Monnaies complémentaires : un outil pour le développement territorial et social

Un groupe de réflexion régional s'est constitué en janvier à Besançon pour recenser les initiatives franc-comtoises et dépasser les échecs passés. Jean-Jacques Bret et Hevré Maillot en sont les animateurs.

Hervé Maillot et Jean-Jacques Bret

L'euro sert essentiellement à spéculer, la cause paraît entendue pour l'économiste Jacques Rigaudiat : « seulement 10% des 8000 milliards d'euros sont en lien avec l'économie réelle », a-t-il notamment souligné dimanche au Forum social de Dole. Autrement dit, 90% vont vers « l'économie casino ». Peut-on imaginer une monnaie recentrée sur les besoins humains non satisfaits, permettant les échanges, non de valeur, mais de produits de base et de services utiles ? Autrement dit, une monnaie reposant sur la valeur d'usage des choses plutôt que sur la seule valeur d'échange ?

Une telle monnaie existe. On devrait même en parler au pluriel : « Environ 5000 monnaies complémentaires sont recensées dans le monde occidental, il y en a sans doute davantage », estime Hervé Maillot, l'un des animateurs du groupe de réflexion régional qui s'est constitué en janvier 2014. Il s'agit de favoriser « les échanges là où une monnaie traditionnelle ne le fait pas », notamment pour « des besoins non satisfaits » afin de « refaire circuler la richesse sur un territoire », a-t-il précisé samedi lors d'une table ronde consacrée à la finance solidaire.

Bourse d'échange et compensation centrale

Les pistes ne manquent pas, comme « favoriser les maraîchers locaux ou les AMAP sur la base d'une charte », indique Jean-Jacques Bret, ancien directeur de la filière comté, très impliqué dans le projet : « Il ne s'agit pas forcément d'émettre de la monnaie, mais de constituer une bourse d'échange avec une caisse de compensation centrale ». Il n'y a pas que des pistes, mais aussi des réalisations, parfois anciennes. Ainsi le wir, système d'échanges créé en Suisse après la crise de 1929 auquel adhèrent 60.000 entreprises : « il est plus actif quand il y a un ralentissement économique : quand le crédit se raréfie, les entreprises se prêtent entre elles... » Au Japon, un système d'aide inter-générationelle réunit 1,8 million de personnes et permet, par exemple, à un adolescent aidant un vieux d'avoir une créance lui donnant droit à une aide quand il sera vieux à son tour. Dans la banlieue de Gand, en Belgique, une action de nettoyage du quartier permet d'avoir une monnaie servant à louer un jardin potager : le besoin avait été identifié lors d'une enquête auprès de la population.

Les échecs existent aussi, par exemple celui du sol bisontin qui n'avait « sans doute pas la masse critique nécessaire, était trop ambitieux et n'avait pas assez de volontaires », dit Jean-Jacques Bret. A Dole, une étude menée il y a quelques années n'a pas débouché « par manque de commerçants », explique un ancien élu.

Comment 1000 euros en génèrent 1450 s'ils restent sur un territoire

Quoiqu'il en soit, la durée moyenne de lancement d'une monnaie complémentaire est de trois ans. Pour l'heure, la réflexion franc-comtoise ne fait que commencer. Les étapes nécessaires sont le recensement des initiatives et projets, l'étude des échecs, l'implication des collectivités. La ville anglaise Bristol a ainsi mis 100.000 livres, Toulouse 35.000 euros et des animateurs municipaux. « On peut insuffler une politique sociale, ça doit s'organiser autour des besoins locaux », dit encore Jean-Jacques Bret. L'enjeu n'est pas que social, il est aussi celui du développement local et territorial : « une dépense de 1000 euros destinés à une entreprise locale se traduit par un retour à l’économie locale de 1450 €, alors que le retour n’est que 450 € pour une entreprise non locale. On mesure le levier de développement que représente une politique territorialisée de la production d’énergie, ou de l’économie d’énergie », expliquait l'économiste bisontin Gérard Magnin, citant une étude américaine, lors de la constitution du groupe. Pour sa consoeur Evelyne Ternant, « il est possible de recréer des emplois, de favoriser les circuits courts. Mais pour réussir il faut parvenir à un minimum de masse critique ».

Pour éviter le stockage de la monnaie complémentaire, celle-ci se déprécie si elle n'est pas dépensée. En Grèce, de telles monnaies représentent aujourd'hui 20% de l'économie...

Des réunions de présentation ont déjà eu lieu dans la région, d'autres sont programmées, les prochaines mercredi 16 avril à 20 h à Quingey (association TRI) et le 21 mai à 18 h en un lieu non encore déterminé. Objectif : un premier bilan à la fin de cette année.

 

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