« Monsieur Duron ne veut plus voir Vesoul… »

Pas moins de quatorze organisations et associations avaient appelé à une mobilisation citoyenne samedi 10 octobre à Vesoul afin de dénoncer le rapport Duron qui, dans son application, signerait la fin de la ligne historique « Paris-Bâle ». 500 personnes ont pris date pour exiger sa pérennité.

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Une chose est sûre, samedi après-midi, les oreilles de Philippe Duron, député PS du Calvados, ont dû siffler très fort. L’auteur du rapport éponyme concernant les Trains d’Equilibre du Territoire n’a suscité que colère parmi les 500 manifestants rassemblés devant la gare de Vesoul et bien décidés à lui demander des comptes : « Comment ce monsieur peut-il imaginer qu’en supprimant deux des quatre allers et retours pour Paris, il comblerait le déficit de la ligne 4 ? Il faut être sacrement tordu pour arriver à ce raisonnement ou alors, pire, être bien décidé à fermer toutes les gares entre Troyes et Mulhouse. Monsieur Duron n’a jamais dû voir Vesoul et Monsieur Duron ne veut plus voir Vesoul… sur une carte ferroviaire », se fâche Jean-Louis Morel, cheminot et responsable de la CGT en Haute-Saône.

Le rapport Duron (lire ici), présenté en juin dernier, préconise un traitement radical pour la ligne Paris-Mulhouse en maintenant 13 allers et retours par jour entre Paris et Troyes, mais en ramenant à deux par jour entre Troyes et Belfort contre quatre aujourd’hui, tout en supprimant plusieurs arrêts dont Lure, Langres, Culmont et Chaumont.

Le ton est donné et, pour les associations et organisations syndicales présentes, il n’est plus question d’attendre d’éventuelles solutions techniques ou financières inscrites ou non dans des conventions que personne ne respecte, mais bien des décisions politiques d’aménagement durable du territoire qui feront que l’on puisse vivre et travailler dans le monde rural : « Depuis 1995, je bats, chaque année, le pavé, soit pour essayer de sauver un bureau de poste, une maternité, une école, une prison ou une gare, comme aujourd’hui. A chaque fois, on me sert une logique comptable imparable selon les dieux de la statistique qui vivent sur autre planète. Quand comprendront–ils ces politiques que ce n’est pas de beaux discours sur le monde rural même claironnés depuis Vesoul par un Président de la République mais par des actes en faveur de ces territoires que cela doit se concrétiser. Maintenant, j’attends naturellement du ministre des Transports qu’il annonce la pérennité de la ligne sur son ensemble de Mulhouse à Paris et qu’il s’en donne les moyens », peste Michel Antony, le président du comité de vigilance pour le maintien des services publics de Lure et de Luxeuil.

« Le train, c’est l’avenir. Après la COP21, vous verrez que j’aurai raison »

Autant dire que ce ne sont pas les quelques moutons estampillés SNCF qui pâturent entre les lignes de chemins de fer pour éviter les mauvaises herbes, ni les centaines de carcasses de « petits gris », ces trains de banlieue entassés sur le triage de Vesoul avant d’ être détruits, qui démontrent la volonté de l’opérateur de transport de redonner du souffle à la ligne Paris-Mulhouse.

Parmi les plus optimistes, il y a bien, Benoît, 85 ans et retraité de l’artisanat. S’il regrette les voitures à compartiments qui lui ont permis de faire de belles rencontres, il demeure néanmoins persuadé que l’avenir redonnera ses lettres de noblesse au rail : « Après avoir été détruits, les tramways reviennent en force dans les villes, les habitants les plébiscitent. Le train, c’est l’avenir. Après la COP21, vous verrez que j’aurai raison. »

« La fermeture brutale, c'est politiquement compliqué. Alors, ils tentent de le faire à l'usure »

Pas tout à fait sur les mêmes positions, Patrick, un cheminot encore en activité, veut croire aux potentialités de cette ligne « qui traverse quatre régions ». Mais, après des décennies de combat, il sent que le vent, qu'il vienne du nord ou du sud, de l’est ou de l’ouest, porte l’odeur des gaz d'échappement : « La fermeture brutale, c'est politiquement compliqué. Cela provoquerait un tollé. Alors, ils tentent de le faire à l'usure. Pour la SNCF, c'est une question de dogme. Ils attendent les élections de 2017. Ensuite, ils remplaceront les intercités par des autorails, qui eux-mêmes seront remplacés rapidement par des autocars. »

Pour ne pas rester sur le quai des recalés de la modernisation et du maintien des Trains d’Equilibre du Territoire, une délégation d’associations s’est rendue à la préfecture de Haute-Saône, afin que celle-ci transmette un cahier de doléance dans le but de maintenir la ligne 4, à un haut fonctionnaire, le préfet François Philizot, mandaté par le gouvernement afin mener une large concertation jusqu’en mai 2016 sur l’avenir d’une quarantaine de lignes ferroviaires « Intercité ». A la fin de ce travail, l’annonce de décisions sur l’offre de TET à l’échelle nationale devrait intervenir dans la foulée et l’on saura alors si l’on peut toujours venir voir Vesoul… même en train.

 

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