Ils descendent de leur bus et se mettent au pas, en uniformes et casquettes siglés SNU sur la tête. Certains jeunes volontaires qui effectuent leur Service national universel en Haute-Saône étaient ce lundi matin en visite sur la base aérienne 116 de Luxeuil-les-Bains. Répartis dans trois salles, ils ont visionné un film sur l’action des forces armées françaises. Un militaire évoque ensuite la force de dissuasion nucléaire, « la France compte 300 têtes nucléaires, pas plus pas moins. Nous avons six sous-marins capables de lancer l’arme, dont un toujours sous l’eau ». On sent les jeunes intéressés et impressionnés. Répartis autour de tables non mixtes, une de filles et deux de garçons dans notre pièce, les 97 volontaires de 15 et 16 ans ont ensuite pu jouer à la guerre et mettre en « pratique » leurs capacités stratégiques militaires dans un jeu de plateau simulant les tensions au niveau international.
D’un coup, on entend une sorte de claquement venu d’une salle voisine. « C’est elle qui arrive », dira quelqu’un qui travaille à la base. Elle, c’est Florence Parly, ministre des Armées, aussi en visite ce matin à la BA 116, qui accueille, entre autres, le groupe de chasse 1/2 « cigognes » qui assure constamment une mission de « police du ciel ». Elle est accompagnée du général cinq étoiles Philippe Lavigne, chef d’État-major de l’armée de l’air, du colonel Stéphane Spet, commandant la BA 116, de Ziad Khoury, préfet de Haute-Saône, de Jean-François Chanet, recteur de la région académique Bourgogne-Franche-Comté et d’un tas d’autres gradés de l’armée et d’élus locaux.
Au moment où tout ce monde entre dans notre salle, quelqu’un hurle un ordre qui fait tressaillir ceux qui n'en ont pas l'habitude. « Posture digne ! » Impressionnant, après le même claquement des bras sur le corps, le silence absolu succède soudain au brouhaha d’une cour d’école. Les jeunes, et l’ensemble des personnes présentes, se sont mis debout. Posture digne. C’est à peu près la même signification que le garde-à-vous, « mais les jeunes ne sont pas militaires, on ne peut pas se permettre de la dire », nous dira une soldate. Ce n’est que lorsque le deuxième ordre résonne, « au repos », que chacun se remet assis autour du jeu de rôle.
Réveil à 6h15, levée de couleurs à 7h15
Ce régime strict, que beaucoup de jeunes volontaires sont venus chercher, et que certains ne trouvent pas encore assez « militaire », marquera leurs 12 jours de SNU en Haute-Saône, l’un des 13 départements tests du dispositif (voir encadré). Il y a en tout dans le département 192 volontaires, et plus de 2000 jeunes dans toute la France. Ils logent dans 16 « maisonnées » au sein du lycée Belin de Vesoul.
À Chaque jour son nouveau « petit » chef par maisonnée, c’est eux qui veillent par exemple à rassembler la section quand il le faut. Le programme est cadré : réveil à 6h15, déjeuner à 7h, levée des couleurs à 7h15 et début des activités à 8h. Les thématiques sont centrées sur la défense, la mémoire, la prévention des addictions, les gestes de premiers secours, la laïcité, l’environnement, le sport, la rencontre avec les élus, des visites culturelles, etc. Chacun a aussi pu effectuer un bilan de santé complet.
« C’est l’apprentissage concret des valeurs républicaines », nous dira une tutrice qui, sur instruction du préfet, n’avait pas l’autorisation de parler pendant la visite de la ministre. Finalement, une discussion est possible après l’intervention du service communication de la préfecture. Elle est gendarme réserviste, les autres responsables des maisonnées sont soit des éducateurs venus du milieu associatif, des responsables de centre, ou d’autres réservistes de l’armée ou de gendarmerie.
Des avions Rafale sur la base de Luxeuil à partir de 2032
Chaque soir, ils animent un débat de « démocratie interne » par maisonnée, dont le thème est proposé par le directeur en fonction de la journée. Filles et garçons sont séparés, « mais on a demandé d’être en mixité, avec deux maisonnées, pour le débat sur l’égalité hommes-femmes », dit la tutrice. Les filles avaient aussi envie de parler de contraception, une discussion a pu avoir lieu sur ce thème. Un léger incident dans une maisonnée a aussi conduit les jeunes à évoquer le harcèlement.
Aujourd’hui, lors de ce module consacré à la défense, ils ont pu assister au décollage en situation d’urgence de l’un des 25 Mirage 2000-5 de la base. L’avion est en l’air 15 minutes après le retentissement de l’alarme. Sa mission, un exercice de police des airs : intercepter et raccompagner sur le tarmac un petit avion qui avait franchi sans autorisation l’espace aérien au-dessus de la base.
La ministre passe ensuite en revue les mécaniciens de l’escadron de soutien technique aéronautique et plusieurs autres corps de métier de la base. Avec 890 personnes, dont 50 civils, et 214 réservistes, c’est le plus gros employeur de la ville et le 4ème du département.
Beaucoup d’élus, dont le député LREM Christophe Lejeune, membre de la commission de la défense nationale à l’Assemblée, s’inquiétait d’une possible désaffection de la base. La ministre a rassuré tout le monde : « Je veux vous annoncer que la base a été choisie pour être équipée de Rafale, après 2030 ». À partir de 2032, les avions Rafale remplaceront donc progressivement les Mirage, bientôt mis au rebut. De quoi garantir un avenir à la base et soulager les élus.