No Land’s Song, le chant de la révolte

Depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran interdit aux femmes de chanter seules en public. En 2013, Sara Najafi jeune compositrice iranienne décide, envers et contre tout, d’organiser un concert de chanteuses solistes.

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No Land’s Song, récit de cette aventure, - filmé par Ayat Najafi, le frère de la soliste, - suit les démarches de Sara auprès des autorités pour obtenir les autorisations nécessaires. Des contacts sont pris en France avec Jeanne Cherhal, Elise Caron et Emel Mathlouti, égérie de la révolution tunisienne  pour les inviter à  participer à ce concert.

Ayat Najafi filme les  démarches de Sara, à l’instar de sa rencontre avec un théologien qui déclare face à la caméra que la voix des femmes est « un fromage trafiqué » et parle aussi du chant comme d’un « art de la conserve ». Une femme ne peut pas chanter seule en public car elle peut faire naître la tentation sexuelle ou des émotions impures. La sensualité de la voix des femmes pourrait faire sortir les hommes de « leur état normal » assène-t-on. L’inverse n’est pas vrai puisque les femmes savent se contenir quand un homme chante !

La lutte contre l’obscurantisme

Les solistes iraniennes ne doivent chanter que devant un public de femmes, dit-on aussi. Pas question pour elle de donner des cours de chant en chantant, rappelle un protagoniste. En mimant peut-être ? Et quand bien même il serait question de leur accorder l’autorisation, ce serait sans enregistrement, sans caméra et surtout en fournissant la liste des noms des spectateurs. Le ton est donné. La lutte contre l’obscurantisme est en marche. Comment faire pour briser ce tabou ?

On assiste à de nombreuses rencontres avec le Ministère de la Culture et de la Guidance Islamique. Ici, les censeurs ne sont pas visibles : la ruse filmique consiste à faire entendre les réponses enregistrées clandestinement par un dictaphone. L’écran est noir. Le visage des censeurs hors-champ. Ils sont là pourtant, de manière prégnante et récurrente.

No Land’s Song évoque les joutes verbales de Mehran Tamadon, auteur du documentaire « Iranien » sorti en 2014. Le cinéaste athée avait convaincu quatre mollahs de venir habiter et discuter avec lui pendant deux jours. Le port du voile et la liberté de la femme, questions épineuses venaient aussi troubler l’apparente quiétude des discussions.

Habilement, en parallèle, on découvre toute une partie du répertoire musical perse tombé dans l’oubli, et convoqué par des images d’archives des années 1924 et 1950, où dans des lieux devenus mythiques, des femmes chantaient.

Le combat de la culture contre l’archaïsme

Dans ce parcours, Ayat Najavi pose un regard sur les musiciens et chanteuses françaises en discussion sur la préparation du concert. Indignée Elise Caron s’indigne : « Dans ce monde où la femme pose problème, je pense qu’il faut qu’on éradique la gente féminine et la part de féminité de l’homme ».

On l’aura compris, c’est le combat de la culture contre l’archaïsme de la société iranienne auquel nous convie ce film. Celui de la résistance contre le conservatisme. De la voix contre le silence des femmes. De la liberté contre l’oppression. Un combat féministe militant dont on  ne citera pas l’issue : il faut aller voir ce film limpide,  qui, - entre l’ombre et la lumière, entre espoir et désespoir, - tisse l’idée d’un changement possible.

Cela s’appelle l’aurore.

 

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