« On a besoin de vous et en réa vous ne serez jamais seule… » (2)

Volontaire pour être renfort face à la pandémie au CHU de Besançon, Aline n'avait jamais travaillé en réanimation. Après s'être demandée si elle serait « à la hauteur », elle a pris sa décision : elle raconte la formation spécifique accélérée qu'elle a suivie avec une vingtaine de collègues, infirmières comme elle. Quelques jours après, elle reçoit un appel : « vous êtes libre à partir de quand ? »

cov

 

Deux types de formation étaient possibles, une formation « novice » destinée à ceux qui n’avaient jamais exercé en réanimation et une formation « expert » pour des soignants déjà habitués à cet environnement de soin ( infirmier en réanimation pédiatrique, en soins intensifs..). Quelques jours avant la formation, je reçois un lien pour suivre deux Mooc (cours en ligne) avant la première immersion, l’un sur la ventilation, le second sur « patients covid + et soins critiques ». Fin mars, j’effectue les deux jours de formation pour les «  novices », nous sommes une vingtaine, uniquement des infirmières.

Pour nous transmettre les connaissances requises, plusieurs catégories professionnelles se sont relayées : des cadres formateurs de l’institut de formation des professionnels de santé (principalement de la formation infirmiers anesthésistes), des anesthésistes, des infirmiers.ières anesthésistes (IADE), des étudiantes de bloc opératoire (IBODE). L’accueil commence par des remerciements : « merci de venir nous aider », puis le ton se veut rassurant, plusieurs fois les professionnel.le.s affirment : «  vous ne serez jamais seules en réa, vous aurez au maximum deux patients en charge ». Sur les quatre demi-journées, par groupes de quatre ou cinq infirmières, la formation a suivi sept grandes thématiques : l’accueil d’un patient Covid en réanimation, la surveillance du patient, les principes de la ventilation, la gestion d'un arrêt cardiorespiratoire, la préparation des médicaments, l'habillage et le déshabillage des soignants et la mobilisation des patients.

Tout kit rentré en chambre est considéré comme infecté

Avant d’accueillir un patient « covid + », dont l’état se dégraderait en maladies infectieuses, la chambre de réanimation doit être préparée à l’aide de listes pré établies et les différents dispositifs sont vérifiés et testés. Le respirateur doit fonctionner et être mis en veille, le matériel pour intuber doit être prêt ainsi que le matériel pour poser une voie veineuse centrale, un cathéter artériel, une sonde urinaire. Le matériel est mis en attente sur un chariot à proximité de la chambre car tout kit rentré en chambre est considéré comme infecté. L’accueil des patients se fait en équipe : médecin, interne, infirmier et un autre soignant qui reste à proximité de la chambre pour pouvoir transmettre le matériel nécessaire.

Chaque patient a des objectifs sur le plan clinique, fixés très fréquemment par l’équipe médicale. Ȧ partir de ces objectifs, les infirmiers.ères réalisent un travail de surveillance, tant par l’observation du corps du malade (les bruits et les mouvements respiratoires) que par la surveillance ventilatoire du malade, avec entre autres le réglage des alarmes du respirateur et du moniteur. Ainsi, le travail s’attache à l’observation de tracés, de courbes, de chiffres, de volumes, de fréquences, de moyennes, de pressions, et de la saturation (taux d’oxygène dans le sang).

Aussi, le travail infirmier en réanimation est rythmé en grande partie par la préparation et l’injection des médicaments. Une attention particulière est également portée aux entrées et sorties du corps, par une évaluation de la diurèse et des différents apports reçus par le patient au cours d’une journée. Les cathéters sont inspectés, les rougeurs, les écoulements, tous les signes qui pourraient signaler un risque infectieux et entrainer un dysfonctionnement sont recherchés. Les corps sont aussi examinés, leurs positions, leurs marques, et ils sont mobilisés. Les patients qui souffrent de détresse respiratoire peuvent être soulagés par des cures sur le ventre, appelées « décubitus ventral », en opposition au « décubitus dorsal ». Lors du passage du dos au ventre (et du ventre au dos), cinq soignants sont nécessaires, chacun ayant une tâche précise et des points de vigilance à regarder. Le déplacement étant un geste à risque, tout est orchestré pour anticiper le moindre problème.

En réanimation, on sauve des vies...

Lors de la formation, nous jouons toutes la scène avec un mannequin, représentant un patient de réanimation. De même, nous massons un patient qui vient de faire un arrêt cardio-respiratoire, nous résolvons des calculs de doses pour préparer les drogues de l’induction, puis celles pour une durée plus longue. Nous observons l’habillage, séquencé en une petite dizaine de gestes (lavage de main, sur blouse, charlotte, masque, lunette, parfois tablier, désinfection des mains, gants, double gants pour les soins) et le déshabillage, tout aussi ordonné, du propre au sale. Nous nous familiarisons avec le matériel, nous testons les dispositifs pour aspirer les malades. Nous sommes mises en situation réelle par des questions posées sur le terrain et nous tentons de résoudre les problèmes rencontrés par les patients.

Un point crucial annoncé régulièrement au cours par différents formateurs et formatrices est l’importance de se protéger, de mettre des sur-blouses, le bon masque, les gants car: « c’est votre santé avant tout ». Des documents écrits nous sont remis, ils concernent les thématiques abordées, avec les connaissances utiles. Aussi, nous avons un tutoriel pour réaliser le test diagnostique covid aux malades selon la procédure validée, et un document présentant les étapes du traitement des corps en cas de décès. La mort sera très peu abordée car en réanimation, on sauve des vies. Je relis les documents, me surprends parfois à répéter les actions à dérouler, à tenter de les mémoriser : que dois-je faire lors de l’arrivée d’un patient, lors d’un arrêt, ce que je dois vérifier quand la saturation chute, ou encore quand le patient fait une hypotension ou encore tachycarde, quel est le dosage de telle ou telle « drogue »…

Quelques jours après la formation, le téléphone sonne, l'un des cadres de la réa me contacte pour savoir si je peux travailler et comment : 
« Vous pourriez faire des nuits ? Vous êtes libre à partir de quand ? Vous souhaitez être doublée ? »
« Oui, je préfèrerais être doublée »
« Vous voulez venir ce soir ? »
« Heu »
« Demain soir ? »
« Mercredi , d’accord, j’espère que je serai à la hauteur »
« Oui, ne vous inquiétez pas, on a besoin de vous et en réa vous ne serez jamais seule. Vous commencerez vendredi, samedi, dimanche de nuit et je vous transmettrai la suite plus tard ».

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !