Tous les accompagnateurs en montagne seront formés à Prémanon

Le centre national de ski de fond s'appelle maintenant centre national de ski nordique et de moyenne montagne. Il chapeaute le cursus de tous les AMM qui ont désormais un nouveau diplôme plus qualifiant. Il fait doubler le volume des formations du centre dont la capacité d'accueil passe le mois prochain de 95 à 119 places.

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« Et à part ça, vous faites quoi comme métier ? » Plus d'un accompagnateur en montagne s'est entendu adresser cette question loin d'être saugrenue. Rares sont les AMMla dénomination officielle est "accompagnateur en moyenne montagne" qui, parmi les quelque 4000 diplômés en activité, vivent de ce seul métier. Selon le SNAM, le syndicat historique et majoritaire de cette profession née avec le brevet d'état créé en 1976, ils sont 15% à en faire leur « activité principale », autrement dit majoritaire. Tous n'exercent donc pas à temps plein et beaucoup ne gagnent pas le SMIC. « C'est difficile d'en vivre, heureusement que mon mari a un salaire fixe », témoigne Josiane Bertolini, accompagnatrice à Fort-du-Plasne et présidente de la section massif jurassien du SNAM.

La modicité des revenus est notamment due au caractère saisonnier de l'activité. Que la neige vienne tard dans le Jura, comme l'hiver dernier, et des ressources sont taries. Dans le massif, la raquette est l'activité phare. Elle concerne les deux-tiers des sorties du bureau-montagne Horizons-Jura, basé dans le Haut-Doubs. Pour pallier cette irrégularité, les AMM ont d'autres cordes à leur arc. Les uns ont une autre qualification sportive : pisteur, moniteur de ski, de VTT, de spéléo, d'escalade... D'autres AMM sont éducateur, paysan, psychologue, pompier, animateur environnement, journalistec'est le cas de l'auteur de ces lignes... La pluriactivité est une particularité de la vie en montagne.

Sortie dans le val de Morteau...

La polyvalence favorise le salariat de quelques uns par des centres de vacances, écoles de ski ou autres structures d'animation, au nombre d'une dizaine sur le massif jurassien. Mais la plupart des AMM exercent leur métier en indépendant, parfois regroupés en bureaux. Il leur arrive d'être concurrents, de jouer sur les tarifs ou la taille des groupes. La discipline professionnelle et la déontologie ont beau être défendues par leur syndicat au titre de recommandations, l'Union européenne leur interdit d'établir des prix plancher ou des effectifs maximum. Cela peut générer quelques tensions tempérées par les nécessités de l'entraide quand, par exemple, un collègue demande un renfort pour l'encadrement de grands groupes.

Il leur arrive aussi d'être concurrencés par des collectivités ou des stations qui recrutent un AMM et proposent des randonnées à tarifs cassés parce que subventionnées... C'est dans ces circonstances que la formation des AMM vient au contraire d'être réévaluée avec la création d'un diplôme d'état remplaçant le brevet d'état.

« Ce DE s'oppose à la tendance à la diminution des compétences, comme le BP-JEPS rando que les centres de vacances veulent davantage utiliser, même s'ils sont moins compétents, pour moins les payer », explique le Jurassien Pierre-Paul Monneron, secrétaire général du SNAM. A l'heure de l'uberisation de l'économie, la concurrence déloyale vient de là où l'on ne l'attend pas...

Quarante randonnées dont dix avec
plus de 1000 mètres de dénivelée...

Coincés entre les mythiques guides de haute montagne et les bénévoles des clubs de marche, les AMM revendiquent une expertise dans le milieu spécifique qu'est la montagne, par ses conditions météo ou ses sentiers à peine tracés. Jusque là, ils entraient en formation après un examen probatoire exigeant des qualités physiques, techniques et des connaissances du milieu que seule apporte l'expérience. Ils devaient ainsi avoir réalisé vingt sorties sur lesquelles ils étaient interrogés. Désormais, pour prétendre viser le DE, ils devront en avoir fait le double dont un quart d'hivernales et autant avec plus de 1000 mètres de dénivelée !

Pierre-Paul Monneron, le secrétaire général du SNAM sur les Monts Jura.

Ils devront aussi tous être passés par Prémanon. Célèbre pour former les membres de l'équipe de France de ski de fond, le Centre national de ski de fond a pris une nouvelle dimension en 2010 en devenant le Centre national de ski nordique et de moyenne montagne. C'est l'un des deux établissements de l'École nationale des sports de montagne, l'autre formant les guides et les moniteurs de ski alpin à Chamonix.

De 40.000 à 80.000 heures de formation
avec le nouveau diplôme d'état d'AMM

Les AMM étaient jusque là formés dans tous les massifs montagneux du pays, selon les mêmes références, mais selon des modalités propres à chacun. Depuis la création du DE AMM, en 2014, le CNSNMM est chargé de piloter la formation nationalement et d'en unifier certains aspects. Trois stages sur cinq doivent s'y dérouler, ce qui fait passer de 40.000 à 80.000 heures le volume annuel de formation qu'il dispense. 

On n'est pas encore à ce chiffre car les quatre premiers probatoires ont eu lieu en 2015. Plus sélectifs qu'avant, avec un taux de réussite divisé par deux (20%), ils ont délivré 105 lauréats dont un tiers a entamé la formation, les autres ayant deux ans pour le faire. L'entrée en formation devrait être progressive et l'objectif de 150 stagiaires par an pourrait être atteint en quelques années. Dès 2016, on passera à six probatoires qui devraient logiquement produire environ 150 lauréats.

La montée en charge du CNSNMM doit se traduire en mai avec la livraison d'un nouveau bâtiment, permettant de faire passer la capacité d'hébergement de 95 à 119 places, financées à 50% par la région. « On était parfois à l'étroit en cours d'année, par exemple quand l'équipe de France d'aviron vient à cinquante... Et là, le standard d'hébergement va augmenter », explique Hervé Lamy, responsable du pôle formation du centre.

Pendant un stage de préparation à l'effort à Prémanon.

Ces temps-ci, il accueille les titulaires de l'ancien BE-AMM qui souhaitent obtenir le nouveau DE. Pour ce faire, ils doivent valider un stage d'une semaine de préparation à l'effort et d'entraînement, compétences acquises par certains de manière autodidacte. Et l'on se bouscule presque pour le suivre : « On ne pensait pas qu'il aurait tant de succès. On est sur un rythme de dix sessions par an. On n'a pas les ressources humaines pour en faire plus. On pourrait en faire plusieurs en simultané, mais il faut que ce soit tenable pour les profs », dit Hervé Lamy.

Il s'agit par exemple de préparer en trois mois une trentenaire faisant du jogging à un trail de 20 km et 700 m de dénivelée, un randonneur quadragénaire à un trek en Himalaya, des étudiants au probatoire d'AMM, d'accompagner une femme sédentaire en surpoids à faire du sport-santé... Physiologie de l'effort et biomécanique sont au programme de cette semaine alternant sorties dans les pentes boisées et cours en salle. Bref, loin d'un entraînement olympique, on apporte des connaissances scientifiques permettant de mieux comprendre ce que signifie « se mettre dans le rouge », ou pourquoi, pour sa cohésion, mieux vaut qu'un groupe marche au rythme du plus faible...  

Hors piste en raquettes dans la vallée de la Valserine...

 

 

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