Philippe Thireau est écrivain et vit dans le Haut-Jura, son prochain ouvrage, Hôtel de Chine et dépendances, devrait sortir à l’automne prochain ; il analyse le phénomène « Majorité citoyenne » en répondant aux questions de Nicole Bergé, photographe et rédactrice, plasticienne, qui nous autorisé à publier cet entretien.
Pourquoi intervenez-vous dans ce débat, en général les intellectuels interviennent peu localement ?
C’est une erreur de laisser le champ libre ; je pars de ma position, je suis écrivain, pour débattre avec tous ; nous avons un devoir d’intervention dans la sphère publique lorsque les choses vont mal, pour tracer une voie, déblayer le terrain des idées.
Comment voyez-vous la politique aujourd’hui ?
Je constate que le gouvernement présidé par François Hollande met en place des solutions libérales pour tenter de régler une « crise » qui est en fait le moteur de l’ordre libéral lui-même ! Les électeurs de gauche ont été floués : après Nicolas Sarkozy, ils ont eu droit à un « répliquant ». Les gens souffrent et la fraction de la population disposant de richesses continue à prospérer. Cette situation est humainement intolérable.
Il est notamment l'auteur de Le Sang de la République, un ouvrage d'histoire sous-titré « les généraux francs-comtois dans la tourmente révolutionnaire », paru chez Cètre ; et de Le Voyageur distant ou bonjour Stendal, adieu Beyle, paru chez J André.
Pourtant, la gauche non gouvernementale dispose de partis performants !
Les grands partis de gouvernement s’entendent à merveille pour agiter le chiffon noir du Front national et ainsi s’accaparer les votes des citoyens responsables ! Ils jouent avec le feu. En agissant ainsi, ils ont dévalué l’ensemble de la classe politique et détourné une partie non négligeable des citoyens des affaires publiques. Je constate aujourd’hui que même la démocratie est discutée ! C’est grave ; les partis de la gauche non gouvernementale sont les victimes de cet état de fait.
Les élections départementales sont-elles le lieu d’un tel débat ?
Il n’existe pas d’élections qui ne soient pas politiques ! La « polis » des grecs est au cœur de la vie commune. Ceux qui parlent d’apolitisme trompent les citoyens. Au contraire, il faut faire de la politique, protéger notre République en péril, partout sur le territoire national, en toutes circonstances, avec les armes de la démocratie. C’est pour cela que j’apprécie le mouvement « Majorité citoyenne » qui naît aujourd’hui à l’occasion des élections départementales dans de nombreux départements. C’est un grand coup de fraîcheur apporté à la politique, un élan de réappropriation de la chose publique. C’est très sain.
Mais ce mouvement n’est pas neutre !
Heureusement ! Il est clairement à gauche, humaniste, laïc, social, écologique. Il ne m’appartient pas d’en détailler le programme qui, je le sais, allez, je vais vous le dire, est « amoureux » des gens modestes, de l’intelligence, du partage, de la coopération, de la mutualisation, « amoureux » de la terre et de ses bienfaits simples. Pourquoi se priver de tout cela ? Et ce mouvement défend la démocratie contre tous ceux qui la bafouent au plus haut sommet ; je rappelle la petite phrase prononcée naguère par Monsieur Junker, président de la commission européenne, et qui ne fut contestée ni par le PS, ni par le FN, ni par l’UMP-UDI : « Il n’y a pas de vote démocratique possible contre les traités européens. » C’est dire combien les libéraux craignent pour leur confort, les richesses qu’ils ont accaparées, combien ils craignent le peuple lorsqu’il montre le chemin de la démocratie, comme en Grèce, justement, notre mère démocratique.
Que nous apprend la Grèce, aujourd’hui ?
J’aime bien me rappeler ce vers, en dehors de tout contexte idéologique : « Debout les damnés de la terre. » Se relever et agir, c’est cela être digne.