Syngué Sabour : la parole d’une femme libre sur fond de guerre…

Kaboul sous les bombes. La guerre fait rage. Une jeune mère veille son mari, héros de guerre, plongé dans le coma. L'imam avait prédit son réveil, mais l'homme blessé dort toujours.

Kaboul sous les bombes. La guerre fait rage. Une jeune mère veille son mari, héros de guerre, plongé dans le coma. L'imam avait prédit son réveil, mais l'homme blessé dort toujours. La femme se décourage. Elle quitte sa maison avec ses enfants pour se cacher dans la maison close de sa tante. Sans trop savoir pourquoi, elle revient au chevet de son mari et d’une voix d’abord hésitante, elle lui parle de ce qu’elle a vécu, de son mariage où il était absent « je me suis mariée avec toi sans toi », de la difficulté pour une femme de trouver la jouissance dans un monde macho, de sa sexualité mal vécue, de ses fantasmes.
En persan, « Syngué Sabour » est le nom d’une pierre noire magique qui accueille la détresse de ceux qui se confient à elle. « Tout ce qui ne peut pas être dit peut l’être devant une pierre » dit-on à cette femme au début du film. Aussi à son mari immobilisé dans un (apparent) profond coma, elle peut enfin parler de sa condition de femme. Tout se passe dans la chambre du malade, sorte de huis-clos où la parole parvient à surgir entre de plus en plus rares allers et retours à l’extérieur. Dans ce long monologue qui s’attaque au machisme archaïque et à l’obscurantisme, le film dresse le portrait d’une femme fiévreuse et sensuelle…
Avec des tableaux presque picturaux, un décor nu en demi teinte, Atiq Rahimi adapte son propre livre avec l’aide du scénariste Jean-Claude Carrière : « Singué Sabour - Pierre de patience » révèle de manière habile et subversive la transformation d’une femme. Elle qui se taisait et devait tout accepter, raconte enfin ses rancœurs, ses rêves et ses désirs : « ceux qui ne savent pas faire l’amour, font la guerre » dit-elle à son mari qui ne l’a jamais vraiment regardée.
Atiq Rahimi ne choisit pas la facilité en instaurant ce long monologue confié à l’actrice iranienne Goshifteh Farahani remarquée dans « A propos d’Elly ». Pourtant ce qui pourrait n’être qu’un cri intérieur inaudible devient une prise de parole forte qui la rend de plus en plus belle : son obstination à vouloir réveiller la conscience de son époux par les aveux pour provoquer le changement est digne d’une tragédie antique…

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