Réforme des retraites : environ 3000 manifestants dans le Jura

Près de 1500 à Dole, un peu moins à Lons, environ 350 à Saint-Claude… Les défilés des opposants au projet de réforme du système de retraites ont eu un peu moins de succès que la journée du 5 décembre malgré l'appoint d'environ 200 militants de la CFDT.

p1770956

La démission du haut-commissaire à la réforme des retraites n'a pas échappé à l'ironie cinglante de ces quelques élèves du lycée Charles-Nodier de Dole. Leur banderole goguenarde « Dis Jean-Paul [Delevoye] pourquoi tu bats en retraite » a son petit succès dans le défilé de ce mardi 17 décembre. Les lycéens ne sont cependant pas très nombreux. La retraite est si loin. Pourtant, l'un d'eux explique comme un vieux briscard : « il y a le problème du point qui risque de baisser, ou encore cette promesse de 1000 euros avec une carrière complète, mais avoir une carrière complète, c'est compliqué : avant on travaillait toute sa vie dans la même usine, mais là… Et pour les femmes, ce sera dur… »

Comme au premier jour, le comité de défense de l'hôpital public, créé il y a un an, est là : « On est parti à 200 ou 300 du centre commercial Leclerc pour rejoindre le départ de la manif des retraites ». Séparés du gros des manifestants portant la foule des drapeaux de l'intersyndicale mobilisée depuis le début par un vide de quelques dizaines de mètres, on repère une petite troupe de militants CFDT et quelques uns de l'UNSA semblent faire bande à part. 

« 15 jours de grève pour les cheminots »

Au micro, le secrétaire de l'UL CGT, Antoine Cordier, annonce l'ordre protocolaire : « la FSU devant, puis la CGT et FO pour la manifestation pour le retrait de la réforme et le maintien du système par répartition… » Il ajoute : « vous l'avez vu, la CFDT et l'UNSA se battent pour autre chose, mais le projet ne leur plait pas. Ils sont avec nous aujourd'hui. Il y a aussi les gilets jaunes qui ont plus d'un an de manifestations, les cheminots qui en sont à quinze jours de grève… »

Cette mise au point tranquille effectuée, sans reproche mais sans embrassades, le cortège parti de la place de Lhar rejoint la place Grévy en quelques minutes. Elle est loin d'être remplie comme le 5 décembre où la foule débordait dans les voies adjacentes. La police compte 1350 manifestants, la CGT 1800. Selon mon comptage, on est un peu en dessous de 1500 dont une bonne centaine dans le cortège CFDT-UNSA.

Laurent Magnette, délégué CFDT d'Inovym (site Solvay à Tavaux) venu avec une trentaine de salariés, explique sa présence : « cette réforme va plus loin que celle de Balladur en 1993. On n'est pas d'accord. revenir sur l'âge de départ à la retraite est une régression… » Frédéric Geillon et Stéphane Chevenard, délégués UNSA de Solvay, section syndicale issue d'une scission avec une CFDT jugée trop accommodante, étaient « déjà là le 5 décembre ». Ils expliquent que leur syndicalisme autonome n'a pas avoir besoin de consignes nationales pour savoir s'ils doivent ou non signer des accords d'entreprise ou défiler.

« Je m'en sors parce que je vis seul
et sans bagnole… »

Une vieille et fringante militante de la CFDT m'accoste : « j'ai 80 ans et j'ai adhéré en 1961 quand c'était encore la CFTC… Quand on a vu la tête de Laurent Berger, on a bien vu que même le gouvernement n'y croyait pas… » Hubert, drapeau CFDT en mains, se sent à sa place dans le cortège, lui était « déjà là en 1995 ! Notre soucis, ce sont les basses pensions, les femmes… Moi, j'ai 1100 euros de retraite, je m'en sors parce que je vis seul et sans bagnole… »

Salariée de la fonction publique territoriale, cette femme de 57 ans a revêtu une chasuble orange de la CFDT : « ce n'est pas normal que nos dirigeants qui ont tout puissent faire fructifier leur argent nous prennent à ce point pour des imbéciles… » Gagnant aujourd'hui 2400 par mois, elle sait que le système actuel lui garantit une pension de 1800 euros, mais reste dans le flou avec la réforme actuelle : « Je ne peux pas calculer, et comme je suis née en 1962, je devrais sans doute faire un an de plus… »

« Ne laissons pas nos enfants vivre sur une planète pourrie par le capitalisme ! »

Sur la place Grévy, le choeur des enseignants du SNUipp-FSU entome une chanson de son cru sur un célèbre air de Tino Rossi : « Petit papa Macron / Arrête de nous piquer le pognon / Pour le filer aux grands patrons… » Juché sur le petit muret de la fontaine servant le tribune, le secrétaire de l'UD CGT, Richard Dhivers, assure que « de nouveaux secteurs professionnels sont entrés dans le mouvement, des entreprises privées, des jeunes… » On pense notamment aux routiers. Il ajoute comme une évidence : « calculer les pensions à partir des 25 meilleurs années ou des six derniers mois, ce n'est pas la même chose que sur une carrière complète : tout le monde l'a compris ».

Nathalie Pszola, son homologue de la FSU, lit la suite de la déclaration commune qui insiste sur le fait que « les femmes seront les grandes perdantes » de la réforme : « si on est au smic, mieux vaut ne pas divorcer… » Elle ajoute une dimension politique à la mobilisation : « ne laissons pas nos enfants vivre sur une planète pourrie par le capitalisme ! » et espère, sous les applaudissements, que « Delevoye rende des comptes à la justice ». Le texte sera à nouveau lu l'après-midi à Lons-le-Saunier.

Partis de gauche discrets mais présents

L'orateur FO qui prend le relais dénonce pour sa part« le piège tendu par Edouard Philippe aux organisations syndicales en proposant de gouverner le système par point sous le contrôle du Parlement ». Luc Gauthier, responsable des retraités CFDT, que j'interroge dans le cortège, en convient : ce que soulève le militant FO n'est pas rien : « ce serait compliqué que les partenaires sociaux n'aient plus rien à dire… » La manifestation fait ensuite une brève halte devant le sous-préfecture, une petite pause devant la gare où la CGT des cheminots organise une collecte pour la caisse de grève… 

Dans le cortège dolois, on remarque aussi la présence de militants de Solidaires (SUD-PTT, SUD Industrie), de la CGC et des gilets jaunes, ainsi que quelques sigles politiques : PCF, LFI, EELV. A Lons-le-Saunier, on verra les mêmes, plus quelques syndiqués CFTC, la CNT, des candidats de gauche aux municipales (LFI, PCF, EELV, PS)… Et même un militant de l'UPR portant une affiche défendant le Frexit.

Renforcé par des enseignants du Haut-Jura, le cortège lédonien paraît plus festif. Nouveauté, la banderole de tête n'est plus seulement CGT, mais intersyndicale, même si les drapeaux CGT prennent, comme naturellement, leur place à l'avant. On voit un militant CFTC solitaire remonter le défilé avec son drapeau et l'on se dit qu'il va tenter de s'installer avec la tête, mais il hésite un instant et, après avoir jaugé la situation, rebrousse chemin pour se fondre dans la masse…

A plusieurs reprises, des groupes de manifestants où gilets jaunes et militants radicaux se distinguent, bloquent quelques minutes des carrefours au rythme de chants de lutte et de slogans joyeusement scandés tels que « les bourgeois, ça coûte un pognon de dingue ». S'en suivent des espaces clairsemés avec le reste du défilé au sein duquel la sono de la CGT propose du rock, des chants ouvriers ou du Jean Ferrat. Puis les groupes se rejoignent, et bien qu'on constate des différences, l'animosité entre gilets jaunes et CGT qu'on avait sentie forte jusque là, semble moindre…

Détermination rare…

Ces deux semaines de manifestations dans le Jura ont vu une première journée de grosses manifestations, le 5 décembre, suivie de rendez-vous moins fréquentés mais agrégeant à chaque fois des têtes nouvelles. On a par exemple moins vu d'enseignants le 17. Sont-ils pour autant moins mobilisés ? A 50% de grévistes dans le premier degré (selon la FSU), ce serait aller vite en besogne de le prétendre. Une prof lâche que beaucoup n'ont pas voulu priver élèves et parents des fêtes d'école, arbres de Noël et autres chorales prévues de longue date. Et jeudi 19, par exemple, l'école d'Arinthod devrait être fermée, selon le SNUipp.

Faut-il parler de pause au vu de cette journée du 17 comparativement moins spectaculaire que le 5 ? Difficile d'être affirmatif, mais on sent que grand est le besoin de souffler en famille. Pour mieux repartir après les fêtes afin de peser sur la présentation du projet en conseil des ministres fin janvier ? Quoi qu'il en soit, le vieux journaliste qu'est l'auteur de ces lignes, a rarement vu une telle détermination lors d'une mobilisation sociale.    

 

Lons-le-Saunier

Lons-le-Saunier

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !