Questions de genre… A quel sein se vouer ?

Les termes récemment employés par les tenants des nouvelles générations pour exprimer les diversités sexuées semblent manifester un caractère passablement volatil et abstrait, alors que les termes plus anciens offrent de leur côté davantage de connotations charnelles...

Comme l’a bien exprimé Montaigne, l’homme est ondoyant et divers.

Cette puissance – au sens de potentialité – que recèle la condition humaine semble actuellement se manifester de façon variée dans le domaine des sexualités, plus ou moins « flottantes », nourries sur l’humus de la notion de genre.

Le concept de genre désigne les processus sociaux par lesquels les identités sexuées et sexuelles sont produites. A travers cette notion, les identités sexuelles sont appréhendées en tant que production du social et non de nature. Le genre marque donc une dénaturalisation (révélant comme social ce qui peut être pensé comme le produit de différences biologiques) permettant de nommer des réalités sociales liées aussi bien au domaine du travail, qu’à celui de l'économie, de la démographie, des normes, des représentations sociales, des inégalités... mais aussi du corps, et la sexualité. On désigne ainsi les processus et les rapports sociaux qui divisent, polarisent et organisent l'humanité en différentes catégories de « sexe », « genre » et de « sexualité » (tel que masculin / féminin, homme / femme, mâle / femelle, cisgenre / transgenre, intersexe / dyadique, homo / hétéro, etc. )

D’après une « enquête » récente, il apparaîtrait que « pour les collégiens et lycéens de 2021, les lois de l’amour sont à la fois complexes et simples. Qu’ils soient hétéros, homos, bi, panromantiques ou asexuels, pour eux le sexe et le genre comptent moins que la personne aimée ».1Afin de tenter de se repérer dans cette nouvelle « nomenclature » opérée à travers la notion de genre, jetons un œil sur l’éventail du vocabulaire qui se met progressivement en place (plus particulièrement chez les collégien(ne)s et les lycéen(ne)s) à propos de la sexualité.

-Asexualité = orientation sexuelle d’une personne ne ressentant pas ou peu d’attirance sexuelle envers quiconque (homme ou femme) ;
-Pansexualité = attirance physique, sexuelle, affective ou romantique pour toute personne,  quelque soit son sexe ou son genre... Mais aussi, amour de la "totalité", nature, arbres etc... 
-Cisgenre = se dit d’une personne dont l’identité de genre (masculin ou féminin) correspond au sexe de sa naissance ;
-Transgenre = se dit d’une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe de naissance.
-Queer = personne ayant une sexualité ou une identité de genre différente de l’hétérosexualité ou de la cisidentité ;
-Cis-hét = personne hétérosexuelle et cisgenre ;
-Demisexualité = se dit d’une personne qui n’éprouve de l’attirance sexuelle pour une autre qu’après en être tombée amoureuse ;
-Gender fluid = dont le genre balance entre masculinité et féminité ;
-Hétéro/normativité (ou /normalité etc.) = ensemble des attitudes favorables à la norme hétérosexuelle (universalisable) ;
-Homosensible = qui est favorable à la cause homosexuelle ;
-Gay = homosexuel (masculin) ;
-Lesbienne = homosexuelle (féminin) :

Sans oublier :

-intersexe ou intersexué(e) = le terme d’ "intersexuation" est employé pour désigner des personnes dont les caractéristiques sexuelles ne correspondent pas aux "normes" typiques et binaires masculines ou féminines. En biologie l'intersexuation, anciennement appelée intersexualité se définit selon l’ONU comme une manière de décrire les caractères sexuels biologiques d’un individu, notamment ses organes génitaux, ses gonades, ses taux d’hormones et ses chromosomes, et plus particulièrement, sur un plan sociologique, applicables aux personnes intersexes qui naissent avec des caractères sexuels qui ne correspondent pas aux définitions traditionnelles du sexe. Dans l’espèce humaine cette qualification concernerait jusqu’à 17 naissances sur 1 000, soit à peu près autant que celles concernant les personnes rousses.

Pour résumer :

-LGBTQIA = lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queer, intersexe, asexuels, + tous les autres... 

Faisant écho à cet échantillon de vocabulaire, somme toute passablement abstrait, on pourrait convoquer certains termes empruntés au Dico du cul de mon ami Jean-Paul Colin. 2

-Abat-joues = joues de ce second visage qu‘il n’est pas bienséant de montrer en public ;
-Coupe cigare = anus ;
-Miches = métaphore pour poitrine (ou seins), analogie de formes rondes, de blancheur moelleuse, fendues par le milieu ;
-Roubignoles = testicules (par analogie avec la petite boule de liège utilisée au jeu de la cocange) ;
-Foufoune = sexe féminin, vulve ;
-Nibards = seins ;
-Pétard = « postérieur » ;
-Cymbales = métaphore musicale désignant les fesses...

Arrêtons là ces théories sexuées et tentons de prendre un peu de re-cul.

Il semble, en première analyse, que les termes récemment employés par les tenants des nouvelles générations pour exprimer les diversités sexuées manifestent un caractère passablement volatil et abstrait, les termes plus anciens offrant de leur côté davantage de connotations charnelles. Peut-on y voir un des effets de la dématérialisation globalement entraînée par les nouvelles technologies de l’information et la prégnance d’une culture de l’image à travers le développement des réseaux sociaux ?

Paradoxalement, il apparait que l’ère de la consommation numérisée tend tout à la fois à gommer et à exacerber les différences, les comportements individuels se trouvant ainsi comme affranchis ou libérés des conventions rigides d’antan, elles-même déjà fortement ébranlées par la dilution des solidarités traditionnelles.

A certains égards, on peut penser que cela marque l’entrée, de plain-pied, dans une sorte d’ère du vide3 ou d’autodestruction créatrice, le neuf basculant aussitôt dans l’ancien, dans fuite en avant en quête de sens et de... sensations.

Ainsi va la vie des êtres humains... 

Faites vos jeux,

rien ne va plus...


1 Le Monde, 17-18 octobre 2021.

2 Jean Paul Colin, Le dico du cul, Belfond, 1989.

3 Gilles Lipovetsky, L’ère du vide, Gallimard, 1983.

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