Petite enfance à Besançon : « une offre où chacun trouve son compte »

C'est ce qu'affirme l'adjoint Yves-Michel Dahoui lors de la rentrée des crèches et halte-garderies municipales qui accueillent un quart des enfants de moins de trois ans. Pourtant 30% des demandes sont refusées... Structures associatives, privées et d'entreprises complètent, avec 700 assistantes maternelles indépendantes, un dispositif où la scolarisation des tout-petits est marginale.

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Un quart des quelque 4000 petits Bisontins de moins de trois ans sont accueillis par une structure où travaillent près de 300 professionnels relevant de la Ville. Ils sont en effet 1035 inscrits dans treize crèches et six halte-garderies ou auprès d'une quarantaine d'assistantes maternelles municipales. Environ 700 assistantes maternelles « indépendantes », agréées par le Département, accueillent quant à elles 2300 à 2400 bambins, soit environ 60%.

Les quelques 600 à 650 autres jeunes enfants de moins de trois ans peuvent également trouver des places dans des crèches d'entreprises (80 au CHU, 60 à Témis), associatives (25 places à l'Antenne petite enfance) ou neuf micro-crèches privées totalisant 88 places. S'ajoute un projet de crèche de 25 places à la caserne Brun porté par l'Armée. Restent près de 400 enfants restant gardés principalement dans leur famille, ce qui fait dire à l'adjoint à l'éducation Yves-Michel Dahoui et la conseillère déléguée à la petite enfance Rosa Rebrab, qu'il existe à Besançon « une offre permettant à chacun de trouver son compte ». Même si, souligne Karine Laurent, enseignante en maternelle à Planoise et co-secrétaire départementale du SNUipp-FSU, « les places en crèche sont chères ». Rosa Rebrab confirme : « On dit non à 30% des demandes ». Faudrait-il en ouvrir d'autres ? « Ce serait l'idéal, mais le contexte financier ne le permet pas... »

De moins en moins d'enfants de 2 ans scolarisés

De fait, une partie des enfants de moins de trois ans vont à l'école. Dans le Doubs, ils étaient 541 durant la dernière année scolaire, soit un taux de scolarisation dans l'enseignement public de 8,13%, en chute très sensible depuis douze ans : 19,31% en 2004-2005 (source Rectorat). Cette baisse ne « surprend pas » Catherine Jamati, professeure des écoles à Planoise et secrétaire académique de SUD-Education : « l'administration a un double discours, elle dit vouloir favoriser la scolarisation des moins de 3 ans, notamment dans les cités, mais ne les compte pas dans les effectifs ! » Sauf dans les secteurs d'éducation prioritaire.

Cette scolarisation avant trois ans est considérée par plusieurs études comme étant « bénéfique pour la suite de la scolarité, surtout au niveau du langage », témoigne Karine Laurent. Pour faciliter la transition de la crèche à l'école maternelle, des dispositifs existent théoriquement, notamment les « passerelles ». Mais ce n'est pas simple de passer de la théorie à la pratique : « le DASENDirecteur académique des services de l'Education nationale avait annoncé deux classes particulières pour enfants de 2 ans et deux classes passerelles, mais une seule doit ouvrir à Ornans où c'est une volonté municipale », explique Mme Laurent.

A Besançon, où 207 enfants nés en 2015 sont inscrits en maternelle, un projet similaire devait voir le jour à la rentrée à l'école Cologne de Planoise : « les directeurs d'écoles maternelles se réunissent depuis deux, mais c'est tombé à l'eau pour des problèmes de locaux. A Artois, il devait y avoir un dispositif hors école avec un enseignant à mi-temps et quelqu'un de la ville, mais ça ne se fait pas. On n'a pas senti que l'Education nationale ait insisté lourdement auprès de la ville... »  

Les besoins de communication de l'âge pré-verbal

On sent là le poids des restrictions pesant sur les budgets des collectivités locales... Du coup, la crèche prend en compte la question de l'acquisition du langage, à tout le moins de la communication. « La qualité de l'accueil, c'est aussi répondre aux besoins de communication de l'âge pré-verbal », explique Marjorie Bouhalba, directrice de la crèche de la Vieille-Monnaie. Le personnel municipal de la petite enfance est ainsi progressivement formé depuis un an à « la communication gestuelle à base de signes. On fait des gestes codés en même temps qu'on parle et que l'enfant peut mimer ».

Elle joint le geste à la parole : Tu as faim ? se double du geste des doigts vers la bouche ; tu as sommeil ? est accompagné d'une joue penchée sur la main ouverte. « C'est différent du registre des pleurs... Cette formation intègre la façon de poser sa voix, car en crèche, on a souvent des problèmes de volume sonore. Les parents sont très intéressés, on a fait un livret à leur intention... » Pour Christine Skrzypek, coordinatrice petite enfance à la Ville, le résultat est là : « le volume sonore a baissé... Parmi les gestes, il y a par exemple la captation du regard : j'arrive... »

Lieux de socialisation, la crèche et l'école permettent l'articulation avec d'autres dispositifs comme l'accompagnement à la parentalité en lien avec les familles. Des rencontres à thèmes - nourriture, propreté, écrans... - sont proposées. Mais élus comme éducatrices de jeunes enfants ou enseignants constatent que « les parents qui en ont le plus besoin sont ceux qui vont le moins chercher l'information ». L'observation des professionnels est confirmée par les scientifiques : exposer les tout petits aux écrans - télévision, smartphones, tablettes, ordinateurs - est dangereux. Surtout quand ces écrans sont d'autant plus occupationnels ou sédatifs que les conditions de vie sont difficiles, comme le montre par exemple une étude de l'UNAF que l'on peut lire ici

Les ravages de la surexposition aux écrans

« Il faut accueillir les questions des parents, ne pas avoir une attitude professorale », souligne Rosa Rebrab, conseillère municipale déléguée à la petite enfance, « l'oreille d'un professionnel n'est pas celle de la mamie ou de la belle-soeur... Si un professionnel observe des soucis, il en parle aux parents et leur demande s'ils sont d'accord pour voir un-e psychologue... »

L'enseignante de maternelle et syndicaliste Karine Laurent fait des constats similaires sur les ravages de la surexposition des jeunes enfants aux écrans : « l'apprentissage du numérique est dans les programmes et les écrans sont aussi à l'école. Des enfants maîtrisent la souris, d'autres ne savent pas ce que c'est... Beaucoup sont passifs devant la télé, parfois, ils ont vu le second film de la soirée... Des familles ayant des soucis économiques mettent la télé dans des chambres d'enfant et la plupart ont vu la télé le matin avant de venir à l'école... On en voit certains à la récréation qui semblent dans un jeu vidéo, font des gestes de combat dans la cour... Des enfants semblent déconnectés de tout... » Elle estime que donner l'information aux parents est « la base, mais il est primordial de ne pas porter de jugement ou de faire la morale... »

A la crèche de la Vieille-Monnaie où les élus présentaient à la presse, jeudi 24 août, la rentrée des crèches, Patricia Jolidon entame avec le sourire sa dernière de quarante années d'auxiliaire de puériculture. « J'aime travailler en groupe... Une petite structure (20 places ici) est plus conviviale qu'une grande (60 à Battant, Bersot, Orchamps ou Saint-Ferjeux)... » Comment a-t-elle vu évoluer son univers professionnel ? « Les enfants sont plus difficiles qu'avant... Il y a moins de limites... »

Reste que tout mettre sur le dos des parents serait faire l'impasse sur les conditions économiques, sociales ou culturelles qui ont très nettement changé depuis 1977...

 

 

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