Tentative de licenciement et plaintes entre camarades à la CFDT

A quelques semaines du congrès régional de Montbéliard, ça tangue à la tête de la CFDT de Franche-Comté. L'un des onze membres du bureau de l'URI , Thierry Navarro, secrétaire de l'UD de Haute-Saône depuis 2002, a failli être licencié par le secrétaire régional, Alain Mischler, après avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire le 10 décembre 2012. Les prud'hommes et l'inspecteur du travail ont donné raison au premier.

CFDT Besançon

A quelques semaines du congrès régional de Montbéliard, ça tangue à la tête de la CFDT de Franche-Comté. L'un des onze membres du bureau de l'URI Union régionale interprofessionnelle, Thierry Navarro, secrétaire de l'UD Union départementale de Haute-Saône depuis 2002, a failli être licencié par le secrétaire régional, Alain Mischler, après avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire le 10 décembre 2012. Après que le conseil des prud'hommes de Vesoul a annulé en référé le 8 février cette mise à pied, l'inspecteur du travail Stéphane Thuillier a refusé le 18 mars le licenciement, prenant appui sur le fait que M. Navarro était protégé par son mandat de conseiller du salarié.
Dans le même temps, le bureau national de la CFDT de février a placé l'union départementale de Haute-Saône sous la tutelle de la confédération. Elle a délégué deux administrateurs provisoires pour piloter l'UD 70, Chantal Delhomme, membre du bureau national, et Eric Frelin, du syndicat interco du Doubs. « Ils ont pour mission de voir ce qui a dysfonctionné et de refaire un nouveau bureau de l'UD dans les six mois, de recréer une équipe », explique Alain Mischler. Les serrures et les clés des locaux vésuliens ont été changées afin d'empêcher Thierry Navarro d'y pénétrer.

La maison d'Exincourt héritée de la CFTC...

Tête de liste aux élections prud'homales de 1997 en Haute-Saône, membre du bureau régional depuis 2000, Thierry Navarro n'est pas en opposition avec la ligne de la CFDT qu'il a représentée au Conseil économique social et environnemental de Franche-Comté. A l'entendre, tout allait bien jusqu'en 2009, date à laquelle le secrétaire régional Bernard Guerringues passe le témoin à Alain Mischler. « En 2011, j'ai voulu dénoncer des dysfonctionnements au sein de l'URI. Par exemple, la vente par l'URI de la maison que l'UIS Union interprofessionnelle de secteur de Montbéliard avait à Exincourt. Je ne dénonce pas que les 110.000 euros soient allés à l'URI, mais que la décision n'ait pas été collective ». Pour Gérard Thibord, membre de l'URI, « cette affaire est finie, il y a eu accord entre l'URI et le syndicat des métallos qui est en contrepartie logé gratuitement à la maison des syndicats... On avait hérité de cette maison de la CFTC La CFDT est issue d'une scission majoritaire dite de « déconfessionnalisation » de la CFTC en 1964, on l'a vendue quand Louis Souvet Maire de Montbéliard de 1989 à 2008 a créé la maison des syndicats... »
Thierry Navarro dit aussi avoir découvert, en devenant en 2010 président du CREDES, la filiale formation de la CFDT, que « l'URI avait pris 58.000 euros au CREDES sous forme de factures. Le trésorier du CREDES était aussi celui de l'URI et ce n'était pas passé par le conseil d'administration. Je n'avais pas fait entériner les comptes 2009, résultat, on m'a exclu du CREDES ! » Alain Mischler conteste cette version : « se réveiller en 2013 sur ce sujet me fait rire ! Les comptes ont été certifiés sans réserve par le commissaire aux comptes ». Gérard Thibord explique : « Il n'y a aucun soupçon. Le CREDES n'est pas là pour faire des sous. Il avait fait un peu de gras, c'est revenu à la CFDT... » L'inspecteur du travail souligne dans sa décision de refus du licenciement que « le retrait de la désignation [de Thierry Navarro] au CA du CREDES par le bureau de l'URI CFDT n'était pas fondé légalement (...) : c'est l'assemblée générale du CREDES qui élit les membres du CA et non le bureau de l'URI qui désigne la moitié de ses membres ».

Il soutient des grévistes à Fougerolles, on lui reproche des absences à Besançon

Ces deux épisodes illustrent, selon Thierry Navarro, des conceptions différentes de l'action syndicale. Parmi les motifs invoqués par Alain Mischler pour justifier son licenciement, figurent des absences de Thierry Navarro aux réunions du bureau de l'URI. « J'étais sur le terrain », répond ce dernier en substance « avec les salariés de Fugi Seal à Fougerolles où 57 emplois sur 106 étaient menacés par un plan social. Il y a eu une grève de 10 jours, j'étais là, avec le préfet, le PDG japonais, les élus, le DRH... Il n'y a eu aucun licenciement et on me reproche d'avoir loupé des réunions de bureau ! » L'inspecteur du travail écrit dans sa décision que « Thierry Navarro était parmi les membres du bureau les moins absents des réunions »
Pour Alain Mischler, la goutte d'eau était la tenue, le 18 octobre 2012, d'une assemblée générale de l'UD 70 qui « n'avait pas lieu d'être au regard des statuts car ne se référant pas à l'union régionale. D'ailleurs, bon nombre de syndicats, connaissant les enjeux, n'ont pas participé à cette mascarade et les nouveaux statuts ont été votés sans la majorité requises des deux tiers ». Là aussi, l'inspecteur du travail refuse cette analyse : « si l'article 10 des statuts de la confédération CFDT prévoit que les URI ont la responsabilité d'organiser les structures interprofessionnelles sur leur territoire, les statuts ne  prévoient pas la possibilité d'interdire aux UD dotées d'une personnalité civile distincte de modifier leurs statuts ».  Pour Alain Mischler, « cela ne change rien : toute organisation qui s'affilie à la CFDT s'engage à respecter les règles confédérales ». Cela signifie-t-il  un risque que des adhérents haut-saônois, voire des syndicats d'entreprises ou de branche, quittent la CFDT ? Le secrétaire régional « ne le pense pas : c'est davantage la problématique de quelques individus ». Thierry Navarro n'en est pas aussi sûr : « il y a un risque, des sections m'ont dit : si on te fait partir, on va à la CGT... ».

« On n'est pas des anges, il y a des conflits de pouvoir... »

Après les remous internes, dont certains ont provoqué des départs de la CFDT ces dernières années, pour des divergences quant à son attitude sur la question des retraites, ce ne sont pas des oppositions politiques qui séparent les protagonistes. « Je n'ai pas de divergences sur les positions de la CFDT », explique Thierry Navarro qui considère par exemple l'accord sur la « sécurisation de l'emploi » comme « une avancée ». Reste qu'il estime nécessaire de « former les équipes de terrain à la flexisécurité sinon on aura la flexibilité sans la sécurité et on ira au contentieux ». Alain Mischler est du même avis : « c'est exactement ce qu'on fait ! »
Alors quoi ? « C'est un vrai conflit de personnes se doublant d'un truc compliqué », analyse Gérard Thibord. Le truc compliqué, c'est que Thierry Navarro est non pas déchargé par sa fédération, mais salarié de l'URI dont il est membre. « Si j'avais un conflit, je retournerais au travail », ajoute Gérard Thibord... Quant au conflit de personnes, il estime qu'on est sur « la construction de la place du chef... On n'est pas des anges, il y a des conflits de pouvoir... » On est en effet bien loin de l'idéal autogestionnaire porté jadis par la CFDT. L'allusion fait sourire Alain Mischler. Va-t-il contester la décision de l'inspecteur du travail ? « On a deux mois pour le faire... » En même temps, il a demandé à Thierry Navarro de « venir travailler à Besançon : on attend qu'il vienne pour lui confier d'autres missions... »
Thierry Navarro est dans un autre état d'esprit, il est en congé individuel de formation, dit « tenir grâce aux syndicats qui [le] soutiennent, sans cela [il aurait] craqué ». Les syndicats Santé-Sociaux de Haute-Saône et Transports de Franche-Comté ont déposé plainte... A quelques semaines du congrès régional, en mai à Montbéliard, l'affaire « mine tout le monde », regrette Gérard Thibord. Ce n'est pas de bon augure alors que le salariat a bien besoin de syndicats solides et unis.   

 

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