Un futur sans antibiotiques ?

Catherine Llanes, enseignante-chercheuse en bactériologie au laboratoire Chrono Environnement de l'Université de Franche-Comté, présentait à Besançon les travaux de son équipe sur les alternatives aux antibiotiques, notamment les interactions avec les huiles essentielles. La résistance croissante des bactéries sera la première cause de mortalité mondiale en 2050…

llanes

« Les bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques. Leur durée de vie est de plus en plus courte et elles s'adaptent de plus en plus vite... En 2050 des chercheurs estiment qu'il y aura dix millions de morts dans le monde dus à la résistance aux antibiotiques, ce sera la première cause de mortalité ». Ce problème de santé publique majeur, annoncé par Catherine Llanes, prend sa source dans l'environnement (pollutions…), nos habitudes (trop de sucre dans les aliments, prescriptions d'antibiotiques pas toujours pertinentes…) et dans l'agro-industrie : antibiotiques de prévention dans les élevages industriels.

« Aux Etats-Unis 70% des antibiotiques sont destinés aux animaux », souligne Catherine Llanes. Entre 1957 et 2015 un poulet de l'industrie agroalimentaire américaine est passé de 900 grammes à quatre kilos : « c'est dû au fait qu'on bourre les animaux d'antibiotiques ». Cette consommation à permis aux bactéries de s'adapter plus vite aux antibiotiques…

Essayer d'endiguer le problème relève notamment de décisions politiques (régulation) destinées à réduire les sources des maladies infectieuses. Mais aussi de prendre conscience du défi posé à la communauté scientifique : faut-il continuer à chercher de nouveaux antibiotiques si ils sont moins efficaces, plus chers, plus long à trouver ?

« Le développement de nouvelles molécules pourrait être une solution. Cependant, cela prend beaucoup de temps, environ 15 ans entre le moment ou le chercheur découvre la molécule et le moment ou l'antibiotique est commercialisé », dit la chercheuse. Les essais cliniques nécessitent un financement que les investisseurs privés hésitent à fournir, faute d'assurance de faire un bénéfice. Actuellement 150 antibiotiques sont en phase de test, seulement quelques-uns finiront commercialisés.

Quelles alternatives aux antibiotiques ?

Catherine Llanes en explique une : « les bactéries on besoin de fer mais elles n'en disposent pas naturellement, elles doivent aller le chercher. L'idée est de déguiser un antibiotique en fer pour que la bactérie l'ingère elle-même, on peut comparer cela à la stratégie du cheval de Troie ». Il existe aussi la phagotérapie, inventé en 1917 par Félix d'Herelle, elle est délaissée en Occident après la découverte de la pénicilline en 1928 mais reste utilisé en Russie, Géorgie et Pologne. Une méthode qui utilise le bactériophage, virus n'attaquant que les bactéries, mais sans les ciblées. Cette pratique qui pose un problème éthique, le bactériophage étant un organisme vivant, est utilisée en France, dans des conditions expérimentales, à l'hôpital lyonnais de La Croix rousse.

Et les huiles essentielles, dont certaine sont bactéricides ?

« Elles ont la cote, les publications scientifiques sont passées de 600 en 2000 à 33.000 en 2017 », explique Catherine Llanes dont le laboratoire fait des recherches associant antibiotiques et huiles essentielles, avec des résultats contrastés : dans certains cas les effets bactéricides sont décuplés, dans d'autres ils sont inexistants, parfois ils augmentent la résistance aux bactéries. Le problème des huiles essentielles c'est surtout l'automédication.

Après la conférence un dialogue s'engage avec la salle :

- Pourquoi les huiles essentielles ne sont pas considérées comme des antibiotiques ? 

- « Les huiles ne ciblent pas l’ennemi, un antibiotique lui n'attaque que la bactérie ciblée ».

- Concernant cette stratégie du cheval de Troie, les bactéries peuvent-elles un jour détecter la supercherie ? 

- « Peut-être, on ne le sait pas vraiment, mais cela reste fortement probable ».

- Existe-t-il de bonnes bactéries ? 

- « Oui, bien sûr, la plupart sont nécessaires, pour une molécule humaine on en a dix bactériennes ».

- Croyez-vous au pouvoir de la volonté pour guérir ? Cela fait 10 ans que je ne prends plus d'antibiotique et je me porte très bien.

- « Désolée, je ne répondrais pas à votre question. Car je ne crois que ce que je vois… »

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !