Collecter des films présentant un intérêt patrimonial, relatifs aux vieux métiers, aux lieux, aux manières de vivre...
Telle est la raison d'être de la Cinémathèque des Monts-Jura que Denis Bépoix a créée il y a quatre ans avec quelques amis. « Il n'y avait rien en Franche-Comté à partir du cinéma amateur argentique. On s'est inspiré de cinémathèques existantes, comme en Bretagne, en Corse, ou plus près de nous celle des Pays de Savoie et de l'Ain », explique Denis Bépoix.
Venu au cinéma grâce au CCPPO, Denis est né à Besançon, dans le quartier Battant, et a grandi à Palente. Il a longtemps exercé comme projectionniste, a travaillé dans des salles bisontines aujourd'hui disparues : le Vox, le Building, le Rex qui s'appela ensuite le Vauban. Il a exercé à Dole, Champagnole et à Saint-Claude où il vit aujourd'hui une retraite active depuis sept ans.
« Des gens héritent de films dont ils ne savent pas quoi faire... »
La Cinémathèque des Monts-Jura, qui a pris la forme d'une association, a déjà récupéré de nombreux films dans des formats aussi divers que le 8 mm, le Super 8, le 9,5 mm ou le 16 mm, et même des vidéos VHS plus récentes... Le plus ancien, en 9,5 mm, date de 1934... « Il s'agit de dégoter des images et de les rendre aux gens en leur montrant. Ils n'ont souvent plus d'appareil pour les projections, ou alors dans un état limite, ou ils ne savent pas s'en servir... »
Comment les films arrivent à la Cinémathèque ? « Des gens héritent de films dont ils ne savent pas quoi faire. Ils en jettent, en donnent... » Les sujets peuvent être familiaux, mais aussi des mines pour férus d'histoire, de géographie, d'économie... « L'an dernier, j'ai fait numériser des films 16 mm sur le Grandvaux réalisés par un aviateur avant 1940. Il a aussi filmé la scierie de Saint-Laurent avant guerre, qui avait des châssis à énergie électrique installés sur les installations à énergie hydraulique. On y voit le transport par animaux, les passe partout... »
Une promenade au Saut du Doubs en 1934
La première tâche de Denis est de regarder les films sur le matériel adéquat qu'il a conservé : visionneuse ou projecteur « en accord avec le propriétaire ou l'héritier ». Ensuite, il les « rend accessibles en les faisant numériser par la Cinémathèque des Pays de Savoie et d'Ain. Mais pas tout car on n'est pas assez riche... » Il faut réunir plusieurs conditions pour mener à bien une telle tâche : « une association ou un cinéma qui conservent des appareils, un technicien qui sait s'en servir... Il y a un assemblage de techniques mécaniques, optiques, électriques à maîtriser. Depuis, les appareils ont viré à l'électronique puis au tout numérique ».
Il réalise aussi des montages thématiques à partir de différents films. « Je vais montrer le 4 décembre un DVD à Saint-Lupicin où, après une fiction de la réalisatrice La Minette, j'ai ajouté vingt minutes de la fête du village en 1977... Le 11 octobre, on projette Voyage dans le Haut-Jura 1940-1970 où j'ai mélangé un week-end de neige, une promenade au Saut du Doubs de 1934, quelques images de la Fraternelle des années 1980... Ce sont des images retrouvées par les Amis du Grandvaux... »
La procession de Notre-Dame de Boulogne dans le Grandvaux en 1947
Un petit fonds se constitue progressivement qui montre un passé finalement récent. « J'ai récupéré un film de la chartreuse de Vaucluse qui est aujourd'hui sous le lac de Vouglans.. J'ai un film sur la construction du barrage, une vidéo de plongeurs allant voir cette chartreuse : c'est un peu sombre sous 80 mètres d'eau, mais on reconnaît bien... J'ai une descente de canoës sur l'Ain passant à côté de la chartreuse en 1935... J'ai un truc qui va parler aux anciens : la venue en 1947 dans le Grandvaux de Notre-Dame de Boulogne. La ville avait été épargnée pendant la guerre et une vierge était promenée en France de procession en procession : j'ai tout un reportage où cette vierge est montrée sur une remorque dans les différents villages du Grandaux avec les gens en procession derrière... Et des tas d'autres films que je n'ai pas encore regardés... »
Peut-on s'adresser à Denis Bépoix si l'on trouve dans son grenier une malle pleine de bobines de films ? « Ça m'intéresse, mais j'ai peu de temps... Il faudrait que je trouve un autre retraité du cinéma pour qu'il visionne... » Parfois, il connaît l'existence de films, voire d'appareils de projection, appartenant à « des collectionneurs qui ont du mal à les montrer... Ils te les montrent quand tu vas les voir, mais ils ne les sortent pas... » Dommage ? « Oui, les images ont été faites pour être vues ! »
N'en produit-on pas trop aujourd'hui ? « Elles sont surtout absorbées sans réflexion... C'est vrai qu'il y en a partout, à la télé, sur les ordinateurs, les consoles de jeux... »