perdus alors que là c'est un loyer : le groupe s'engage à le payer sur 20 ans. Il y a certes des inquiétudes, mais il y a aussi des explications à donner. Les études de marché disent que les Suisses sont friands de ces vacances là...

Vous êtes en concurrence avec Le Rousset en Saône et Loire...
Je n'ai pas ce sentiment dans les discussions, ils ne nous ont jamais mis la pression, les schémas de financement sont les mêmes que dans la Vienne : 3 à 4 millions de la région, 1 million de la communauté de communes, 5 à 6 du conseil général, le reste par la Caisse des dépôts...

Jura Nature Environnement vous a demandé des informations il y a plus d'un mois...
J'ai essayé de les rappeler... Il peut être judicieux que tous les partenaires puissent avoir une discussion, mais pas tant que ce n'est pas acté...

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