Un camion nommé Titanic

La mésaventure judiciaire des Transports Jeantet est la partie émergée d'un iceberg qui pourrait engloutir l'Europe comme il y a un siècle sombra le fier Titanic. Les juges bisontins devront certes dire si le patron de cette entreprise de 500 salariés est ou non coupable de travail dissimulé, autrement dit d'embauche de travailleurs au noir, et de prêt irrégulier de main d'oeuvre, celle-là justement qui vient travailler en France à des conditions d'une autre époque.

La mésaventure judiciaire des Transports Jeantet est la partie émergée d'un iceberg qui pourrait engloutir l'Europe comme il y a un siècle sombra le fier Titanic. Les juges bisontins devront certes dire si le patron de cette entreprise de 500 salariés est ou non coupable de travail dissimulé, autrement dit d'embauche de travailleurs au noir, et de prêt irrégulier de main d'oeuvre, celle-là justement qui vient travailler en France à des conditions d'une autre époque. Il y a quinze mois, d'autres juges ont répondu oui, mais n'ont infligé qu'une peine de 10.000 euros d'amende. Une paille si l'on compare au redressement social de 600.000 euros dont la société Jeantet s'est déjà acquitté.
En réalité, les juges sont, pour utiliser un mot souvent employé à tort et à travers, pris en otage par la politique. Les avocats le leur rappellent bien en pointant les conséquences pour l'activité, et donc l'emploi, d'une condamnation. Après l'audience, on a d'ailleurs entendu prononcer les mots de « chantage à l'emploi ». 
Car le pouvoir politique en Europe, à Bruxelles mais aussi dans les capitales européennes qui siègent au Conseil européen et sont sensées contrôler la Commission européenne, continue de fournir aux tribunaux matière à disserter sur les principes essentiels d'une vie économique et sociale acceptable tout en constatant son délitement méthodique. Pour ne pas dire sa destruction.
Car enfin, l'Union et les gouvernements laissent des dizaines de milliers de camions sillonner les routes de l'Union transporter des marchandises au plus bas coût dans des conditions humaines sans cesse dégradées, sans parler des désastreux bilans énergétiques. Elle désorganise la concurrence qui, si elle l'a jamais été, est de moins en moins « libre et non faussée », en permettant, non pas au pauvre plombier polonais de venir réparer les chaudières de l'ouest, mais aux entreprises slovaques, bulgares ou estoniennes, de venir à l'ouest prendre les marchés pour trois fois rien. Que ces entreprises soient des filiales de groupes français, italiens, allemands ou neerlandais, n'a échappé à personne. C'est pour cela que la prochaine ouverture du cabotage, au 1er janvier 2014, risque d'aggraver les situations de distorsion de concurrence dont les premiers à pâtir sont les entreprises les plus fragiles, et surtout leurs salariés.  
Cela a un nom, c'est le dumping social. La Commission et les gouvernements semblent n'y voir qu'un mal nécessaire. Pour arriver où ? Au merveilleux pays, décrit par l'avocat du transporteur bisontin, décrié par son confrère défendant la CGT, où l'on mange dans une gamelle loin de chez soi pendant des semaines ? Au nom de la sacro-sainte liberté de circulation des marchandises et des capitaux, dont on voit un exemple des dégâts avec l'affaire des lasagnes surgelées à la viande de cheval ! Derrière lesquelles il y a, on vous le donne en mille, un fonds d'investissement... 
Ces fonds où l'Europe s'engloutit...

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