Qu’advenait-il des « aviateurs tombés » en 39-45 ?

« Mieux valait être un aviateur allemand tombé en Angleterre qu’un pilote anglais abattu en Allemagne. Quant aux aviateurs alliés, le risque, en France, d’être livrés aux Allemands était infime » selon l'historienne Claire Andrieu.

« Mieux valait être un aviateur allemand tombé en Angleterre qu’un pilote anglais abattu en Allemagne. Quant aux aviateurs alliés, le risque, en France, d’être livrés aux Allemands était infime. » C’est le constat de l’historienne Claire Andrieu, professeur à Sciences Po Paris, fille du compagnon de la Libération, André Postel-Vinay. Au Kursaal, mercredi 26 septembre, elle a abordé les « comportements des populations civiles face aux aviateurs tombés » devant cinquante personnes, étudiants, universitaires, curieux et membres de l’association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation.

Ce travail est fondé sur des faits vérifiés, des statistiques, à partir de debriefings militaires et de procès verbaux de procès. De 1940 à 1945, 150.000 aviateurs des deux camps chutent. La moitié sont tués. Près de 40 % sont faits prisonniers. 10 % parviennent à s’échapper. Les données disponibles permettent de distinguer des comportements généraux selon les pays. 

Accueil civil en Angleterre

Les autorités et la presse allemandes, pendant la guerre, sont silencieuses sur d’éventuels cas de violence à l’encontre des aviateurs allemands. « C’est révélateur », selon Mme Andrieu : après la période des bombardements, les craintes d’une invasion de l’île, les Britanniques ne s’en prennent pas directement aux rescapés des appareils allemands. « Le système social et étatique en Grande-Bretagne favorise la contention de la violence », énonce la chercheuse. Elle signale également la tolérance publique pour les pacifistes et les objecteurs de conscience de même que les dispositions particulières des Britanniques pour l’humour plutôt que la dramatisation. Dans la presse de l’époque, les situations en question sont relatées humoristiquement. Cela permet une « mise à distance ». Le peuple est en guerre mais n’exerce ni exactions ni vengeances.

L’Allemagne nazie et les lynchages

La situation de l’Allemagne, sous l’emprise nazie depuis 1933, est toute autre. Claire Andrieu montre qu’à la fois l’Etat, les autorités allemandes et la population s’engagent à brutaliser et tuer les aviateurs ennemis. La Convention de La Haye de1907 qui énonce à l’article 22 : « les belligérents n’ont pas un droit illimité quant aux choix de nuire à l’ennemi », est bafouée rapidement. Himmler, en août 1943, ordonne à la police de ne pas empêcher la population de rendre justice directement quand un ennemi est fait prisonnier : c’est une justification et un appel au lynchage. La plupart de ces lynchages, qu’elle qualifie d’ « actions collectives populaires », ont lieu sans ordre explicite. Il s’en déroule encore tardivement, jusqu’en en mai 1945.

Aide généralisée en France

« On ne relève pas de cas de dénonciations d’aviateurs alliés aux autorités allemandes ou à celles de Vichy ». Quand il arrive que l’aide directe soit refusée, une issue est indiquée sans trahison. Dans leurs manuels militaires, les Britanniques font savoir que les chances d’être secourus en France sont de plus de 90 %. Ces "helpers" sont de véritables résistants. Ils sont rétifs à la propagande virulente des Allemands et des autorités de collaboration. Ils prennent des risques mortels quand leur action est considérée comme un acte de guerre. Cet engagement résistant non violent est qualifié par Claire Andrieu de « guerre maternelle » : il s’agit de protéger, nourrir et aider à échapper. On connaît 300 de ces "helpers" dans le Doubs.


Un colloque international

Le Musée de la Résistance et de la Déportation organisait au Petit Kursaal à Besançon, les 25-26-27 septembre, un colloque sur "les comportements collectifs en France et dans l’Europe allemande, 1940-1945". Trente chercheurs sont venus d’universités françaises, belge, britannique, polonaise et israëlienne. Le thème, original et ambitieux, était abordé à travers cinq séances d’exposés et cinq tables rondes dont notamment : "Résistance(s) et tissu social : la France", "Les comportements en France vus d’ailleurs", "Comportements complexes".

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