Rachel Silvera : « Ailleurs d’autres coeurs de métiers battent aussi ! »

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« Il faut reconnaître un salaire égal pour un travail de valeur égale, c'est d'ailleurs ce que dit la loi de 1972. » Rachel Silvera, économiste et maître de conférence à Nanterre avance que la hiérarchie habituelle des revenus est à remettre en cause et insiste sur le terme de « valeur ». Pourquoi ? Selon elle « tant que la mixité n'est pas réalisée et il faut dire qu'elle peine à l'être, il est nécessaire de réévaluer à la hausse les professions, non pas de nature féminine, mais à prédominance féminine. » En repérant ce qui fait la discrimination, en comparant mais « sans dévaluer les professions à prédominance masculine et ce que les luttes sociales ont permis d'obtenir ». A l'invitation du comité régional de la CGT, Rachel Silvera intervenait à l'Institut Régional du Travail Social (IRTS) à Besançon à l'avant-veille de la journée de luttes pour les droits des femmes. Raphaëlle Manière, secrétaire générale de la CGT du Jura était aussi à la tribune devant quarante personnes réunies pour la journée. Elle a redit que « l'émancipation des femmes est la transformation majeure des cent dernières années mais que la révolution reste inachevée. La nouvelle frontière est une articulation des temps de vie professionnelle, personnelle et familiale égale entre les sexes. »

Avec Séverine Lemière, Rachel Silvera publie un Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine, un guide demandé par le Défenseur des droits et réalisé dans un collectif de chercheurs, en lien avec représentants d'institutions et partenaires sociaux pendant deux ans. Selon Rachel Silvera, il s'agit de montrer que « dans les systèmes de classification il y a des biais pensés comme critères objectifs : responsabilité, technicité, diplôme même, qui dévalorisent les métiers à prédominance féminine. Il s'agit d'une discrimination indirecte souvent au nom du fait qu'ils ne sont pas dans le coeur de métier. Les technicités relationnelles considérées parfois comme des compétences naturelles sont moins considérées que les technicités productives industrielles. De fait les femmes restent limitées à une gamme restreinte d'emplois et de responsabilités. Hommes et femmes occupent encore rarement les mêmes postes de travail… Mais la revalorisation des métiers à prédominance féminine ne va pas de soi. Elle suppose de remettre en cause des systèmes établis, souvent légitimés par tous les acteurs - y compris par les premières concernées… »

Le combat n'est donc pas simple à mener, y compris quand elle affirme « il ne s'agit pas de dire hommes-femmes, non, il faut prendre en compte les emplois à prédominance masculine ou féminine » et ensuite que la remise en cause essentielle est « bien entendu » celle d'un modèle de la virilité. Alors l'enjeu semble tout autre, comment passer de l'un à l'autre : « compliqué à expliquer » concède-t-elle. Dans les milieux syndicaux même, « ils n'ont pas encore tout à fait compris ce qui se passe, contrairement au Québec où une loi impose ce travail sur la comparaison des emplois. Les hommes ont à y gagner aussi. Notre idée est de montrer qu'il y a une richesse dans le relationnel qui est vitale pour l'entreprise, pour la société. Il ne s'agit pas de dire que ça a plus de valeur mais le risque existe de valoriser ici et de dévaloriser là. Je fais confiance aux acteurs pour qu'on n'en arrive pas là. » Raphaëlle Manière insiste : « les exemples de Suisse et du Québec ont montré que la revalorisation de ces métiers à prédominance féminine ne se faisait pas au détriment des hommes. » Alors, revaloriser sans dévaloriser, convaincre ou imposer, inverser ou neutraliser la domination ? Les luttes émancipatrices doivent aussi faire face à des biais pour ne pas avoir à renoncer à ce qu'elles sont.

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