« P’tit Quinquin » rénove l’idée de série en proposant du cinéma à la télé

Les premiers épisodes de ce polar délirant de Bruno Dumont, diffusés sur Arte jeudi dernier, sont visibles sur Arte+7. La deuxième partie à la télé ce jeudi 25 septembre. Factuel Info était à la Rochelle lors de projection intégrale de la série…

Bruno Dumont, réalisateur de P'tit Quinquin

« P’tit Quinquin », série de Bruno Dumont rénove l'idée de série en nous proposant du cinéma à la télévision. Les premiers épisodes de ce polar délirant diffusés sur Arte jeudi dernier sont visibles sur Arte+7. La deuxième partie à la télé ce jeudi.

Si vous voulez savoir ce que pourrait être la télévision idéale, quittez l’autoroute et prenez la départementale en direction de la côte d’Opale. Et ne vous fiez pas à la bande annonce diffusée sur Arte. Le message « Bienvenue chez les vrais Ch’tis » ne plairait pas à Bruno Dumont : le cinéaste n’a pas voulu faire un film sur les Ch’tis, mais plutôt sur l’humanité, au sens large même si le Nord sert de décor à cette fiction.

Factuel Info était à la Rochelle lors de projection intégrale de la série…

Primé à Cannes pour La Vie de Jésus et L'Humanité

Bruno Dumont, ex-prof de philo devenu cinéaste, est né à Bailleul dans le Nord. C'est dans cette petite ville des Flandres, entre Lille et Dunkerque, qu'il tourne ses deux premiers films, La vie de Jésus (1997) et L'humanité (1999). Deux longs métrages acclamés à Cannes (Mention spéciale Caméra d'or pour le premier, Grand prix du jury et double prix d'interprétation pour le second).

Avant cette aventure il a réalisé des films de commandes : « J'ai filmé des bonbons, des cabines de tracteurs, des notaires, du jambon, des briques, du charbon... C'est là où j'ai appris à faire du cinéma, sans jamais en faire, par détour ! » Il ne fait pas de psychologie Dumont. Il filme.

Dans ses œuvres de fiction, il cherche à capter dans la profondeur de l’homme l’endroit où se trouve la lumière, là ou la force croise la fragilité Son cinéma peut paraître brutal. Apre. Ou incandescent. Il essaie de regarder le sacré avec un regard profane. De parler de l’homme. De sa laideur. De sa beauté. De sa bestialité. De sa chair. De son humanité aussi.

Et cet automne, il prend un virage ou même deux : réaliser une série de 3h20 pour ARTE et parler du tragique en utilisant le registre de la comédie.

« Le ressort comique c’est le tragique »

Au Festival de La Rochelle il a longuement évoqué P’tit Quinquin, une série délirante : après avoir filmé des boulons et du jambon, le cinéaste pastiche le polar : une tête de femme est retrouvé dans une panse de vache. Le commandant de gendarmerie et son adjoint enquêtent…

Dites, Bruno Dumont quelle est votre méthode pour passer de la tragédie à la comédie sans sourciller ? « Il y a toujours des moments drôles dans mon cinéma : il suffit de regarder Pharaon de Winter le personnage de L’Humanité  pour comprendre qu’on est pas très loin du comique. Le ressort comique c’est le tragique ».

Les acteurs dérapent. Ils regardent leur pied. Ils piquent des fous-rires aux antipodes du cinéma lisse. « Je ne travaille pas avec des acteurs connus. Ce qui m’intéresse c’est de prendre un jardinier et de lui faire jouer un rôle de gendarme. Carpentier le commandant ne savait pas conduire avant le tournage. La production ne voulait pas prendre de risque pour des raisons d’assurance. J’ai tenu bon : quelqu’un qui conduit sans permis génère du comique.

Dumont n’aime pas tourner la nuit. Trop d’artifices. Il préfère la lumière naturelle. L’écriture classique d’un film ne l’intéresse pas. Sa méthode ? « Je n’écris plus de scénario depuis longtemps. Je suis incapable de mettre du jour et de la nuit. Je filme très peu de nuit d’ailleurs. J’écris du romanesque et vois si cela tient la route. Le texte au départ ne peut pas donner un film. Je découpe ensuite. A la fin j’ai un scénario qui est la soustraction des précédentes opérations. »

« Il faut un rail pour ensuite faire dérailler… »

Son cinéma cultive l’accident, le ratage pour écrire un monde où le bien et le mal s’affrontent. A l’image sans âme, il préfère le chaos. « Il faut un rail pour ensuite faire dérailler… le comique ne peut naître que du déréglage. Mais avant il faut le réglage : Je passe une année avec les acteurs. Le déréglage vient des interprètes. Les non professionnels jouent avec la peur au ventre. Ce qui produit quelque chose d’autre.»

Le film est tourné dans le Nord. La ferme n’est pas très belle mais… « C’est quoi un paysage ? C’est un lieu qui va être filmé. Un beau paysage n’est pas forcément bien pour le cinéma. La caméra éveille ce qu’elle filme, le paysage et les gens. Il faut aimer les gens et cela va fructifier. L’âme est derrière et devant. On trouve l’humanité à force de filmer… »

Les gendarmes sont d’une incompétence rare. Les curés piquent des fous rires aux enterrements. La caméra s’arrête sur des pâtures qui ressemblent aux œuvres des peintres flamands. Les voitures tournent en rond dans les cours de fermes. Parfois même les pneus crissent comme dans les séries américaines.

Et P’tit Quinquin dans tout çà ? Vous ne voulez tout de même pas que je vous raconte l’histoire ?

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !