Solmiré, un collectif « Solidarité migrants réfugiés » créé à Besançon

Différents acteurs de solidarité concrète avec des personnes fuyant les guerres du Moyen-Orient et d'Afrique unissent leurs forces pour faire face et rendre encore plus concrètes et visibles les initiatives. Le blogueur historien et reporter Olivier Favier était invité pour la soirée de lancement.

solmire

Ils sont nombreux ceux qui considèrent, comme l'économiste Eloi Laurent invité de La Grande Table sur France Culture ce mercredi 16 novembre, que La France « manque à tous ses devoirs par rapport à tous ces réfugiés (...) quand ce sont les pays les plus pauvres qui les accueillent », notamment en courant derrière la social-xénophobie incarnée par le FN. Parmi ces citoyens actifs et critiques, les infatigables militants du Collectif de Défense des Droits et Liberté des Étrangers et les enseignants du Réseau Éducation sans frontière ont créé avec des jeunes impliqués dans le soutien aux migrants fuyant les guerres d'Afrique de l'Est et du Moyen Orient, le collectif Solmiré, acronyme musical signifiant Solidarité Migrants Réfugiés.

Devant une centaine de personnes réunies le 10 novembre au CDN, Chantal Lecuyer résume les derniers combats ayant conclu à la nécessité de passer un cap : « Demandeurs d'asile à la rue, expulsions cet été dans la violence, manifestations contre l'expulsion de dublinésles « dublinés » sont les migrants ayant fait une demande d'asile lors de keur entrée dans un autre pays de l'espace Schengen où ils doivent, selon l'accord de Dublin, effectuer toutes les démarches administratives...... On s'est rendu compte lors des mobilisations que beaucoup de gens sont sensibles à l'accueil, il y avait 400 personnes à la manifestation de septembre. Il ne faut pas nous épuiser, continuer à dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux comme la séparation des familles ».

Un grand-père fuyant à 16 ans le fascisme italien en 1924...

Maxime Lamboley confirme, c'est après avoir participé à une manifestation qu'il a rejoint le collectif. Depuis, il est engagé dans l'accompagnement de personnes en provenance de la jungle de Calais : « le contexte est celui d'un déficit d'accueil ». Il œuvre pour recueillir des équipements pour passer l'hiver, trouver des enseignants de français langue étrangère, des activités « valorisantes »... L'historien Fabrice Riceputi s'en prend à la préfecture du Doubs à qui « la Cimade a attribué le prix de plus féroce enfermeur d'enfants ».

Passer un cap, c'est aussi lever le nez de l'action d'urgence pour réfléchir, échanger, débattre. La conférence donnée jeudi 10 novembre par le reporter-historien et blogueur Olivier Favier était là pour ça. Elle prend appui sur un livre réunissant des chroniques dont beaucoup sont des portraits, des parcours de migrants : « j'ai voulu placer le lecteur du côté de celui qui part », explique-t-il. Le premier à être parti, dans Chroniques d'exil et d'hospitalité, c'est son grand-père, fuyant à 16 ans le fascisme italien en 1924...

« Comme si c'était moins digne de partir car
on meurt de faim ou veut aller à l'école »

« J'aime bien le mot migrants », dit Olivier Favier, « ce sont des gens qui n'ont pas fini leur voyage. A la différence d'exilé qui est plutôt un état d'âme. Mon grand-père est devenu exilé à 70 ans... Mais opposer migrants à réfugiés est différent. Les réfugiés, ou plutôt les demandeurs d'asile, ont des tas de raisons. Les opposer aux migrants, par exemple économiques, est périlleux, c'est comme si c'était moins digne de partir car on meurt de faim ou veut aller à l'école ».

Parler de dignité, c'est pointer l'indignité de l'accueil : « A Paris, c'est le concours de la situation la plus absurde. A côté, Calais est un paradis d'organisation. Ce n'est pas comme ça que le gouvernement va faire naître des sentiments de gauche. Beaucoup de gens errent, il y a des esclandres, des tensions, des profiteurs, des pervers recherchant de la chair fraiche... Le gouvernement ne gère pas afin de faire naître un sentiment de rejet. La complexité administrative, les CAOcentres d'accueil et d'orientation qui adressent les gens dans les CADAcentres d'accueil des demandeurs d'asile, cela fait que les personnels perdent le sens de ce qu'ils font. Ces gens qui ont fait un grand voyage ont connu des grandes souffrances, ont vu mourir des amis, ont été violés, humiliés... Ils ont survécu car ils avaient un but : la France, pays des droits de l'homme »

« Cette situation va nous coûter cher »

L'indignité, c'est le contraste de la cohabitation de l'opulence et de la détresse dans l'indifférence. Pour Olivier Favier, les évacuations manu-militari produisent des tragédies : « Quand ils arrivent à Paris, la sixième ville la plus riche du monde où ils n'ont droit qu'à un bout de trottoir dont ils sont évacués chaque soir, c'est comme si quelqu'un soufflait la bougie : des gens s'effondrent... Cette situation va nous coûter cher. On fait tout ce qu'il faut pour qu'ils ne trouvent pas de travail, ne s'intègrent pas. Il faut considérer la question migratoire comme une question de richesse humaine, de jeunesse. Nous sommes un pays vieillissant qui a besoin de jeunesse ».

Il reprend l'analyse du journal britannique The Independant selon laquelle le plutôt bon accueil fait aux migrants par la Suède a conforté la croissance en 2015, thèse amplifiée par France Inter qui a parlé de « regain économique inattendu » tandis que le Désintox de Libération nuançait la nouvelle, ne serait-ce parce que le pays scandinave a durci les conditions d'entrée sur son sol. Quoiqu'il en soit, la Suède a mieux traité la question que de nombreux pays d'Europe. 

« Créer du lien : plus on est nombreux à s'impliquer,
plus il y aura un maillage, un réseau... »

Olivier Favier parle aussi des mineurs isolés « souvent invisibilisés, peu pris en charge, dont la minorité est déniée », notamment avec le recours à des tests osseux qui « ne sont pas fiables à 18 mois près ». Là aussi, il est en colère : « la première envie des 16-20 ans est la formation, mais tout est fait pour que ça se passe mal, on les envoie dans des formations dont personne ne veut... »

Comment sortir de l'impasse française ? En « créant du lien : plus on est nombreux à s'impliquer, plus il y aura un maillage, un réseau. Il faudrait qu'il y ait deux à trois personnes derrière chaque gamin afin qu'il mange, montre son bulletin scolaire, soit accompagné en cas de problème administratif... C'est dérisoire, mais ça part de là. Quand on y consacre du temps, on obtient toujours quelque chose ».

« Les chrétiens sont parmi les plus impressionnants sur le terrain,
et je suis sans religion... »

Faire connaître les initiatives, celles de Besançon et de Pontarlier, de Mouthe et du Jura comme du vallon de Sancey contribue à « combattre l'hégémonie culturelle » relayée par les grands médias. Dans la salle, Philippe Edme, maire de Lombard, veut aussi positiver : « le Secours populaire ne fonctionnerait pas sans les migrants qui se relaient bénévolement pour décharger les camions, depuis 5 ans pour l'un 'eux. C'est un travail d'intégration, mais la préfecture ne le reconnaît pas ».

Un jeune homme impliqué explique qu'il faut s'engager pour « un retournement des choses », en fait une contestation globale, totale, du système. Olivier Favier tempère : « je ne suis pas là pour défendre un projet de société, mais l'idée que tous ont les mêmes droits est un projet politique ». Il défend l'unité dans l'action, quelles que soient les philosophies ou les convictions : « les chrétiens sont parmi les plus impressionnants sur le terrain, et je suis sans religion... Il y a des communistes, des libertaires, des socialistes, des gens du MoDem... il y a ce qui nous rassemble... »

Un prochain rendez-vous de Solmiré sera une marche, le 10 décembre.

 

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