Projet de Center Parc de Poligny : la résistance s’organise

Plus de soixante personnes ont participé à la première réunion, sur invitation, de l'association Le Pic Noir, constituée pour organiser la recherche d'informations et le développement d'arguments susceptibles de convaincre de l'inutilité du projet du groupe Pierre&Vacances.

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« Ce n'est pas un 100 mètres, c'est un marathon ! » La soixantaine de participants à la première réunion (sur invitation) de l'association Le Pic noir, mardi 22 avril à Poligny, savent à quoi s'en tenir. Trouver les informations puis les arguments susceptibles d'emporter la conviction de nombreux citoyens et d'élus de refuser l'implantation d'un Center parc en forêt de Poligny sera une affaire de longue haleine. Au moins trois ans, assurent les fondateurs du Pic noir qui en ont parlé avec les opposants – victorieux – au projet similaire d'Ungersheim, en Alsace. Ils sont également en contact avec les riverains de deux autres projets, à Chambaran (Isère) où l'opposition est déjà organisée, et Le Rousset (Saône-et-Loire).

Le Pic Noir
L'association a été déclarée il y a quelques semaines à la préfecture du Jura. Elle compte huit fondateurs dont Véronique Guislain et Atalle Mottet, ancienne élue de la Confédération paysanne à la Chambre d'agriculture du Jura.
L'adhésion individuelle est à 5 euros, d'une personne morale à 20 euros.
Contact : contact@lepicnoir.fr
A voir
Une vidéo aérienne du Center Parc des Trois Forêts en Moselle.
Ils se réjouissent de la perspective d'un Center parc
Le Conseil régional : «une grande nouvelle économique et touristique»
Le président du Conseil général du Jura, Christophe Perny : «une excellente nouvelle»
L'office de tourisme de Poligny : «avec le Center parc, Poligny dépassera ses voisines»
Le conseil général de Saône-et-Loire pour le projet du Rousset

Avant d'en arriver à ce résumé des nécessités d'une mobilisation réussie, la réunion était destinée à effectuer un premier tour d'horizon de l'état des connaissances acquises, d'analyses économiques ou scientifiques, voire de réflexions sur les valeurs – plus ou moins partagées – sur lesquelles se base l'opposition au projet porté par Pierre&Vacances et soutenu par plusieurs collectivités : conseil régional, conseil général du Jura, ville de Poligny, communauté de communes du comté de Grimont... Enfin, sept commissions de travail ont été créées (communication, alternative, économie, enjeux sociaux, démocratie, environnement, stratégie), les participants étant invités à s'inscrire pour continuer la recherche d'informations.

Quelles sont les questions posées par le projet et les ébauches de réponses apportées lors de cette réunion ?

Le principe

Pierre&Vacances, construit sur 150 hectares de la forêt de Poligny un Center Parc à 170 millions d'euros. La groupe construirait 400 bungalows pour 104 millions, les revendant à des particuliers et/ou des investisseurs, et les louant pendant neuf ans aux vacanciers censés provenir de Suisse et Rhône-Alpes. Le centre aquatique, estimé coûter 66 millions d'euros, serait situé sous une bulle tropicale et porté par une société d'économie mixte constituée par Pierre&Vacances et les collectivités locales qui sont remboursées en 20 ans. Le conseil général du Jura mettrait 19 millions, le conseil régional une dizaine. Le périmètre d'étude du projet est de 250 hectares : « l'investisseur garde une marge de manoeuvre pour faire 100 ha de plus », analyse la conseillère régionale Brigitte Monnet (EELV). Le fait que Pierre&Vacances se tourne vers des partenaires privés et institutionnels peut être mis en relation avec sa fragilité économique : les deux derniers exercices ont été déficitaires.

Valeurs

« Il s'agit de faire fantasmer les habitants d'Europe du nord, leur faire croire qu'ils vont passer trois jours sous les tropiques alors qu'on est sur le Premier plateau du Jura, qu'il peut faire moins quinze ou avoir neigé et que vous êtes en slip de bain sous une bulle où il fait 29° », assure Véronique Guislain, porte-parole d'EELV Jura. De plus, ajoute-t-elle, « il y a déjà un concept similaire, c'est le camping de la Pergola, près du lac de Chalain, avec des bungalows dans les bois. On n'a pas besoin d'un second Center parc dans le Jura ! »

Plusieurs riverains expriment des craintes quant à l'augmentation du trafic routier à Plasne, Baretaine ou Le Fied. « On habite là parce qu'on aime la tranquillité... »

«On n'a pas de tourisme de masse dans le Jura », dit Brigitte Monnet.

Emploi

Pierre&Vacances annonce la création de 300 emplois. « Ça n'était pas facile pour nous d'apparaître en opposition au projet, notamment sur l'emploi », indique Jacques Guillot, tête de liste de la gauche lors des dernières municipales (35%). « 300 emplois, c'est sans doute 130 équivalents temps-pleins, mais qu'en est-il des emplois induits ? », ajoute-t-il.  Du coup, l'opposition municipale n'entend pas être contre par principe, mais plutôt dans une perspective de recherche d'information : « la communauté de communes doit faire intervenir Pierre&Vacances pour présenter le projet aux 300 élus municipaux, puis aux habitants d'ici fin juin ». Patrice Bau, président de la fédération Jura Nature environnement, également sur une position de recherche critique d'informations, évoque 76% d'emplois en CDI et 60% de temps pleins. Plusieurs personnes dénoncent un « chantage à l'emploi » qui tétaniserait les élus.

La forêt

Le maire de Poligny, Dominique Bonnet, s'est engagé à compenser la vente des 150 hectares de la forêt communale par un achat équivalent. Jean-Baptiste Mottet, technicien forestier, estime entre 110.000 et 130.000 euros par an les recettes d'exploitation forestière de la zone concernée... « tant qu'il tombera de l'eau sur le Jura ».

La filière bois

Pierre&Vacances, qui a rencontré le 10 avril, non pas avec le bureau d'études Biotope comme prévu initialement, mais le cabinet Conflence, Jura Nature environnement qui lui avait adressé une liste de questions, entendrait privilégier la filière jurassienne pour ses bungalows, autrement appelés cottages. « Il faudrait que la filière suive », dit quelqu'un. « J'y ai longtemps travaillé, aucune boîte ne peut faire 400 charpentes », dit un autre intervenant. A vérifier, plusieurs entreprises de la région sont spécialisées dans la construction-bois.  

L'eau

C'est le problème numéro un du projet, reconnu comme tel par les élus soutenant le projet, notamment lors d'une réunion à Plasne. La consommation est évaluée à 650 m3 par jour. Deux syndicats des eaux seraient sollicités pour fournir de l'eau. Le village du Fied manque d'eau pendant plusieurs jours d'été environ une année sur trois, et est alors approvisionné par le camion de ramassage du lait qui va en chercher à Champagnole. Une option est un raccordement à la source de Syam. Mais « si elle est utilisée, comme Plasne est en bout de canalisation, il n'aura plus d'eau », dit un habitant du village. Une autre mentionne trois sources de la forêt de Leutte qui, lorsque Le Fied manque d'eau, ne suffisent pas aux villages de La Marre et Picareau.

L'assainissement

Avec le sous-sol karstique, notamment ses dolines, c'est un problème majeur. Les colorations effectuées par Pascal Reylé, hydrogéologue bisontin, montrent que les circuits sous-terrains ressortent à Ladoye et impactent potentiellement la haute Seille. Les installations d'épuration envisagées sont pour l'équivalent de 2000 habitants. Raccorder le site à la station d'épuration de Poligny nécessite la construction d'une nouvelle station d'épuration ou la restructuration de l'actuelle. Une estimation de 5 M€ est évoquée. Un participant à la réunion évoque une proposition d'Arbois de traiter les eaux usées de Poligny moyennant un investissement de un million d'euros.

L'impact sur l'économie touristique

L'impact sur le tourisme n'a été qu'effleuré lors de cette réunion, en tout cas davantage par des réactions individuelles que par des études qui restent à faire. Un habitant du Fied a entendu un propriétaire de gîte persuadé de récupérer des clients rebutés par les tarifs de Center parc, et des agriculteurs espérer une meilleure fréquentation de la coopérative. Selon une récente étude de l'INSEE, le Jura est le département comtois qui compte le plus fort taux d'emplois touristiques (3,5% contre 2,6% pour la région, 3,7% pour la France), et parmi ceux-ci une part plus importante est directement liée à l'hébergement : 40,5% contre 31% pour la région.

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